Police et gendarmerie : je vous aime moi non plus !
La police et la gendarmerie sont non seulement utiles, mais nécessaires, que ce soit dans un rôle d’assistance aux personnes en cas de besoin, ou dans un rôle répressif lorsque les circonstances l’exigent. Dès lors, nul ne peut sérieusement remettre en cause leur existence. Il y a pourtant des moments où le comportement d’une partie des représentants de l’ordre pose problème. Et pas seulement lorsqu’ils font usage de LBD ou de grenades de désencerclement...
Nous avons tous des anecdotes à raconter sur le thème des abus commis par des policiers ou des gendarmes à notre encontre, ou dont nous avons été témoins au détriment de tierces personnes. Une fois n’est pas coutume, mon propos ne se place pas sur un plan général, mais anecdotique, sous la forme de cinq expériences vécues. Cinq expériences qui montrent qu’en certaines occasions ces « braves » fonctionnaires en uniforme manquent de discernement, quand ils ne font pas tout pour se faire détester, y compris par ceux qui, comme moi, ne sont hostiles ni à leurs fonctions ni à leurs personnes.
1° Paris, un jour de mai, vers 13 h 30.
En quête d’un sujet de tableau – je suis peintre à mes heures –, j’avais décidé d’aller faire un tour aux Arènes de Lutèce et pris la ligne de métro n° 7 à la station Opéra. En sortant de la station Monge, je suis tombé nez à nez avec deux policiers en uniforme qui accompagnaient une femme asiatique d’une cinquantaine d’année. Aussitôt désigné comme coupable d’une agression sexuelle par les cris d’orfraie de cette dame, j’ai été interpellé par les flics sous les yeux ébahis de deux voyageurs présents dans la même rame que moi. Ces deux témoins ont spontanément affirmé qu’il était impossible que je me sois trouvé sur les lieux dans les minutes précédentes. Je ne sais pas si le fait que l’un d’entre eux était un Espagnol parlant mal le français et l’autre un Maghrébin a joué un rôle, mais le fait est que, sourd à ma demande, le chef du binôme – un vieux flic manifestement aigri – a refusé net à son coéquipier (un adjoint de sécurité) de noter les coordonnées de ces deux témoins, ce que le jeune flic a quand même fait de sa propre initiative à mon grand soulagement.
Quelques minutes plus tard, après que cette affaire ait mobilisé un fourgon, deux voitures de patrouille et au total huit flics (véridique !), j’ai été emmené, menottes aux poignets, dans les locaux du commissariat d’arrondissement. Par chance, je n’ai même pas eu à me justifier devant un officier de police car la rapide audition de la prétendue « victime » s’est révélée totalement incohérente et a tourné à la confusion de la plaignante : après avoir affirmé que je venais de l’agresser, cette femme situait l’agression quelques jours plus tôt alors que nous étions, mon épouse et moi, tranquillement installés dans notre maison du Finistère. Finalement, il est très vite apparu à l’OPJ que cette femme était une mythomane névrosée. Après avoir été libéré des menottes à la demande de l’officier, j’ai pu partir libre, sans être entendu par quiconque, et sans avoir eu droit au moindre mot d’excuses, pas même du vieux flic en uniforme pourtant présent dans le hall d’accueil au moment de ma sortie.
2° Le Kremlin-Bicêtre, un soir de décembre, vers 19 h 30.
Ce jour-là, ma belle-sœur, âgée de 75 ans, s’est fait arracher son sac (en chutant de surcroît lourdement sur le sol) par un voyou alors qu’elle marchait dans une ruelle déserte du Kremlin-Bicêtre près de laquelle nous habitions alors, mon épouse et moi, pour une durée de quelques mois. Après l’avoir réconfortée, nous l’avons accompagnée au commissariat de Gentilly pour déposer une plainte. Ma belle-sœur a fourni aux policiers un signalement très précis du voleur, en décrivant son blouson, et surtout sa casquette rouge très identifiable.
Le lendemain, retourné aux abords du métro Kremlin-Bicêtre, j’ai très vite repéré l’individu en question avenue de Fontainebleau : blouson sur le dos et casquette rouge sur la tête, il suivait une jeune femme sur le trottoir ; puis il a plongé derrière elle dans le métro qui comporte à cet endroit deux accès, un de chaque côté de l’avenue, une configuration évidemment très pratique pour un voleur à l’arrachée. Manque de chance pour l’individu, des voyageurs venaient à ce moment-là de descendre d’une rame et il n’a pu intervenir. Le voleur a donc repris son affût sur l’avenue à proximité de l’une des entrées du métro en épiant les femmes seules. Soudain, il est rapidement parti à pieds en direction de Paris (peut-être m’avait-il repéré) ; je l’ai aussitôt suivi à distance, bien déterminé à savoir où il allait afin de pouvoir l’identifier.
C’est alors qu’est arrivée sur l’avenue une voiture de police. Après l’avoir fait stopper, j’ai raconté en quelques mots l’histoire aux flics. En pure perte : ils n’étaient pas concernés, au motif qu’ils faisaient partie, m’ont-ils dit, de la « Brigade de l’autoroute ». OK, pas d’interpellation possible, mais dans ce cas, sans doute leur était possible de se porter à la hauteur du type pour relever son identité en vue d’une convocation par les collègues de Gentilly, leur ai-je suggéré. Refus net : en résumé, ces flics-là avaient autre chose à faire que d’interpeller un agresseur de vieille dame, fut-ce pour un simple relevé d’identité en vue de transmission aux collègues concernés.
3° Paris, station Châtelet, en milieu d’après-midi.
Un officier de gendarmerie et deux bidasses porteurs de Famas circulaient sur les quais du RER B dans la cadre du Plan Vigipirate. Sur un banc, un jeune Maghrébin jouait doucement du oud pour lui-même en attendant son train. Il ne quêtait pas, et son luth ne gênait strictement personne. C’est alors que le gendarme s’en est pris à ce gars – un étudiant tunisien – avec une virulence et une mauvaise foi évidente. L’étudiant s’est arrêté de jouer, mais l’officier avait manifestement décidé de l’emmerder au motif que « le règlement interdit l’usage d’instruments sonores dans l’enceinte du métro et du RER ». Ce qui était parfaitement exact si l’on se référait à l’antédiluvien règlement de police des Chemins de fer non abrogé, mais d’autant moins applicable que la RATP elle-même multipliait depuis belle lurette les animations bruyantes et avait même installé des écrans de télévision sur les quais, en violation de ce règlement.
Voyant la tournure des évènements, je suis alors intervenu, fermement mais courtoisement, pour défendre le Tunisien, avec le soutien d’autres voyageurs. J’ai notamment rappelé à ce gendarme qu’en termes de mission, Vigipirate avait pour vocation de faire de la prévention anti-terroriste et non de la police des chemins de fer dès lors qu’il n’y avait ni agression, ni trouble manifeste à l’ordre public, ni danger immédiat pour quiconque. Moyennant quoi, j’ai été sommé de présenter mes papiers et d’indiquer pour quel motif je me trouvais là, ce que j’ai fait sans difficulté. Après quoi le trio s’est éloigné. Quant au Tunisien, il a pu tranquillement monter dans son train pour rentrer à la Cité Universitaire où il disposait d’une chambre.
Quelques jours plus tard, mon patron recevait une lettre de protestation de la Préfecture de Police de Paris lui demandant une sanction à mon égard. Il ne s’est évidemment rien passé : le courrier de la préfecture est allé directement au panier.
4° Barenton (Manche), un après-midi de juin.
Au terme d’un court séjour à Saint-Malo, nous avions décidé, mon épouse et moi, de rentrer vers Paris en suivant la route buissonnière par les monts de l’Orne. Parvenus à l’entrée d’un village proche de Barenton, nous sommes tombés sur un contrôle de gendarmerie établi de manière très visible en bas d’une descente. Un contrôle que nous n’avions évidemment aucune raison d’esquiver, étant en règle à tous points de vue. Manque de chance, nous avions perdu la plaque d’immatriculation avant de notre voiture, probablement tombée lors d’un arrêt sur le bas-côté herbeux de la route, à quelques dizaines de kilomètres de là. Or, il se trouve que notre voiture avait été confiée une semaine plus tôt à notre garage habituel, pour remplacer les plaques d’immatriculation. Manque de chance : ce travail n’avait pas été réalisé correctement, l’une des plaques ayant manifestement été très mal rivée.
Par chance, la facture qui démontrait notre bonne foi était restée dans la boîte à gants. Il va de soi que nous avons aussitôt présenté ce document aux gendarmes. En pure perte : ils n’ont rien voulu savoir et, malgré l’évidence de la faute du garage, nous ont dressé un procès-verbal pour défaut de plaque d’immatriculation. Comble de la duplicité : les gendarmes n’ont pas voulu tenir compte de notre proposition consistant à nous rendre sur-le-champ dans un garage de Barenton pour faire poser une nouvelle plaque avant d’aller faire contrôler la réalité du travail à la gendarmerie locale. Il va de soi que j’ai refusé de signer le PV.
Les choses n’en sont pas restées là : à la suite d’un courrier circonstancié envoyé, preuves à l’appui, par mes soins au ministre de l’Intérieur, le PV a été annulé par le général commandant la région de gendarmerie de Normandie. Cet officier supérieur m’a notifié lui-même cette mesure par lettre en reconnaissant implicitement qu’il y avait, dans ses effectifs, des éléments dont le bon sens n’était pas la qualité première.
5° Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), un matin de printemps.
La rue Ville-Pépin est la principale voie de Saint-Servan, une ancienne commune maritime rattachée à Saint-Malo en 1967. Malgré sa vocation commerçante, cette rue à sens unique reste ouverte à la circulation automobile, mais la vitesse y est à juste titre limitée à 30 km/h. Ce jour-là, j’avais à charger du matériel dans une boutique de fournitures d’art. Arrivé au croisement de la rue Bougainville et de la rue Ville-Pépin (pour ceux qui connaissent l’endroit), je me suis arrêté un instant au panneau « Cédez le passage ». Rien en vue, si ce n’est un véhicule de la police municipale, bien visible sur ma gauche. Lorsque je me suis engagé dans la rue commerçante, la voiture des policiers roulait quasiment au pas à plus de 50 m.
Au bout de 100 m environ dans la rue Ville-Pépin, le véhicule des policiers s’est approché du mien, gyrophare allumé, et l’un des occupants m’a fait signe de me garer devant l’ancienne mairie, ce que j’ai fait. Motif : je leur aurais, selon le chef de bord, « grillé la priorité ». C’était évidemment faux. Malgré la gêne manifeste de ses deux collègues – dont un jeune adjoint de sécurité –, je n’ai pourtant pas pu éviter le procès-verbal, en dépit de mes protestations. Il va de soi que j’ai, là encore, refusé de signer le PV, moyennant quoi le chef de bord a examiné ma voiture sous tous les angles dans l’espoir de trouver matière à me dresser un autre procès-verbal. Malheureusement pour lui, sans succès : tout était en règle ! J’ai donc pu repartir, furieux de cet abus de pouvoir manifeste.
Chose étonnante : je n’ai plus jamais eu de nouvelle de cette infraction imaginaire, passible en théorie d’une amende de 135 euros. Elle ne m’a donc pas coûté le moindre centime. Cela n’a pas calmé pour autant ma colère comme ce policier municipal, manifestement en quête de chiffre et prêt pour cela à s’en prendre au premier venu sous un prétexte fallacieux.
Conclusion
Cinq expériences : cinq comportements inacceptables ! En encore, je ne détaille pas la traumatisante aventure vécue par mon beau-frère dont la porte d’appartement a été naguère, lors d’une « chasse à l’homme », défoncée par les flics du GIGN, et lui-même jeté au sol et copieusement injurié alors qu’il était mis en joue par les hommes cagoulés. Une « erreur de personne », ont simplement reconnu ces robocops après quelques minutes d’extrême tension. Là encore, pas le moindre mot d’excuses sur ce qui est apparu comme une regrettable méprise !
Tout cela pour souligner que la police et la gendarmerie sont, comme tous les corps de métier, exposées à des comportements aberrants d’une minorité de leurs effectifs, et parfois à des consignes imbéciles données par la hiérarchie. Gendarmerie et police ont pourtant le plus grand besoin de reconnaissance de la population pour exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles. Hélas ! force est de reconnaître qu’elles ne s’en donnent pas toujours les moyens. Le plus souvent par laxisme d’une hiérarchie plus souvent obnubilée par la « politique du chiffre » que par la qualité du service. Trop souvent aussi par réflexe corporatiste de protection d’individus qui ne sont manifestement pas à leur place dans les rangs des forces de l’ordre.
Deux attitudes regrettables, car lorsque c’est le cas, tout le monde est perdant : la population et les fonctionnaires irréprochables, victimes des comportements d’une minorité de leurs collègues qui ne connaissent pas le sens du mot « exemplarité » !
Ce texte est la reprise, complétée et actualisée, d’un article de 2011.
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