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Accueil du site > Tribune Libre > Plaidoyer pour que renaisse de ses cendres le Régiment de la Calotte (...)

Plaidoyer pour que renaisse de ses cendres le Régiment de la Calotte rassemblant « tous les gens dont la cervelle est détraquée »

En 1888, Charles Rozan nous fait redécouvrir le Régiment de la Calotte, société joyeuse et burlesque formée au commencement du XVIIIe siècle, et dont le point de départ se trouve, d’après ce qu’a raconté le général Ambert, dans les petites circonstances que voici.

Armes du Régiment de la CalotteEn 1702, une société de jeunes officiers et de courtisans, assemblée chez M. de Torsac, exempt des gardes du corps, frondait à l'envi les ridicules de la cour. Un seul des convives était silencieux et morose, le maître du logis. Tourmenté d'une violente migraine, il ne répondait que par des plaintes aux rires et aux quolibets de ses convives ; il avait, disait-il, la tête emprisonnée dans une calotte de plomb, qui le rendait comme fou. « Eh ! qui donc n'a pas sa calotte ? Qui donc n'est pas fou en ce monde, s'écria le garde du corps Aymon, porte-manteau du roi. Toutes les sottises que nous voyons nous prouvent suffisamment, que si l'on formait un régiment de tous les gens dont la cervelle est détraquée par cette calotte idéale, ce serait assurément le plus nombreux de tous les régiments de la terre. »
 
L'étincelle mit le feu ; on applaudit, on s'occupa sur-le-champ de l'organisation dudit régiment, à la tête duquel furent placés le maître de la maison, M. de Torsac, ainsi que l'orateur, M. Aymon, qui prit le titre de général de la calotte, et cette première séance fut appelée séance de la migraine.
 
Les attributs des membres de l'association étaient une calotte de plomb et des grelots ; la devise française était : C'est régner que de savoir rire, et la devise latine : Favet Momus, luna influit. On adopta un étendard, un sceau, on rédigea un règlement, et, ainsi organisée sous les auspices de l'extravagance et de la gaieté, la société se mit à enrôler, bon gré mal gré, en leur décochant des brevets de membres du Régiment de la Calotte, tous ceux qui se signalaient par quelque sottise ou quelque ridicule. Ces petites satires commençaient presque toujours par les vers :
 
De par le dieu portant marotte,
Nous, généraux de la calotte...
 
D'abord, elles furent mordantes sans être grossières ; mais dans les attaques personnelles, on ne garde pas longtemps la mesure ; le ton s'accentua et le bon goût disparut.
 
Sous la Régence, la plupart des brevets étaient licencieux. Bientôt il n'y eut plus rien dans la vie publique, dans la vie privée ou dans les livres qui fût à l'abri des quolibets de la joyeuse milice ; personne ne fut épargné, et les enrôlements involontaires s'étendirent à tous les hommes qui jouaient un rôle ou occupaient une grande position : Villars, le Régent, Louis XV, Dubois, Law, le cardinal Fleury, Fontenelle, Lamothe, Voltaire, Destouches, furent enrégimentés dans la Calotte. Le roi ne se fâcha pas : on dit même qu'il demanda à Ayamon s'il ne ferait pas un jour défiler son régiment devant lui, et que le général de la Calotte répondit : « J'y avais pensé, sire, mais il n'y aurait plus personne pour le voir passer. »
 
Les poètes, rédacteurs ordinaires des brevets, étaient Aymon, les abbés Des Fontaines et Gacon, Piron, Grécourt, et surtout Roy, qui échauffait singulièrement la bile de Voltaire : « Que dites-vous d'une infâme Calotte qu'on a faite contre M. et Mme de La Popelinière, pour prix des fêtes qu'ils ont données ? Ne faudrait-il pas pendre les coquins qui infectent le public de ces poisons ? Mais le poète Roy aura quelque pension, s'il ne meurt pas de la lèpre, dont son âme est plus attaquée que son corps. »
 
Voltaire nourrissait une vieille rancune contre le Régiment de la Calotte, qui l'appelait cher Calottin de première classe, et qui l'avait élu grosse caisse, détaché au service du roi de Prusse en qualité de trompette.
 
A la fin du siècle, le Régiment de la Calotte s'était évanoui ; on ne peut pas se moquer toujours. Les poètes et les gens de cour disparurent, il ne resta plus que des officiers ; alors la société se transforma : elle devint une sorte de conseil de famille appelé à intervenir dans les contestations entre officiers, dans les questions d'honneur, de délicatesse ou de simple convenances, en dehors de tout ce qui regardait la disci­pline ou les règlements ; et à prononcer des arrêts, sous une forme gaie, contre les officiers qui avaient, par leur conduite, mérité des observations ou des censures.
 
En souvenir des bouffonneries d'autrefois, les jugements tombèrent souvent dans la trivialité. A la fin, la police militaire du chef de la calotte de chaque régiment ne s'exerçait plus qu'à la table des officiers.
 
Vieux de trois siècles, le Régiment de la Calotte n'aurait assurément pas grand peine à élever au rang de membres éminemment représentatifs certains contemporains parmi les plus illustres...
 
© La France pittoresque
Web : http://www.france-pittoresque.com
Magazine : http://www.magazine-histoire.com
Facebook : http://bit.ly/gtwKCc

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4 réactions à cet article    


  • Epiménide 23 décembre 2010 14:00

    A bas la calotte et vive la Calotte !


    • Papybom Papybom 23 décembre 2010 15:11

      FrancePittoresque, bonjour.

      Si le Régiment de la Calotte devait renaitre, nous aurions une Brigade. A ses cotés, la division de la Carotte ne ferait pas mauvaise figure.

      Entre les gens dont la cervelle est libérée (pas détraquée) et les gens qui ne marchent qu’à la carotte ; nous serions les maitres du monde.

      Les calotins n’étaient somme toute au départ, que des grands galopins. Sur ce critère, nous serions nombreux sur ce site, à nous enrôler sous la bannière de la dérision.

      Attention avant de signer : A bas la calotte  ! N’est pas amusant.

      Cordialement.

       


      • brieli67 23 décembre 2010 17:01

        Les ravages de la thuyone  : 



        génépi 

        Bonjour ! ça manque de suisses ici ! 

        L’ Oskar par exemple qui chante librement : La France c’est foutu 

      • Fergus Fergus 24 décembre 2010 09:18

        Bonjour.

        Excellent article qui nous remet en mémoire une plaisante association, hélas disparue ! A noter que le compositeur Philidor l’avait dotée d’une sorte d’hymne appelé « Marche du Régiment de la Calotte ».

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