Planque ton string et voile-toi !
DIAM’S, LA RAPPEUSE
2006. Notre cadette vient d’avoir 10 ans. Passant devant la porte de sa chambre, j’entends la voix agressive d’une chanteuse. Intrigué, j’entre et demande à ma fille de quoi il retourne. « C’est la rappeuse Diam’s » m’est-il répondu d’un air me laissant entendre que, de toute façon, le sujet me dépasse quelque peu. Je n’insiste pas bien que je saisisse parfaitement les paroles de l’enragée et notamment « Prends ton string et casse-toi ! » ou encore « Mais ferme ta gueule toi aussi »1. Neuf ans plus tard, si l’on en croit son dernier livre2, il semble bien que la fulminante chanteuse se soit rangée définitivement des voitures.
DE DIAM’S A MELANIE
Mélanie, française et musulmane est une autobiographie couvrant la période s’étendant de janvier 2008 au début de 2015. Deux courants parcourent l’œuvre. Le premier a trait à la vie « ordinaire » de Mélanie ; le second relate sa conversion à l’islam et ses conséquences. Les deux courants s’entremêlent au fil des pages. L’ancienne ado souffrait de la séparation de ses parents avant de trouver dans le rap un exutoire à son caractère rebelle. Mélanie devient Diam’s. Son immense succès n’avait aucun effet sur les idées noires qui l’assaillaient sans cesse. On la retrouve en hôpital psychiatrique, sous camisole chimique, en janvier 2008. Tentative de suicide. Changement d’air à l’île Maurice où la lecture du Coran l’apaise au point de la délivrer définitivement de ses démons. Elle se convertit à l’Islam et porte désormais le voile (le jilbab, très exactement). Encore quelques concerts et Diam’s, redevenue Mélanie, plie ses gaules du show business. Elle mène désormais une existence bourgeoise dans un village à quelques dizaines de kilomètres de Paris. Elle nous relate ses deux grossesses (le choix du roi), son divorce, son remariage, sa dévotion à sa mère, sa réconciliation avec son père, sa fondation caritative au Mali etc…
Avant d’aller plus loin, soyons bien clairs : l’auteure n’a rien d’une greluche, si vous me passez l’expression. C’est une personne qui a réfléchi et réfléchit toujours aux « Pourquoi » de la vie et de l’Univers. Les réponses du Coran l’ont satisfaite. A mon humble avis, la Bible aurait pu le faire tout aussi bien mais les voies de la Providence restent impénétrables n’est-ce pas. Bien que catholique, sa mère ne lui avait jamais parlé de Dieu. Il est vrai qu’en France, depuis Lumières, Révolution et autres Auguste Comte, on ne déballe guère aisément ces choses-là, sauf pour s’en moquer. Mélanie, elle, bien que française, n’a pas honte de parler de son âme et des dévotions conséquentes. La lecture du Château intérieur 3 ne la rebuterait sans doute pas. Serait-elle une Française de demain ? Ses grands-parents (Des Français d’avant ?) la conduisaient à la messe le dimanche. Dans un chapitre émouvant, Mélanie raconte comment elle a pu dispenser quelque paix à son grand-père en fin de vie en lui lisant des passages ad hoc du Coran.
Sans atteindre un niveau hagiographique pesant, le texte n’en demeure pas moins édifiant, tendant à nous exposer que la brillante rappeuse – sommeille-t-elle encore sous les cendres de son voile ? - cachait une fille reconnaissante, une délicieuse petite-fille, une mère dévouée, une épouse modèle, une bonne Française et, cerise sur le gâteau, une créature de Dieu solidement ancrée dans l’islam. On pardonne facilement à l’héroïne car elle nos présente toute cette belle histoire sur un fond de sincérité teinté de naïveté sans plus.
LA MECQUE
Nous l’avons laissé entendre plus haut, la foi de Mélanie ne peut être celle du charbonnier : elle réfléchit trop pour se contenter d’une croyance aveugle. Comme toute religion ou idéologie, l’Islam possède ses dogmes, son règlement et ses rites. Mélanie semble y adhérer pleinement. On la suit volontiers deux fois à La Mecque, la seconde pour accomplir le grand pèlerinage (le Hajj). Elle y est heureuse comme Georges Marchais en vacances chez Ceausescu ou, plus exactement, comme ma mère à Lourdes. Rien à redire à cela. Si Mélanie nous décrit la circumambulation autour de la Kaaba4, on peut regretter qu’elle passe totalement sous silence le rite de la lapidation de Satan mais elle sait sans doute que la majorité de ses lecteurs n’ont probablement jamais entendu parler du sens théologique de Satan. Normal car, comme le disait Baudelaire « La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ». Elle commet vraisemblablement un péché véniel en affirmant que « le pèlerinage à La Mecque est le plus grand rassemblement humain annuel au monde ». Il n’y a pas que l’Islam et la Chrétienté dans le monde, il y a aussi l’Hindouisme, pour ne citer qu’un exemple. C’est un peu comme ces journalistes un tantinet chauvins qui nous assurent périodiquement que la Tour Eiffel est le site le plus visité de France voire du monde. Dans tous les lieux saints, les pèlerins s’émerveillent puisqu’ils y sont venus pour se rapprocher de Dieu. Hélas, la tragi-comédie humaine se joue quotidiennement à guichets fermés derrière le decorum des bondieuseries. Pour ce qui est de La Mecque, on lira avec intérêt Le collier de la colombe 5 écrit par une Mecquoise.
LE RAMADAN
Mélanie ne pouvait pas ne pas nous entretenir du Ramadan et cela donne même lieu, à mon avis, au meilleur chapitre du bouquin. Pour de nombreux musulmans, cette période marque une longue fête de l’âme ( Les chrétiens qui célèbrent encore ou qui célébrèrent naguère leurs fêtes comprendront …). Selon Anne Hidalgo, le Ramadan fait partie du patrimoine culturel français (sic). Pas mal comme cirage de babouches6 ne pensez-vous pas ? Avec de telles envolées électoralistes, les musulmans les plus avisés politiquement ont dû bien se marrer entre eux au cours des ruptures de jeûne. La mairesse ajoute qu’elle célèbre Noël à la mairie. Bien entendu, il s’agit du seul Noël consumériste car plus le temps passe et plus ça arrache la gueule de nos Loupiotes contemporaines de prononcer des termes spécifiquement chrétiens. Mais que les chrétiens se consolent : le ramadan consumériste ne va pas tarder à se pointer lui non plus. Il y a une bonne trentaine d’années, je travaillais à Damas. Parfois, après le travail, j’accompagnais un confrère musulman dans la montagne proche pour échapper à la touffeur de la cité. En période de Ramadan, il attendait sagement le coucher du soleil pour allumer sa première clope et manger quelques figues de Barbarie que nous épluchaient des enfants rieurs. Il cassait son jeûne sans exubérance. Qu’eût pensé ce sage du fait divers ( 15 juillet 2015 ) contant la mésaventure de jeunes Marocains condamnés à deux mois de prison avec sursis pour avoir rompu le jeûne en public ?
Pour clore ce chapitre sur le Ramadan, laissez-moi vous relater une observation récente. Donc, le 9 juillet 2015, l’émission « Il n’y en a pas deux comme elle » de Marion Ruggieri s’intitule « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? ». La chroniqueuse mentionne le Ramadan7 ; un peu plus tard, elle évoque le Carême du bout des lèvres8. Un intervenant déclare « Il y a des gens qui ont jeûné durant 40 jours mais c’est assez exceptionnel ». On l’a compris : il eût été vain de compter sur ces braves gens pour citer « Alors jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert pour être tenté par le Diable. Après avoir jeûné 40 jours et 40 nuits, il eut faim » (Mt 4, 1-2). Faut quand même pas pousser mémé dans les orties …
LE VOILE
« Dieu aimait la pudeur, je me voilerais9 ». Tel Pascal dans sa nuit de feu, Mélanie, au cours de son séjour à Maurice, brûle d’une foi naissante et, en planifiant sa pratique religieuse à venir, promet à Dieu de se voiler. Ici, le mot important reste « pudeur ». Selon la Genèse (2,25), Adam et Eve n’avaient point honte de leur nudité avant de manger le fruit défendu ; cependant, à peine eurent-ils commis la faute qu’ils constatèrent leur nudité et se confectionnèrent des cache-sexes avec des feuilles de figuier (3,7). En 2015, la pudeur exige-t-elle absolument le port d’un large voile ? J’aimerais en débattre, sans passion, avec un théologien musulman. Les Français nés avant 1960 ont tous vu ou connu des religieuses vêtues de longues robes rasant le sol et coiffées de cornettes (Revoir les films de Louis de Funès… ). Cela faisait partie du paysage tant urbain que rural. Certaines étaient infirmières, en 2CV ou à Mobylette, et, homme ou femme, on ne se posait pas de questions d’ordre théologique lorsqu’elles nous demandaient de tomber le futal ou la jupe avant de procéder à une piquouze dans les gras de nos fondements. Lorsque Patrick Sébastien, en décembre 2005, nous montre des religieuses en string se trémoussant avec des moines, il choque vraisemblablement plus les musulmans que les cathos, les premiers jugeant sans doute que Satan tire désormais de nombreuses ficelles du monde occidental. Mélanie écrit, en page 104 « En quoi serais-je moins digne avec mon voile qu’une femme nue dans une pub pour un pot de yaourt ? ». En première analyse, la logique d’une telle comparaison est implacable. Cependant, à y regarder de plus près, on constate qu’il s’agit d’un choix de valeurs : le corps érotisé en instrument de plaisir terrestre d’un côté, le même corps flouté pour mériter le salut céleste de l’autre côté. Combat entre le Bien (L’archange Michel vêtu d’une armure) et le Mal (Satan nu comme un ver) ou banales pudibondieuseries ?
CONCLUSION
Que pouvez-vous imaginer raisonnablement au cours des 40 ans à venir :
A La christianisation du Qatar ?
B L’athéisation de l’Arabie ?
C L’islamisation de la France ?
D La rechristianisation de l’Europe ?
Les réponses sont évidentes. Vous et moi n’en tirons pas les mêmes conséquences que certains carriéristes et nous savons précisément pourquoi… Il suffirait de deux millions de démarches telles que celle de Mélanie pour islamiser paisiblement et durablement la France. « Paisiblement » car, Dieu merci, chacun est encore libre, chez nous, d’embrasser la religion ou la mécréantise de son choix comme de virer de bord quand bon lui semble10. Il s’agit là de faits civilisationnels. Excusez du peu ! Dans cette affaire d’importance, le voile devrait rester quantité négligeable. Hélas, c’est devenu l’arbre qui cache habilement la forêt des véritables problèmes11, permettant ainsi aux extrémistes de tous bords de manigancer leurs actions futures en toute quiétude. L’auteure parle beaucoup du voile : elle en parle trop à vrai dire ! Serait-elle, elle aussi, tombée dans le panneau ?
Pour terminer, je lui adresse une supplique :« La plupart de tes compatriotes pensent qu’un simple foulard eût suffi à marquer ta pudeur. Tu as préféré le jilbab. Tu es libre mais, par pitié, ne passe jamais au niqab ou à la burka ! ».
1 Chanson Confessions nocturnes, 2006 , Diam’s chante avec Vitaa. Album Dans ma bulle, 2007
2 Mélanie, française et musulmane de Mélanie Georgiades dite Diam’s, Don Quichotte éditions, 2015, 16,50 €. Voir également : Diam’s autobiographie de Mélanie Georgiades, Don Quichotte éditions, septembre 2012, 19,90 €
3 Œuvre majeure de Sainte Thérèse d’Avila (1577)
4 La Kaaba est une construction parallélépipédique quasi cubique, d’une dizaine de mètres de haut. Elle se trouve au centre de la moquée sacrée de La Mecque. Les pèlerins doivent en faire le tour sept fois.
5 Le collier de la colombe de Raja Alem, octobre 2012, 9,10 ou 24 €
6 Je tiens à préciser que je n’ai absolument rien contre les babouches ou les charentaises. Dans le monde politique, le cirage des charentaises des électeurs est aussi une entourloupette tout à fait praticable.
7 Elle déclare « 18 juin 2015, date à laquelle a commencé cette année le jeûne rituel des Musulmans, le Ramadan ; il concerne plus d’un milliard de Musulmans dans le monde entier »
8 « … le religieux s’était adapté à la réalité des faits que, voilà, à la fin de l’hiver il y avait des carences alimentaires donc on faisait carême quoi … »
9 Page 45 de Mélanie, française et musulmane
10 A ce sujet, il est lamentable que la pleutrerie ait quasiment réussi le boycot d’un film comme L’apôtre. Rappelons qu’il s’agit du destin d’un jeune homme, destiné à devenir imam, qui se convertit au catholicisme. Le film, traité très délicatement par Cheyenne Carron, ne présente strictement aucun aspect islamophobe.
11 J’ai déjà traité de ce problème ici ( Voir notamment « Refouler le foulard ? », le 20 décembre 2013 )
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