Police : Chronique de la brutalité ordinaire
Ce présent article mériterait à peine d'être publié dans les faits divers, rubrique chiens écrasés, s'il ne portait en lui quelque chose de profondément signifiant, symptomatique d'une société démocratique (sic) en pleine déliquescence.

Jeudi 13 octobre, 10 heures du matin, avenue Parmentier à Paris, alors que nous cheminions d'un pas lent jusqu'à à la station de métro éponyme pour nous rendre au " Musée de la Vie romantique " , un convoi des Compagnies Républicaines de Sécurité déboule ventre à terre. Sirènes hurlantes à vous en crever les tympans. Rien d'extraordinaire pensions-nous, sans doute une énième intervention pour contenir la colère de quelques mécontents qui auraient l'imprudence de dépasser les règles du droit de manifester. Quand, tout à coup, dans l'instant même, nous apercevons la camionnette " balai " du-dit convoi couper la route à une jeune cycliste qui pédalait à toutes jambes. Des policiers surgirent du véhicule, sautant sur la demoiselle et la maîtrisant par quelques savantes clés de bras dont ils possèdent le secret. Diable ! Pensions-nous, celle-ci a dû commettre de bien graves infractions qui méritent la nécessité d'une intervention aussi musclée de l'ordre en force. Sans avoir le courage de demander aux Gardiens de la paix ce qui justifiait cette arrestation, ni de fuir la situation comme la majorité des passants passablement présents, nous restions là interdits, plantés sur le trottoir, inconsciemment décidés à observer, jusqu'à son dénouement, la scène de ce banal " tableau parisien ". Bientôt une petite dizaine de policiers s'affairent autour de la jeune femme, l'un d'entre-eux vociférant des reproches qui nous donnaient à penser qu'elle avait dérogé aux règles de civilités élémentaires du cyclisme en milieu urbain.
Finalement, au bout d'un quart d'heure, la joyeuse Compagnie repris sa route laissant notre jeune femme là où elle fut saisie (de terreur ? ). La malheureuse, visiblement secouée, enfourcha sa bicyclette et reprit aussitôt son chemin en empruntant cette fois-ci le trottoir (ce qui est strictement interdit ! Mais bordel de merde, que fait la police nom d'une pipe ?). Arrivée à l'angle de l'avenue Parmentier et de l'avenue de la République, elle fit demi tour et revint dans notre direction puis s'arrêta à notre hauteur pour nous remercier d'être rester (il n'y avait évidemment rien d'héroïque à cela). Nous lui avons demandé ce qu'elle avait fait pour mériter un si honorable traitement de la part de la maréchaussée. Elle nous répondit qu'elle se trouvait place du Colonel Fabien (si ma mémoire est bonne) pour apporter son aide à des réfugiés qui avaient eu l'impudence de squatter la place, lorsqu'à 7h30 nos ardents défenseurs des valeurs républicaines arrivent pour embarquer cette immonde vermine vers une destination inconnue. Précisons ici, d'après notre témoin, que les forces de l'ordre avaient pris soin de bien encercler ces " indésirables irréguliers " afin que personne ne puisse filer de cette nasse. Et c'est pour s'enquérir de leur sort que cette infortunée jeune fille prit son vélocipède et se mit à courser le convoi.
Stupéfiant ! C'est elle qui poursuivait la police !!!
Je ne puis m'empêcher de songer à la fresque (aujourd'hui détruite) de Goin : « L'état matraquant la Liberté ». Rappelons que cette peinture à la bombe, loin de valoir le pinceau d'un Eugène Delacroix, suscita une vive polémique et une grande indignation de la part de nos élus mais également d'une frange de nos compatriotes. La liberté est une chose relative qui se discute et se réprime le cas échéant. Et si par malheur elle se prend deux trois coups de matraque dans la trogne c'est que dans le fond, elle l'a quand même bien cherché.
Mais la fraternité mes frères, LA FRATERNITÉ !? Aurait-elle des limites restrictives qui nous empêcheraient de secourir notre prochain au delà d'un cadre strictement réglementé ?
Posée autrement la question serait : La Fraternité serait-elle en-deçà de la Liberté ?
Non ! La Fraternité en rien ne se discute. Elle est un élan vertueux du coeur qui fait que l'on se reconnaît dans notre humanité. C'est ce à quoi notre frangine a naturellement obei et paradoxalement c'est ce qui lui a valu une aussi dure et violente arrestation.
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