Plan Banlieues 2008 : l’Etat minimal ou l’Etat garant ?
Le rapport d’Alain LAMBERT a été remis au Premier ministre et inaugure le processus de révision générale des politiques publiques voulu par le président de la République pour définir les budgets 2009-2010-2011.
Le constat du rapport portant sur les relations financières Etat-collectivités est sévère pour l’organisation territoriale française : confusion des responsabilités entre collectivités qui rend illisible les politiques publiques pour les citoyens, usagers et contribuables, inflation de la dépense publique liée aux doublons, perte de temps considérable... et les causes du mal sont bien identifiées par les auteurs. Ils mettent de fait en évidence l’imbrication forte des financements de l’action publique (éducation, santé, social, jeunesse, famille, etc.) et la difficile capacité en pratique de séparer strictement les compétences (insertion et formation professionnelle).
Ce constat, comme celui de l’indispensable réforme, est largement partagé par le mouvement associatif organisé aux premières loges de l’action publique locale. S’il n’a pas été associé à ces travaux, il est pourtant bien concerné puisque dès les premières pages du rapport on peut lire qu’une des clarifications nécessaires serait que l’Etat se recentre sur ses fonctions régaliennes dans les quartiers défavorisés « plutôt que de subventionner lui-même le secteur associatif dont l’échelle est celle de la commune ». Rappelons que la politique de la ville est un champ contractualisé entre Etat et collectivités locales (villes, EPCI). Par ailleurs les financements publics pour cette politique relèvent à 49% des collectivités quand il est de 18% pour le budget de l’Etat.
Cette proposition, si explicite pour le secteur à l’inverse des autres opérateurs de politiques publiques non cités dans le rapport, pose de sérieuses questions aux responsables associatifs. Fadela Amara qui doit annoncer son plan Banlieues prochainement reconnaît elle-même, le 19 novembre dernier à Grenoble, que la pression et l’attente sont énormes sur un tel sujet et que si des choix seront faits, on peut compter parmi les acquis le fait que « les associations devraient voir leur avenir financier "sécurisé" par des conventions pluriannuelles d’octroi de subventions ». C’est en effet une demande claire des associations que de ne pas voir l’Etat se désengager du soutien à l’action des associations dans ces quartiers. Pour autant le « stop and go » permanent des financements d’Etat dans ces zones, au grès des turbulences sociales, est un facteur de fragilisation des associations. On se souvient de la baisse continue des financements de 2002 à 2005 puis des 100 millions d’euros du Premier ministre Dominique de Villepin aux associations qui avaient dû répondre, pour les plus organisées d’entre elles, en quelques semaines voire quelques jours à peine, à des appels à projets gérés directement par les services du Préfet.
Mais l’actualité du plan Banlieues ne doit pas faire oublier la cruelle absence d’une politique publique de soutien à la vie associative. Les fonds dédiés principalement à la vie associative fondent comme neige au soleil. La politique de la ville apparaît bien trop souvent comme un palliatif pour les associations de quartier, transformant dans le même temps le projet associatif et l’engagement bénévole pour le mettre au service des nombreux appels à projets, politique de court terme émise par les pouvoirs publics. Les associations ne peuvent accepter de devenir de simples opérateurs de la politique de la ville, comme des prestataires de services. Nos quartiers méritent des associations structurées autour de projets qu’ils partagent et qu’ils choisissent. Ils méritent aussi des politiques publiques qui réinvestissent les quartiers par le biais des services publics, de présence et non plus exclusivement comme bailleurs de fonds.
La clarification des compétences et la simplification de l’action publique sont des thèmes revendiqués par les acteurs associatifs. Ces derniers sont cependant inquiets et préoccupés par l’avenir du financement de leurs organisations et du monde associatif en général (80% selon une étude à paraître de la CPCA auprès de 1 500 responsables). Force est de constater la baisse de 5% des financements d’Etat en 5 ans alors que ceux des collectivités ne cessent de croître pour la vie associative selon une récente étude du CNRS. Certes, le multifinancement est en effet devenu une règle qui tourne parfois à la « dictature du partenariat », mais le désengagement brutal de l’Etat du financement de la vie associative de proximité n’est pas acceptable comme une règle « exemplaire » de la modernisation de l’Etat.
Au-delà d’une simple revendication de plus de crédits, il est nécessaire d’affirmer notre volonté de voir s’instaurer un système de partenariats qui permette aux associations de s’investir dans le long terme, d’embaucher lorsque cela est nécessaire, et de mener des actions sur l’ensemble de l’année. Il ne s’agit pas d’une simple question de volume budgétaire, qui est certes important, mais d’affirmer une volonté politique forte : celle de faire des associations non pas un instrument de la politique de la ville mais un partenaire en tant que tel, respecté, consulté et pris en compte. Point n’est besoin de grande révolution, juste de se donner les moyens de penser une organisation pluriannuelle des interventions des pouvoirs publics, de penser une prise en compte du mouvement associatif dans les instances de concertation (CIV, CA de l’ACSé...).
Et si le système administratif doit faire sa révolution managériale et politique, nous aimerions penser que les gains de productivité qui en résulteront pourraient à leur tour financer un peu plus la fabrication du lien social, ce droit commun de la République que Fadela Amera appelle de ses vœux.
Jacques HENRARD
Président de la conférence permanente des coordinations associatives
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