Police judiciaire : la perquisition
Le Code de procédure pénale dans ses articles 53 à 74, permet à l’OPJ qui agit dans le cadre d’un flagrant délit de procéder à une perquisition spontanée chez toute personne présumée détenir en toute bonne foi des pièces incriminantes (pour le droit douanier, article 63 ter du code des douanes). L'enquête de flagrance est ouverte lorsqu'un crime ou un délit vient ou est en train de se produire. Elle peut durer jusqu'à 8 jours (renouvelable une fois) après l'infraction concernée. L'enquête préliminaire concerne toutes les autres infractions. La perquisition permet aux Officiers de Police Judiciaire ou à un magistrat de rechercher et de saisir des objets, des armes, du matériel informatique, des équipements, des documents, etc., capables de confondre le suspect et/ou conduire à la découverte de complices ou co-auteurs. L'OPJ peut utiliser l'ordinateur du suspect pour accéder aux données stockées chez un tiers ou sur un serveur (emails, cloud, etc.).
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH201/perquisition-a5276.jpg)
La commission rogatoire peut mentionner une perquisition précise (CR spéciale), mais elle est souvent étendue à tous les actes en rapport avec une enquête précise (CR rogatoire générale). La perquisition ne peut débuter entre 21 et 6 heures, par contre une perquisition commencée avant 21 heures peut se finir après cette heure. Ce créneau horaire ne saurait être invoqué ni applicable dans le cadre d’espionnage, de terrorisme, ou criminalité organisée (trafic de stupéfiants, vol à main armée...). La perquisition peut se dérouler dans une cave, un garage ou dans les locaux d'une entreprise, mais celles concernant une personne protégée (avocat, médecin, notaire, huissier) doivent être réalisées directement par un magistrat (et non par un OPJ) et en présence d'un membre de l'ordre. A noter, qu'une perquisition ne peut pas avoir pour but l'identification de source la source d'un journaliste.
L'état d'urgence (2017) a modifié le cadre légal des perquisitions, les préfets pouvaient faire procéder à des perquisitions administratives de jour comme de nuit sans décision préalable d'un juge. La loi laisse la possibilité aux préfets d'ordonner des visites domiciliaires « aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public » après autorisation d'un juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance et information du procureur de la République de Paris. La visite domiciliaire doit se dérouler en présence de l'occupant des lieux, éventuellement assisté d'un conseil, ou en présence de deux témoins majeurs, voisins, voire deux passants qui sont tenus d'accepter la réquisition, tout refus leur fait encourir une amende de 150 euros.
La préparation de la perquisition comprend les moments suivants : reconnaissance des accès, des dépendances, des « planques », des locaux communicants, des moyens humains nécessaires, du matériel photographique, des gants, lampes, outils indispensables à certains démontages, miroir, briefing, approche, exécution. Il est recommandé d'installer un dispositif de surveillance extérieur en mesure de prévenir une évasion, la récupération d'un indice par un tiers, ou l'arrivée de renforts. Paradoxe, il ne faut pas que l'opération en cours soit trahie de l'extérieur ni qu'elle puisse mettre en alerte un éventuel visiteur qui se présenterait. Celui-ci doit être pris dans la souricière.
En principe, les fonctionnaires doivent chercher à bénéficier au maximum de l’effet de surprise et surtout ne pas laisser au réseau le temps de faire disparaître des éléments. Tôt le matin, avant le réveil des occupants, permet de bénéficier de l’effet de surprise maximum. Les esprits ne sont pas encore tout à fait éveillés, tandis qu’une perquisition qui débutera le soir permettra de profiter d’une certaine fatigue et ira dans le sens de la sécurité des agents qui chercheraient à se prémunir d’une réaction violente. L’idéal, restant d’intervenir à la « décarade ». Les fonctionnaires habilités comprendront la manœuvre à atteindre.
Dès le début de la perquisition, il faut séparer toutes les personnes présentes et leur interdire de communiquer entre-elles, de fumer, boire ou manger. La perquisition doit s'étendre à toutes les dépendances, annexes, au vide sanitaire, puits, fosse, canalisations, sans oublier les véhicules (cadre et pompe de la bicyclette inclus). Tout ce qui est inhabituel (traces de démontage, absence de poussière, etc.) doit faire l'objet d'un examen et d'une réflexion approfondis. La perquisition s'appuie sur une méthode, et ne devrait jamais se faire à la bonne « franquette ». On commence par diviser mentalement la surface des murs, des plafonds et des sols, chacune en trois bandes. Un enquêteur explore une bande, et une seule, et dans le sens horaire. Quand il a terminé, il passe à la bande suivante. Il n'examine que ce qui se trouve dans la bande concernée. L'observation ne doit pas quitter ce secteur au risque de manquer un détail. Quand il a terminé, un autre enquêteur procède de la même manière, mais en sens contraire des aiguilles d'une montre.
Pendant la perquisition, toujours surveiller attentivement le langage corporel du suspect. L'enquêteur responsable de cette tâche pourra déceler toute réaction anormale de l'individu, surtout lorsqu’un collègue « brûle » en s’approchant d’une cache ou d’un objet. Cette surveillance ne doit pas lui faire oublier qu’il doit aussi assurer la sécurité du collègue qui opère. Il doit en permanence penser que l’individu est susceptible de s’emparer d’une arme dissimulée ou non (collection au mur, couteau sur le plan de travail, etc.), par destination, de celle d'un collègue, ou bien s'emparer d'un document pour le détruire.
Bien souvent, les policiers ne savent pas exactement ce qu’ils recherchent. Tout peut devenir suspect : un trousseau de clés, une revue, une petite annonce, etc. L’adage « chercher une aiguille dans une botte de foin » s’applique bien à la situation. Le policier doit en présence d’un objet, immédiatement subodorer si celui-ci peut avoir un rapport, même lointain, avec l’objet de la perquisition. C’est à dire quasiment tout.
Voici une liste des caches les plus courantes :
SALLE de SÉJOUR |
ACCESSOIRES |
CUISINE |
cache dans un mur |
tapisserie |
cuisinière, four |
derrière une plinthe |
tiroir dissimulé |
lèche frites |
dans une moulure (staff) |
dans un coussin |
tuyaux poêle, hotte |
dans une cloison |
pied d’une lampe |
conduit d’aération |
fixation d’éclairage |
jeux de société |
dans le siphon |
dans une porte creuse |
poste radio et TV |
sous lavabo, baignoire |
dans les prises |
HI-FI,"magnétoscope" |
dans cache du robinet |
entre une prise et le mur |
dans une antenne |
tuyaux de vidange |
poignée de porte |
dans le téléphone |
machine à laver |
tableau, derrière ou cadre |
sous un cache décoratif |
dans une boite, flacon |
idem miroir, poster |
sous la liste n° téléphone |
derrière un élément mural |
ourlet de rideaux |
réveil, horloge, montre |
la poubelle |
suspendu dans un rideau |
pots et bacs à fleurs |
cache sous un carreau |
dans barre de rideaux |
dans un livre, une revue |
dans un rouleau, alu |
dans le store |
sonnette, alarme |
dans le toaster |
derrière l'isolation |
dans la rampe |
réfrigérateur, congélateur |
dans faux plafond |
aspirateur |
manche d’un couvert |
sous un tapis |
fer à repasser |
cafetière |
appareil de chauffage |
statue |
boissons, aliments, fruits |
ventilateur |
balai, serpillière |
œuf, gâteaux, sachet thé |
air conditionné |
piles |
VÉHICULE |
cheminée ou conduits |
boites, flacons, |
pare soleil, rétroviseur |
bouton de radiateur |
dans l’épaisseur de carton |
tableau de bord, ouïes |
EXTÉRIEUR |
machine à écrire, imprimante |
garniture de portière |
boite au lettres |
ordinateur et accessoires |
dans la portière |
arbre creux |
instrument de musique |
boite à fusible |
niche à chien |
dans une lettre |
cendrier, allume-cigare |
gouttière, égout |
dans du tabac, cigarette |
poste radio, HP. |
volets |
cendrier, sibylle |
boite à gant, vide poche |
dalle du jardin |
collier, laisse |
sous les pédales |
bassin |
cage animaux domestiques |
dans ou sous les sièges |
barrièrage |
litière du chat ou autre |
sous les tapis |
CHAMBRE |
SALLE de BAIN |
éclairage intérieur |
sommier, matelas, couche |
sous la baignoire |
accoudoir |
oreillers, traversin |
rasoir et accessoires |
joint, glissière d’une vitre |
montants de lit creux |
rideau de douche |
dans la malle arrière |
objet décoration, jouets |
réservoir toilette, papier |
sous le capot et le moteur |
boite à bijoux |
sous appareils sanitaires |
batterie |
les six faces des meubles |
armoire de toilette |
boite à outils et outils |
BIJOUX |
porte manteau, vêtements |
phare, pare choc, |
nom, date gravés |
brosse à dents, dentifrice |
réservoir essence |
bijoux creux |
sèche cheveux |
carburateur, filtre, Delco |
pierre déposable |
boites et flacons |
échappement |
fermoir |
médicaments |
Klaxon |
nature du poinçon |
linge de bain |
bouchon huile, essence |
INDIVIDU |
bigoudis, rouleaux |
roue de secours ou non |
cheveux, postiche |
douchette |
enjoliveurs |
oreille, narine, bouche |
VÊTEMENTS |
derrière le pare-chocs |
anus, vagin, prépuce |
sous les marques, revers |
sous le bas de caisse |
appareil auditif, piles |
ourlet, doublure, parement |
passage de roue |
lunettes, étui |
ceinture, boucle |
fixé sur l’essieu |
fausse dent, couronne |
chapeau, cravate |
dans la base de l’antenne |
appareil dentaire |
bouton manchette |
derrière la plaque |
avalé et retenu par un fil |
épingle à cravate, pin’s |
dans tube de la galerie |
entre les orteils |
boutons, velcro, gants |
capote, hard top |
aisselles, raie des fesses |
chaussures et chaussettes |
réservoir d’essence |
Cette liste ne prétend à aucune exhaustivité, elle donne cependant des indications utiles sur les caches possibles ou dérivées et montre la difficulté à découvrir un document.
Examiner un objet, cela veut dire le retourner pour l’examiner sous toutes ses faces, le secouer pour déceler tout bruit anormal, comparer visuellement et mentalement ses cotes extérieures avec les cotes intérieures (double-fond, cache), sa substance, son aspect (forme, couleur, odeur). Pour découvrir un micro-point (contre-espionnage), par exemple, il faut examiner les objets sous une lumière rasante. Selon ce que recherche l'enquêteur, il pourra utiliser un détecteur de métaux, un appareil qui permet la détection d'une cache dans une paroi ou une portière, une caméra thermique (terre retournée récemment). Confronté à des terroristes, le fonctionnaire doit envisager la possibilité qu’un objet a pu être piégé. Une lampe quelconque peut être piégée avec une substance volatile pour tuer ou mutiler l’imprudent qui l'allume !
Les objets saisis sont listés et placés sous scellés dont il existe deux catégories (CPP 56 et 97). Les scellés ouverts pour les objets visibles, les scellés fermés pour les objets à protéger des regards. Les scellés doivent porter une étiquette avec la description de l'objet, la référence de la procédure, le sceau, la désignation et la signature de l'OPJ. Le matériel informatique peut être saisi ou le contenu copié sur un support physique. Tout scellé est mentionné à l'inventaire des pièces à conviction. Les scellés sont déposés au greffe du tribunal (contre décharge écrite) en même temps que le double du P.V (le mis en cause peut refuser de signer le PV). La saisie « intellectuelle " concerne les objets ne pouvant être appréhendés ou non déplaçables. Dans ce cas, les enquêteurs procèdent à leur description détaillée : marque, numéro, signes particuliers, et., afin de rendre possible toute identification ultérieure.
En cas de découverte d'un objet suspect n'ayant aucun rapport avec l'affaire en cours, il en est fait mention dans le PV afin de constituer le support à une procédure incidente ultérieure. En cas de doute, l'OPJ en réfère au magistrat du Parquet qui pourra ordonner des mesures conservatoires. L'OPJ est pénalement responsable de ses actes. En cas d'irrégularité, il est passible de sanctions pénales (art 184 CP). La perquisition terminée, il est recommandé de laisser un dispositif de surveillance discret. Il sera ainsi possible de découvrir de nouvelles implications ou interpeller des personnes venues faire le ménage...
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