Police : plaquage ventral & prise de cou
Le plaquage ventral (décubitus ventral) est une technique de contention manuelle destinée à maintenir au sol l'individu interpelé à plat ventre pour lui « passer les pinces ». Cette technique bannie dans plusieurs pays a fait l'objet d'une note de l'Inspection générale de la police nationale en 2008 : « l'immobilisation en position ventrale doit être la plus limitée possible », et d'une circulaire du ministère de l'Intérieur (2015) « Lorsque l'immobilisation d'une personne est nécessaire, la compression - tout particulièrement lorsqu'elle s'exerce sur le thorax ou l'abdomen - doit être la plus momentanée possible être lâchée dès que la personne est entravée par les moyens réglementaires et adaptés ».
Pour les syndicats de police, les fonctionnaires ne font usage de la force qu'« en cas de rébellion et de manière proportionnée et l'immobilisation au sol et momentanée. Dès que les menottes sont refermées sur les poignets de l'individu qu'on a interpellé, il est assis et relevé. Il n'est pas question de le laisser en position ventrale au sol. On ne maintient pas quelqu'un huit minutes avec le genou le long de la trachée ou le long de la zone cervicalo-brachiale ». Stanislas Gaudon du syndicat Alliance police fait allusion au policier Derek Chauvin qui a appliqué son tibia sur le cou de George Floyd immobilisé au sol, lui comprimant la carotide, la veine jugulaire et le sinus carotidien (régulation de la pression artérielle et du rythme cardiaque) durant huit minutes et quarante-six secondes. Du côté de la Gendarmerie nationale, le colonel Laurent De La Follye de Joux a déclaré : « ni le décubitus ventral, ni le pliage ventral ne sont enseignés ni appliqués dans la gendarmerie ». L'ancien patron du RAID et député LREM, Jean-Michel Fauvergue, de préciser : « en gendarmerie on ne nomme pas le plaquage ventral ainsi, mais que la technique de mise au sol sur le ventre enseignée chez les gendarmes, aux fins de menottage, existe bel et bien ».
Un rapport d'Amnesty International (2011) précise : « L'asphyxie positionnelle se produit lorsque l'on maintient une personne allongée sur le ventre afin de l'immobiliser ou de la transporter : cette position empêche de respirer correctement. (...) Toute pression exercée dans le dos de la personne qui se trouve dans cette position (comme celle que peut exercer un agent de la force publique, notamment lorsqu'il essaie d'empêcher quelqu'un de bouger) accroît encore la difficulté à respirer. lorsqu'un individu en position de décubitus ventral manque d'oxygène, sa " réaction naturelle " est de se débattre. Face à cette agitation, un agent de la force publique aura tendance à exercer une pression ou une compression supplémentaire afin de maîtriser la personne, compromettant davantage encore ses possibilités de respirer ».
Dans les faits, une compression sur le bas de la cage thoracique (côtes flottantes) permet d'entraver la respiration, action assortie parfois d'une clé de cou..., de jambes, de cheville ou de poignet. L'usage du genou, du tonfa ou de la matraque télescopique déployée ou non pour exercer une pression sur le cou de la personne interpelée (debout ou au sol) est rarement mentionné... Et pas un mot sur la technique utilisée pour amener la personne interpellée au sol. Le choc et la force doivent-ils prévaloir sur la rapidité et l'accompagnement (retenue) au sol de la personne interpellée ?
Le rugby, sport de contact pratiquant le plaquage a connu plusieurs décès. Nicolas Chauvin est décédé après un plaquage ayant entraîné une fracture de la deuxième vertèbre cervicale suivie d'un arrêt cardiaque et une anoxie cérébrale. Louis Fajfrowski victime d'un traumatisme thoracique « responsable d'une commotion cardiaque létale sur un cœur pathologique ». Lors d'une interpelation, la rotation ou l'extension de la tête peut léser des artères vertébrales par écrasement ou étirement et entraîner un AVC ! Si le flux sanguin des artères carotides qui irrigue les hémisphères cérébraux est suspendu, même temporairement, une ischémie vertébro-basilaire peut suspendre le langage et la compréhension (l'individu est dans le " cirage ") ! Une lésion des artères au niveau C1-2 peut se manifester quelques mois après le geste, voire être la conséquence d'un traitement chiropratique antérieur.
La respiration a pour but de capter l'oxygène de l'air pour assurer le ravitaillement en comburant de l'organisme, et d'autre part, d'expulser à l'extérieur le gaz carbonique. Les poumons protégés par les côtes sont des organes élastiques sollicités par les muscles respiratoires dans les limites de la cage thoracique. Le débit respiratoire résulte de la fréquence des mouvements de la cage thoracique et du volume des gaz qui pénètre dans les poumons, la fréquence est variable avec l'âge, le sexe, la taille et les besoins en oxygène. Au repos, le débit respiratoire est d'environ 7 litres par minute et le nombre de cycles de 12 à 16.
Une compression thoracique et/ou abdominale n'est jamais anodine. La compression extérieure du thorax, des côtes, du diaphragme et de l'abdomen refoule une partie des organes abdominaux dans la cage thoracique et limite encore plus le volume pulmonaire disponible ! La clé de jambe qui consiste à forcer les jambes vers la cambrure des reins entraîne l'extension de la cage thoracique dans le sens vertical et réduit encore le volume respiratoire, et le profil du sol peut venir se surajouter à l'effet de la contention. Une réduction de 30 % du périmètre thoracique suffit pour entraîner l'asphyxie. L'homme subit alors le même phénomène qu'un apnéïste immergé par quelques mètres de fond qui voudrait respirer à travers un tube de plusieurs mètres de long pour aspirer l'air en surface, la pression entraîne une compression thoracique et abdominale le rendant incapable d'inspirer. La réaction dépend également de la vitesse d'action et du cycle respiratoire en cours, une compression lente (éboulement) n'a pas la même action que celle d'un policier pesant de tout son poids au niveau des côtes flottantes d'une personne en fin d'expiration ! La respiration est immédiatement suspendue sans parler du traumatisme thoracique et des risques de fractures costale et/ou sternale !
On appelle apnée (volontaire ou contrainte) la durée pendant laquelle l'homme peut retenir sa respiration, il y a alors accumulation de gaz carbonique dans le sang (hypercapnie) et privation d'oxygène (hypoxie). La durée d'apnée est d'autant plus longue que les poumons sont remplis au moment de la suspension respiratoire. Une émotion soudaine peut amplifier les mouvements respiratoires, voire les suspendre ! L'asphyxie progresse, phosphènes, les pommettes, les lèvres et les oreilles sont cyanosées, le teint devient livide, le cœur bat plus rapidement parfois de façon irrégulière (arythmie), la confusion mentale, des troubles visuels et des vertiges surviennent, si la respiration n'est pas rétablie, il y a asphyxie, disparition du pouls, syncope suivie de la mort.
L’association des Chrétiens pour l’abolition de la torture évoque dans son rapport « l'Ordre et la force » une autre technique de contention, le « pliage ». Le policier maintient une personne assise la tête appuyée sur les genoux afin de l'empêcher de bouger. Il peut aussi, dans certains cas, faire usage d'une clé de cou afin de la réduire au silence (« régulation phonique »), rameuter la population cela fait désordre. L'article R-434-17 du CSI précise que l'emploi de la force doit être l'exeption : « Tout personne appréhendée est placée sous la protection des policiers et des gendarmes et préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant. (...) L'utilisation du port des menottes ou des entraves n'est justifiée que lorsque la personne appréhendée est considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle même, soit susceptible de s'enfuir ».
Le ministre de l'Intérieur a déclaré que la technique d'étranglement (prise de cou) serait interdite, sans plus de précision... L'étranglement sanguin a été popularisé dans les années soixante-dix via le Jiu-jitsu brésilien importé aux États-Unis par la famille Gracié. Cette pratique largement utilisée dans les pénitenciers américains pour immobiliser les « durs à cuire » avait conduit à 14 décès pour la seule année 1987, bien que les gardiens ont relâché leur prise aussitôt le prisonnier inconscient (une quinzaine de secondes) ! Tout judoka sait qu'Uké (celui qui subit l'action) étranglé et immobilisé par Tori (qui porte le mouvement) n'est plus en mesure de « frapper » pour signaler son abandon et qu'il doit relâcher son étreinte au risque de voir Uké tomber en syncope. Il faut immédiatement surélever les jambes d'Uké pour accélérer l'irrigation sanguine au cerveau (kuatsu). Ces informations démontrent que tout pratiquant d'un art martial ou sport de combat devrait se familiariser avec l'anatomie, la biomécanique et la physiologie sportives. La cause de la mort recherché lors de l'autopsie n'est pas toujours aussi évidente d'où les rapports contradictoirs d'experts et d'anatomopathologistes.
Le député Eric Ciotti souhaite que toutes personnes qui diffuseraient des images de policiers nationaux ou municipaux, gendarmes, agents des douanes sur lesquelles ces derniers seraient identifiables dans l’exercice de leurs fonctions soient sanctionnées d'une amende de 15.000 euros et d'un an d'emprisonnement ! Combien de comportements serviles et méprisables seraient passés à la trappe en l'absence de la vidéo ? La société semble accorder plus d'importance à l'acte et au rôle du policier plutôt qu'à sa personnalité. Le problème soulevé par les agissements de certains fonctionnaires et militaires remet en cause : la sélection, le profil psychologique de l'impétrant, la formation, l'esprit de corps, la hiérarchie, la chaîne de commandement, l'institution, la doctrine, la justice, la gouvernance, et le contre-pouvoir à la fois juge et partie...
On ne peut renvoyer dos-à-dos policiers et délinquants, chacun a choisi son camp et une appartenance catégorielle, sociale, religieuse, ethnique ne peux valoir immunité ni surpasser les lois républicaines. Si dans un État démocratique force doit rester à la loi, les principes d'immédiateté et de proportionnalité de la riposte doivent prévaloir. Certains officiers des FdO ont su faire preuve de discernement et apprécier l'opportunité ou non d'engager leurs effectifs contre des manifestants (Nantes), est-il envisageable d'étendre cette mesure prophylactique à la base... L'obligation de résultat doit-elle être contingente à l'obligation de moyens et/ou assujettie à l'opportunité d'action ?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
78 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON