Ploutocratie : Chronique d’un monopole global
L'approche des fêtes de Noël peut semer l'embarras chez ceux qui souhaiteraient offrir un cadeau à des adolescents ou à des adultes. Un cadeau peut être un objet convenu tacitement par publicité interposée mais parfois nous souhaitons donner plus qu'un objet : une chance de faire découvrir à l’autre quelque chose d’inconnu et d’intéressant pour l’aider à grandir. Aussi, je suggère l'ouvrage de lecture facile suivant qui permettra peut-être ce tour de force.
"Ploutocratie : Chronique d'un monopole global" d'Abraham Martinez est une bande dessinée surprenante autant par son dessin, son histoire et sa grande actualité.
Voici le résumé en postface de l'ouvrage :
"Ploutocratie. Du grec ploutokratia, ploutos, la richesse et kratos, le pouvoir. 1. f. Situation dans laquelle les riches exercent leur prépondérance dans le gouvernement de l'État. 2. f. Groupe de citoyens aisés qui exercent leur influence dans le gouvernement de l'État
2051. La plus grande entreprise au monde, appelée La Compagnie, s'est emparée du pouvoir politique à l'échelon planétaire et commence à le diriger comme s'il s'agissait d'une entreprise. Dans une ploutocratie, plus on est riche, plus on est puissant. Les élections ont été remplacées par des assemblées générales d'actionnaires où les voix sont liées au nombre d'actions possédées par les citoyens. Le gouvernement est formé par ceux qui possèdent le plus d'actions et ce sont les lois du marché qui régissent tout, créant un étrange système politique.
Dans ce contexte, un citoyen anonyme décide d'enquêter sur la manière dont le monde en est arrivé à cette situation, sans faire cas de la version officielle. Sans qu'il sache très bien pourquoi, plusieurs membres du gouvernement finissent par l'encourager à mener cette enquête qui va apparemment à l'encontre de leurs intérêts, en lui donnant accès à toutes les informations. Dès lors, il poursuivra deux objectifs : découvrir la véritable histoire de La Compagnie et tenter de comprendre quels sont les divers intérêts qui essaient d'influer sur son enquête.
A une époque où il semble de plus en plus naturel que des personnes fortunées telles que Silvio Berlusconi ou Donald Trump, parviennent au pouvoir politique, ce roman graphique envisage la possibilité que, dans un proche avenir, le monde soit gouverné par un système ploutocratique dans lequel il ira de soi que politique et richesse vont de pair. "
"Ploutocratie" d'Abraham Martinez est une dystopie qui s’inscrit complètement dans la trajectoire de nos sociétés occidentales.
Il est assez perceptible de nos jours que le modèle Français s'aligne à la fois sur celui des Etats-Unis en terme de libéralisme économique et sur celui de la Chine en terme de contrôle de société. Le triomphe d'un parti politique comme LREM au croisement de ces deux mouvances est incompréhensible pour qui ne voit pas ces tendances de fond, ne comprend pas la nature du Régime, les divisions de façade et les dissidents réels.
Le héros de "Ploutocratie" travaille avec acharnement et les gros efforts qu’il entreprend dans ses recherches l’égarent mais lui permettent d’avancer et de toucher à l’essence du problème. Son action nous renvoie à nos propre choix de décrypter ou non un présent apparemment compliqué mais qui peut s’éclairer par exemple suite à un examen sérieux in extenso de la gestion politique du Covid-19.
Le régime dans Ploutocratie centralise le pouvoir sous une élite financière mais qui commande au nom du peuple. Le peuple partage le sentiment que ses intérêts sont respectés au mieux. Ainsi le peuple par son assentiment renforce le pouvoir en place. Malheureusement pour le peuple ce pouvoir ne fait que le mener à sa perte. Incapable de comprendre la situation, le peuple ne pourrait que faire des révoltes stériles rapidement reprises en main par les tribuns populaires au service de l’oligarchie. Les intérêts privés et les intérêts publics interagissent et finissent par une fusion sous la domination d'un Etat lui-même entre les mains d'acteurs discrets.
Sans vouloir divulgacher le récit, la mystique sous-jacente est l'élément clé manquant durant le déroulement du scénario. Mais n'est-il pas normal que cette dimension échappe totalement au héros comme au lecteur dans une société matérielle pétrit d'idéologies invisibles ? N'est-il pas normal aussi que ce livre ne puisse se terminer devant un pareil abîme ? Heureusement, une conclusion plus convenante et rassurante sera qu'une bande dessinée ne peut être sérieuse dans ce questionnement et mérite rapidement l'oubli. Chacun pourra sortir de cet ouvrage comme il l'entend. Il sera possible de fermer "Ploutocratie" en se disant qu'il s'agit d'un mauvais rêve tout comme ces lignes ne sont pas plus qu'une page de publicité distrayante.
Très bonne fête de Noël à tous !
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