Policier, tu ne tutoieras plus !
Le débat sur le « tutoiement » dans les relations entre la police et les citoyens est le genre des débats qui durent indéfiniment jusqu’à ce qu’on décide de les abandonner après avoir compris les motivations de ceux qui les initient. On n’y est pas encore et on va sûrement continuer à se demander s’il est acceptable que les policiers tutoient les citoyens, notamment les individus qui se comportent de façon agressive et irrespectueuse au contact des forces de l’ordre.

En réalité, il s’agit d’un faux débat qui masque assez habilement la vraie question qui se posait initialement au nouveau gouvernement : celle des contrôles au faciès. En effet, une certaine fixation des policiers sur les « minorités visibles » a engendré un sentiment de stigmatisation auquel le nouveau gouvernement a voulu se montrer sensible. Il s’agit de repenser les relations entre la police et les populations de certains quartiers.
Une mesure a alors été envisagée : les policiers devraient remettre un récépissé à l’issue d’un contrôle d’identité pour éviter qu’une personne se fasse contrôler plusieurs fois en raison de son apparence physique. Le débat sur le contrôle au faciès était ainsi remis sur la table et s’annonçait houleux tellement les syndicats de la police le trouvaient insupportable. Notre Ministre de l’intérieur, embarrassé, a alors joué de toute son habilité. Il ne pouvait pas laisser perdurer la polémique.
En tout cas, malgré les dénégations du Premier ministre, le débat sur les contrôles au faciès est bel et bien abandonné. Il faut à la place débattre du tutoiement, et tout le monde s’y met sans se faire prier.
Ce débat de pure diversion est paru, lui aussi, délicat pour le locataire de la Place Beauvau, mais il s’agit seulement des apparences. Même s’il doit durer, il ne risque pas d’embarrasser le nouveau ministre de l’intérieur dont on sait qu’il ne prendra aucune mesure par rapport au tutoiement. Personne n’imagine un seul instant que les policiers habitués à tutoyer vont, du jour au lendemain, changer de langage. Personne n’imagine non plus que des sanctions puissent être infligées à un policier pour un simple tutoiement. Encore qu’il faille caractériser le manquement.
Car le tutoiement n’est pas en soit l’expression d’un comportement irrespectueux. Un policier qui dirait : « Monsieur, veux-tu me montrer tes papiers ? » sera toujours plus aimable que son collègue habitué à asséner : « Vos papiers ! ». Le premier, a priori, malgré son tutoiement, aura un dialogue plus paisible avec le citoyen tandis que le second, par son vouvoiement agressif, ne peut que déclencher un conflit.
C’est donc un débat qui n’a pas de sens, en réalité, tellement le tutoiement s’est répandu dans notre langage quotidien, y compris en milieu professionnel. Le vrai débat est celui de la relation entre la police et les citoyens notamment en matière de contrôle d’identité. Et quels que soient les efforts déployés pour essayer de l’éclipser, il reviendra sur la table.
Car l’image de la police française s’est considérablement dégradée dans l’opinion en particulier à cause de la « politique du chiffre » menée depuis les dix dernières années. Alors que dans d’autres démocraties la police est vue avant tout comme une force au service de la population, en France, la police est au service de l’Etat, ce qui transforme les policiers en simples agents de répression lorsqu’un gouvernement fait le choix du « tout répressif ». Les conflits avec les citoyens se multiplient, en particulier dans certaines zones géographiques ou dans les rangs des populations négativement perçues. La fixation sur celles-ci pousse aux contrôles au faciès dont le débat est de toute évidence difficile à trancher.
Il faudra pourtant que ce débat ait lieu et que des mesures telles que la remise de récépissés soient adoptées.
Boniface MUSAVULI
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