Les scandales politico-financiers
s’accumulent pour l’exécutif.
1- Françoise Nyssen et les travaux
immobiliers de son ex-maison d’édition.
Ce qui lui est reproché. Selon Le
Canard enchaîné, Françoise Nyssen aurait fait agrandir, de 150
mètres carrés, les locaux parisiens de la maison d’édition Actes
Sud, sans les autorisations nécessaires. D’après le journal, les
travaux n’ont été signalés ni à la direction de l’urbanisme de la
mairie de Paris, ni à l’administration fiscale. La ministre est pour
l’heure restée silencieuse à ce sujet.
Pourquoi c’est problématique pour
l’exécutif. Ce n’est pas la première fois que Françoise Nyssen
fait l’objet de révélations du Canard enchaîné. En juin,
l’hebdomadaire satirique avait dénoncé l’agrandissement du siège
d’Actes Sud à Arles (Bouches-du-Rhône), réalisé en 2011 sans les
autorisations nécessaires, avant que la situation soit régularisée
à l’entrée de Françoise Nyssen au gouvernement. La ministre avait
alors regretté une « négligence ». Qu’en est-il donc des
promesses de transparence et de probité avancées par le président
de la République, Emmanuel Macron, et par l’exécutif ?
"Il faut voir si la justice s’en
saisit, je ne crois pas que ce soit le cas, a répondu le
porte-parole Benjamin Griveaux, mercredi, rappelant que si un membre
du gouvernement est mis en examen, "il doit quitter le
gouvernement".
2- Alexandre Benalla et son rôle
auprès de la police le 1er-Mai.
Ce qui lui est reproché. Alexandre
Benalla, ancien directeur adjoint de cabinet à l’Elysée, et proche
du président, est mis en examen des chefs de "violences en
réunion« , »immixtion dans l’exercice d’une fonction
publique« , »port public et sans droit d’insignes
réglementés« , »recel de détournement d’images issues de
la vidéo protection« et »recel de violation du secret
professionnel". Le 1er-Mai dernier, alors qu’il suivait les
forces de police qui encadraient les traditionnelles manifestations
des syndicats, Alexandre Benalla a été filmé en train
d’interpeller de manière musclée un jeune homme, place de la
Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris. "Une grosse
bêtise", avait-il expliqué par la suite.
Pourquoi c’est problématique pour
l’exécutif. L’exécutif a été très critiqué pour la faiblesse de
la sanction initialement infligée à Alexandre Benalla, seulement
mis à pied 15 jours. L’affaire a provoqué la suspension des débats
à l’Assemblée sur la réforme constitutionnelle, qui constituait
pourtant un des principaux projets du président. Le gouvernement
veut aujourd’hui faire oublier les ratés de communication des jours
qui ont suivi les révélations de cette affaire dans la presse.
L’exécutif devra aussi rassurer son propre camp, qui a exprimé des
premiers signes de défiance envers le président.
D’autant que l’opposition est en
embuscade, et veut profiter de la baisse de la popularité d’Emmanuel
Macron dans les enquêtes d’opinion. Le 22 août, un sondage Elabe
pour BFMTV a confirmé que l’image du président continue de se
dégrader. Selon l’étude, seuls 42% des sondés reconnaissent son
« honnêteté », un résultat en baisse de 7% par rapport à
janvier 2018.
3- Alexis Kohler et les soupçons de
conflit d’intérêts.
Ce qui lui est reproché. L’association
anti-corruption Anticor a porté plainte contre Alexis Kohler en mai
dernier, avant de déposer une plainte complémentaire le 8 août.
Anticor reproche au secrétaire général de l’Elysée d’avoir
approuvé en 2011, alors qu’il était haut-fonctionnaire, des
contrats concernant l’armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins
de sa mère. L’association le soupçonne d’avoir favorisé à
plusieurs reprises l’entreprise pour satisfaire sa famille. Elle a
porté plainte pour « prise illégale d’intérêt »,
« corruption passive » et « trafic d’influence ».
Anticor dénonce d’abord la présence
d’Alexis Kohler, à partir de 2010, comme représentant de l’Etat au
conseil d’administration de STX France, dont MSC était le principal
client. Alexis Kohler n’aurait pas fait état de ses liens familiaux
avec l’armateur. Dans sa nouvelle plainte, l’association reproche
notamment à Alexis Kohler d’avoir voté en faveur de contrats entre
le Grand Port maritime du Havre, dans lequel il représentait l’Etat,
et une filiale de MSC. Le parquet national financier a ouvert une
enquête le 4 juin denier après ces plaintes.
Pourquoi c’est problématique pour
l’exécutif. Alexis Kohler est un personnage central au sommet de
l’Etat. Bras droit du président, ses pouvoirs de décision sont
importants. Interrogé en mai dernier par Mediapart, le numéro deux
de l’Elysée avait affirmé s’être « toujours déporté »
quand il a eu à connaître comme haut fonctionnaire des dossiers
concernant MSC. En juin, Emmanuel Macron avait loué la "probité
exemplaire" de son secrétaire général.
Pas suffisant pour apaiser Anticor, qui
par la voix de son avocat regrette qu’Alexis Kohler "ne donne
aucun élément et se contente de dire que la commission de
déontologie s’est prononcée« sur ce dossier. »Ce qu’on
lui reproche c’est d’avoir été dans cette situation, puis ensuite
d’avoir dû prendre des décisions qui impactaient cette société,
a-t-il ajouté. Vous avez des gens partout qui doivent éviter de se
mettre dans ce genre de situation de conflit d’intérêts, faute de
quoi ils se retrouvent devant le tribunal correctionnel."
4- Muriel Pénicaud et l’affaire de la
soirée à Las Vegas.
Ce qui lui est reproché. Les ennuis
s’accumulent aussi pour Muriel Pénicaud. En juillet 2017, le parquet
de Paris a ouvert une information judiciaire pour favoritisme et
recel de favoritisme, dans l’affaire du déplacement d’Emmanuel
Macron à Las Vegas en janvier 2016, alors qu’il était ministre de
l’Economie. Elle porte sur l’organisation de cet événement, confiée
sans mise en concurrence à Havas par Business France, dont Muriel
Pénicaud était alors la directrice générale.
Dans cette affaire, la ministre du
Travail a été convoquée chez le juge d’instruction le 22 mai
dernier. Elle a été placée sous le statut de témoin assistée.
L’enquête doit déterminer si l’absence de mise en concurrence et le
montant des sommes versées par Business France à Havas sont
délictueux. Selon les révélations de Libération, Muriel Pénicaud
était au courant, et a « validé » certaines dépenses. En
juillet 2017, la ministre a affirmé qu’elle n’a "rien à se
reprocher« , évoquant une »erreur de procédure" à la
suite de laquelle elle avait "immédiatement déclenché un
audit, interne et externe". Depuis, l’enquête suit son cours.
Pourquoi c’est problématique pour
l’exécutif. La ministre du Travail est en première ligne pour
défendre les réformes les plus emblématiques du début du
quinquennat d’Emmanuel Macron. Réforme de l’apprentissage et de la
formation professionnelle, deuxième volet de la réforme du droit du
travail, réforme de l’assurance chômage... Une éventuelle
accélération des enquêtes visant Muriel Pénicaud fragiliserait
les capacités du gouvernement à mener à bien les grandes réformes
sociales qu’il appelle de ses voeux.
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