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Police du ciel & souveraineté de l’espace aérien

Le mardi 9 janvier 2018, un Boeing 737 d'Air Algérie assurant la liaison Constantine / Lyon-Saint-Exupéry a été intercepté à 11h26 au dessus de la ville d'Orange par un Mirage 2000 à 3200 pieds d'altitude (plafond 320). La rupture du contact radio avec le sol au large de Marseille relevait d'une erreur. Suite à une méprise avec le contrôle aérien, l'équipage s'était trompé de fréquence.

Les responsables français de la Haute autorité ont toujours en mémoire le samedi 24 décembre 1994. Quatre membres du Groupe islamique armé revêtus d'uniformes d’Air Algérie volés quelques semaines plus tôt, avaient réussi à prendre le contrôle du vol AF 8969 Alger / Paris avec à son bord 229 passagers et douze membres d’équipage. Le dénouement interviendra lors de l'escale à Marseille avec l'intervention du GIGN. L'objectif des terroristes était de faire écraser l'Airbus A300 sur la tour Eiffel ou la Tour Montparnasse ! La France venait d'échapper au premier attentat aérien de masse sept ans avant le 11 septembre 2001.

Un aéronef étranger autorisé par un accord à traverser l'espace aérien d'un État qui n'en respecte pas les règles de navigation commet un acte illégal et porte atteinte à la souveraineté de l'espace atmosphérique du dit État. La convention de l'aviation civile internationale de 1944 stipule que chaque État dispose de la souveraineté complète et exclusive de leur espace aérien, à l'exception de la limite supérieure non définie par le droit international. Les libertés de la circulation aérienne (traités bilatéraux) concernent les « libertés techniques » : droit de survol d'un pays tiers, le droit d'y atterrir à des fins non commerciales (avitaillement, incident technique).

Chaque État a le droit de définir des zones interdites (prohibited) provisoires ou permanentes. La capitale par exemple, est classée zone « P23 ». Un arrêté de janvier 1948 stipule : « Le survol de la zone comprise dans les limites des anciennes fortifications de la ville de Paris est interdit à tous les aéronefs, à l'exception des aéronefs de transports publics effectuant un service régulier et des avions militaires assurant un service de transport. » Avec la croissance du transport aérien, il arrive que des appareils assurant des vols commerciaux survolent une zone interdite et à basse altitude... Les survols de Paris en deçà de 2 000 mètres (sol) font l'objet d'une enquête. Ces entorses sont généralement liées aux régimes de vents forts, et l'altitude de 2 000 mètres est censée être suffisante pour permettre à un aéronef rencontrant un problème d'atteindre un terrain en vol plané.

Tout appareil a l'obligation de maintenir un dialogue constant avec les contrôleurs aériens. L'appareil qui s'introduit sans droit dans l'espace aérien d'un État étranger est tenu de suivre les injonctions qui lui sont adressées. Tout État peut imposer à un appareil de quitter l'espace aérien ou d'atterrir si des conditions de sécurité publiques le justifient, et à faire usage de la force, proportionnelle à l'état de nécessité et au risque encouru : terrorisme - crash sur un site sensible - contrebande - épandage de produits toxiques - enlèvement - espionnage (l'affaire de l'U2).

« Ciel ouvert » instauré depuis le 1 janvier 2002, permet à une trentaine d'États le libre survol d'autres États sur la base de la réciprocité (quotas). En 2016, le trafic de l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaule a été suspendu pendant une heure pour permettre à un appareil de reconnaissance russe de survoler la région. Le plan de vol convenu avec le ministère de la défense doit être déposé avec un délai de 72 heures, la distance ne peut excéder 2 000 kilomètres, et la durée de vol 96 heures.

Près de 10 000 aéronefs survolent notre territoire chaque jour ! Le Centre national des opérations aériennes de Lyon Mont-Verdun assure la veille permanente de l’espace aérien national et centralise les données des radars militaires et civils afin de repérer les comportements anormaux. Des équipages de Mirages 2000 et de Rafale sont en alerte permanente sur les bases aériennes de Mont-de-Marsan, d’Orange et de Creil. Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes est placé sous l’autorité directe du premier ministre. L'intercepteur doit s'approcher de l'appareil à une distance permettant l'identification visuelle et d'établir avec le pilote une liaison à vue. Par ailleurs, et sauf panne, le système anti-collision (TCAS) déclenche une alerte dans le cockpit. Différentes procédures d'interception demeurent possibles contre un aéronef ne répondant pas aux injonctions : les manœuvres codifiées, le tir de semonce, ou la destruction de l'appareil. Le 1 septembre 1983, un appareil commercial sud-coréen avec 269 personnes à bord fut abattu au dessus de Sakalin par un chasseur soviétique. Pour trouver le premier aéronef civil à avoir été abattu, un ballon aérien, il faut remonter à l'année 1904.

Un appareil volant à 900 km/h (une quinzaine de kilomètres par minute) quittant son couloir aérien peut rapidement se retrouver dans le périmètre d'un site sensible ou quitter notre espace aérien. Des traités ont été signés avec les États voisins limitrophes, un appareil français peut par exemple, poursuivre un appareil sur le territoire helvétique jusqu'à l'arrivée d'un chasseur suisse, ou réciproquement. Une crainte subsiste, le crash d'un appareil sur une centrale nucléaire dont les dômes sont constitués par deux coupoles en béton sur-armé, l'une d'un mètre d'épaisseur, l'autre d'une soixantaine de centimètres. Ces structures peuvent résister à la chute d'un petit avion (masse inférieure à 5.7 tonnes) surement pas à un Boeing ou à un Airbus...

Le vol Barcelone / Dusseldorf de la Germawing qui s'est écrasé le 24 mars 2015 au dessus de la Seyne-les-Alpes se trouvait à quelques minutes de vol des sites nucléaires de Cadarache (Bouches-du-Rhone), de Tricastin, de Marcoule (Gard) et de Cruas (Ardèche). L'intervention du Mirage 2000 qui a décollé de la base d'Orange n'a pu empêcher le crash. Une entreprise suisse propose un système de défense antiaérien capable de protéger les centrales nucléaires. « Des terroristes ont réussit à prendre le contrôle d'un avion commercial, l'appareil pique à 200 mètres/seconde sous un angle d'une quinzaine de degrés sur le réacteur d'une centrale nucléaire... » La chaine de commandement humain ne permet pas de réagir à la soudaineté d'une telle attaque, la décision doit intervenir en moins de 10 secondes ! Une station de détection disposant d'un radar de veille et de poursuite est capable de déclencher le tir d'un bi-tubes avec des projectiles au zirconium pour enflammer le kérosène, même en l'absence d'oxygène (haute altitude) ! Autre piste d'étude, la prise de contrôle de l'appareil par une station au sol. Un signal radio effectue une remise à zéro (RAZ) du pilote automatique et la station au sol reprend la main sur les commandes. Cette possibilité technique a été envisagée pour la disparition du MH370 au large de l'Australie !

Les petits appareils posent des problèmes différents. En 1988, un pilote surnommé le Baron noir, a effectué plusieurs survols nocturnes intempestifs au dessus de Paris. Dans la nuit du 11 août, deux hélicoptères se lancèrent à la poursuite d'un avion non identifié qui réussi à leur échapper. Le « plan vipère » comprenait : des hélicoptères Gazelle, 3 000 gendarmes, 250 guetteurs occupaient les points les plus élevés de la capitale, des radars de type Aladin furent installés afin de détecter tout appareil volant à basse altitude (en dessous de 300 mètres), et les aéroclubs furent placés sous surveillance. Les soupçons se tournèrent vers un pilote civil qui s'était déjà posé sur les Champs-Élysées le 10 août 1986 !

L’armée de l’air dispose d'hélicoptères sur ses bases de Bordeaux, de Villacoublay et d’Orange pour assurer l'application de « mesure active de sûreté aérienne » : interdiction de survol au-dessus des zones sensibles, centrales nucléaires, complexes pétrochimiques, centres de recherche, pénitentiaires des grandes villes. Chaque hélicoptère embarque le pilote, le copilote et deux commandos de l'air. Arrivé sur zone, la porte arrière est ouverte et le commando tireur prend position, calé par son coéquipier. Le pilote place ensuite l'hélicoptère sur la gauche de l'appareil en infraction, le second commando dirige un panneau lumineux vers le pilote lui indiquant : « Vous survolez une zone interdite » puis « Veuillez nous contacter sur la fréquence XXX.XX », le copilote informe en temps réel le CNOA du comportement de l'appareil. Le premier ministre peut en cas de nécessité, demander un tir de destruction... Il y a chaque année une centaine d'alertes, la plupart se transforment en missions d'assistance pour des aéronefs en infraction suite à une panne radio, d'un appareil de radionavigation ou des problèmes techniques.

La démocratisation des drones (aéronef autopiloté) a rapidement posé de nouveaux problèmes. Fin de l'année 2014, on comptait une centaine de signalements de drones ayant survolé illégalement des zones sensibles : centrales nucléaires, l'île Longue (base des SNLE), le Palais de l'Élysée, l'ambassade des États-Unis, etc., seulement 13 affaires furent résolues. Ces aéronefs capables de retransmettre en temps réel les images et/ou d'emporter une charge peuvent être utilisés à différentes fins : attentat contre les personnes ou les biens - espionnage - surveillance - prise de vue aérienne - acheminer des produits interdits (téléphone cellulaire à un prisonnier) ou de contrebande - porter atteinte à la vie privée - entrer en collision avec un autre appareil - venir en aide aux archéologues, aux agriculteurs, etc. Confronter à ces menaces et celles à venir, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a établi un recensement des technologies disponibles capables de contrer la menace : radars actifs ou passifs, transpondeur, détection acoustique et/ou thermique, brouillage, aveuglement de la caméra, jet d'eau sous haute pression, tir de grenaille, drone anti-drone, oiseau de proie dressé, etc. La solution n'est guère aisée, ces appareils sont un concentré de technologie avec : détecteur d'obstacles, certains drones peuvent revenir à leur point de départ en suivant un itinéraire préprogrammé ou en utilisant une puce GPS si la liaison (plage de 440 MHz à 5.8 MHz) est interrompue, d'autres s'écrasent au sol...

Le large choix de modèles permet de sélectionner l'appareil adapté à un besoin particulier : type (aile volante, multicoptère) - nacelle (charge d'emport) - encombrement - masse (d'une vingtaine de grammes à plusieurs dizaines de kilos) - vitesse (horizontale, montée, descente) - plafond - puissance & poussée - autonomie (en vol & stationnaire) - rayon d'action (s'il s'agit d'un appareil préprogrammé que son utilisateur n'envisage pas de récupérer, il pourra parcourir une distance importante et atteindre un point prédéfini très éloigné) - retour vidéo - suivi de personne - réactivité (poids/puissance) - discrétion - prix - RTF ou télécommande - limitation des performances (geofencing) - conditions d'utilisation (vent, pluie, température) - parachute - compétences requises pour l'utiliser. Les drones de loisir ont été classés en deux catégories, ceux compris entre 800 grammes et 25 kg sont soumis à enregistrement (décret du 24 octobre 2016) ; ceux de plus de 25 kg doivent être immatriculés. Les drones de masse inférieure à 800 grammes (catégorie « A » 250 cm3 - 15 Kw) sont utilisables sans identification et sans formation, leur signalement lumineux et sonore en cas d'interruption de la liaison est obligatoire.

L'utilisateur malveillant peut acquérir un drone dans un pays ne respectant pas les mêmes normes (traçabilité d'achat, fréquence, bridage, puce Glonass, absence de balise de localisation, de parachute, etc.), en augmenter la puissance, changer les hélices, le peindre pour qu'il se confonde avec le fond du ciel ou l'environnement, le modifier pour l'utiliser avec un désignateur laser... La réglementation évolue, voir www:ecologie-solidaire.gouv.fr/direction-generale-laviation-civile-dgac et consultez le site Géoportail pour connaitre les restrictions de vols selon la région.

 

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2 réactions à cet article    


  • MagicBuster 22 janvier 2018 11:46

    L’espace aérien à priori est très réglementé et dès qu’une anomalie se produit
    on améliore la sécurité.

    Depuis le MH370 - avion qui a disparu, on ne sait pas comment, on ne sait pas ou, . . .
    Qu’est-ce qui a changé ?

    RIEN

    Le système actuel permet de faire disparaitre un avion et surtout on ne change rien  ??!

    D’ici à penser qu’il s’agit d’un galop d’essai pour en détourner plusieurs en série ... il n’y a qu’un pas.

    Plus besoin de missiles - il y a assez d’avions .
    https://fr.flightaware.com/live/


    • Ruut Ruut 22 janvier 2018 12:45

      @MagicBuster
      Cette disparition montre la dangerosité des drones transporteur de passagers.
      Surtout avec les technologies actuelles basées sur le profit au détriment de la redondance, de la sécurité et de la fiabilité dans le temps.

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