Politique fiction : mes trois scenarios pour la rentrée 2010
Je ne suis pas Elizabeth Tessier mais un simple observateur de la vie politique de mon pays.
Je vous propose avant de partir en vacances, d’imaginer la suite. C’est-à-dire la rentrée politique et sociale qui s’annonce houleuse. Je vous propose donc trois scenarii différents que Nicolas Sarkozy pourrait être amené à prendre en cas de conflits sociaux majeurs.
Même si le pouvoir minimise et rappelle que les problèmes de la France sont ailleurs, les Français ne parlent que de cela : l’Affaire Bettancourt. Elle va couter très cher à Nicolas Sarkozy. Elle couronne une série de scandales souvent liée à une utilisation dispendieuse des moyens de l’Etat. Elle ravive l’idée que l’opinion s’est faite des rapports incestueux entre le pouvoir politique et l’argent.
La soirée au Fouquet’s et les vacances de milliardaires sur un Yacht, avaient produit un premier choc dans l’opinion publique qui avait cru naïvement aux intentions monacales du candidat Sarkozy lorsqu’il annonçait vouloir prendre une retraite, loin du bruit et du tumulte, pour appréhender avec gravité, sa future fonction de Chef d’Etat.
Une crise éthique sans précédent s’est installée dans le pays avec pour point d’orgue la débandade au sein de l’Equipe de France de football qui a concouru à rendre ce sentiment plus prégnant encore.
Ces manques de repères moraux, les français en ont assez. La crise financière des subprimes leur a révélé à quel point ils avaient été dupés par un système où la valeur travail était soit dilapidée dans le monde boursier du « tous pourris », soit prise comme la seule variable d’ajustement au sein de leurs entreprises qui multipliaient les plans « sociaux ».
L’électorat populaire qui soutenait jusqu’ici le Chef de l’Etat, revient petit à petit dans le giron de la droite nationaliste et identitaire.
En cet été caniculaire de 2010, il ne faut donc pas s’étonner que l’annonce de la mort d’un acteur comme Bernard Giraudeau émeuve à tel point la France entière. Il y avait longtemps (pour ainsi dire depuis Balavoine, Coluche ou l’Abbé Pierre) que les français ne s’étaient pas autant identifiés autour des valeurs de courage, d’amour et de partage qu’incarnait l’acteur, notamment avec son dernier combat contre la maladie.
La rentrée sociale et politique sera donc chaude et inquiète déjà Nicolas Sarkozy et ses proches.
La nouvelle posture prise par le Chef de l’Etat lors de son entretien avec le journaliste David Pujadas n’a pas convaincu les français qui continuent, par sondages interposés, à plonger le Chef de l’exécutif dans des gouffres abyssaux d’impopularité.
Les vacances de Nicolas seront brèves et celui-ci n’aura donc pas beaucoup le temps pour le farniente. Il y a peu de chance qu’on le voit courir à droite et à gauche.
Après la réforme des retraites, il y aura la réforme de la dépendance. Un climat général de contestations se fera ressentir dès les premiers jours de la rentrée, orchestré par tous les opposants à Nicolas Sarkozy. Les paysans et le personnel de santé ne seront pas en reste pour descendre dans la rue et venir grossir la cohorte déjà importante, d’une France syndicale traditionnellement mobilisée. Tous ces mécontents pourraient peser très lourd dans la marge de manœuvre du Chef de l’Etat et de son gouvernement. Les deux millions de Français descendus en juin ne pourraient n’être qu’un avant-goût d’un mécontentement beaucoup plus large.
Il suffirait donc que la situation économique internationale se détériore, pour qu’une explosion sociale sans précédent ait lieu.
Le Chef d’Etat en est conscient. Déjà, la crise grecque avait fait trembler l’Elysée, parce qu’une propagation du climat explosif hellénique pouvait à tout moment se répandre en France.
Le Chef de l’Etat et sa femme sont attaqués de toute part : dans la presse, à la radio et sur Internet. Facebook est devenu le défouloir numéro un de tous les opposants au régime. Des groupes sociaux se constituent chaque jour qui exaltent une haine et une violence verbales inouïes envers un Chef de l’Etat affaibli et de plus en plus contesté : qu’elles proviennent des gens du MODEM, des Centristes en général, des Verts ou de la Gauche traditionnelle, la nature radicale des dérapages verbaux est de plus en plus frappante.
Carla Bruni n’est pas en reste. L’analogie avec Marie-Antoinette est à peine exagérée. A la veille de la révolution, la haine que vouait le peuple français à cette reine autrichienne a joué certainement un rôle déterminant en faveur des premiers soulèvements populaires. Il est loin le temps où la première Dame de France donnait l’image bienveillante d’une chanteuse à texte, jolie, intelligente et populaire. Lorsque le Chef de l’Etat affirme sur France 2 que lui et sa femme sont victimes de calomnies, aucun commentateur ne relève la petite phrase pour dire qu’elle serait abusive.
Contre-pieds :
Nicolas Sarkozy a annoncé un remaniement ministériel important à l’horizon d’octobre 2010 pour engager la dernière partie des réformes de son quinquennat. Il souhaite reprendre l’avantage et s’entourer d’une nouvelle équipe resserrée qui fasse oublier les couacs et les affaires qui ont pourri son image et sa popularité durant le premier semestre 2010.
J’émets l’hypothèse que ce remaniement sera la réponse que donnera le Chef de l’Etat à l’ampleur de la contestation sociale qui s’exprimera dans la rue.
J’avance trois scénarii :
I - Jusqu’à 2 millions de personnes dans la rue : Nicolas Sarkozy procède à un remaniement ministériel important. Il construit une équipe resserrée autour d’un nouveau Premier Ministre qui s’exposera à sa place, jusqu’en 2012.
Comme le veut la tradition de la cinquième République, ce premier Ministre jouera son rôle de fusible protégeant le chef de l’Etat, tandis que Nicolas Sarkozy se peaufinera une nouvelle image médiatique de sage, en vue de sa réélection. Plus question pour lui de se mettre en avant. Il jouera à présent la rareté médiatique et la sagesse pondérée. Les réformes seront menées jusqu’au bout.
On peut très bien imaginer qu’à ce poste de premier ministrable, il fasse appel à un Xavier Bertrand qu’il apprécie personnellement ou à un Jean-François Coppé, plus jeune et plus frondeur, donnant une image dynamique à ce nouvel exécutif.
II - Entre 3 et 4 millions de personnes dans la rue, avec des mouvements sociaux importants : Nicolas Sarkozy ne peut plus nier la crise sociale et éthique profonde qui secoue le pays. Il est convaincu par ses conseillers qu’il lui faut créer un choc politique pour reprendre l’avantage tout en conservant l’objectif d’aller au terme de ses réformes : il en va de sa fierté d’image d’homme politique qu’il s’est donnée en arrivant à l’Elysée en 2007, lorsqu’il affirmait qu’il irait jusqu’au bout d’une transformation radicale du pays sans céder à la moindre pression.
Depuis le début de la crise, les Centristes ont des velléités d’indépendance affirmées vis-à-vis de l’UMP et se montrent de plus en plus critique vis-à-vis du Chef de L’Etat et de sa gouvernance. Nicolas Sarkozy sait qu’ils peuvent être des concurrents sérieux à la présidentielle de 2012 et le faire échouer au premier tour en présentant leur propre candidat.
Que cela ne tienne, il nomme un premier Ministre Centriste à la tête du gouvernement. Il jouera la carte de la cohabitation douce en acceptant le principe de l’amendement des réformes, sans toucher à l’essentiel. Il demandera à son premier Ministre de pratiquer l’ouverture vers des personnalités de gauche peu regardantes et tentées par un marocain ministériel (Emmanuel Valls, Jack Lang, etc...). Il espère ainsi partager le sale rôle que quatre crises successives (économique, financière, agriculture et euros) l’obligent à tenir sur le terrain de la vie politique.
Alors qui ? Dans un article précédent j’ai émis l’hypothèse (que d’aucun ont trouvé farfelue) que cela pourrait être François Bayrou lui-même. Je la maintiens.
L’homme a un parcours erratique. Il sait qu’il n’a plus aucune chance d’être président en 2012. Dans une posture Gaullo-Miterrandienne assumée, la situation de crise sociale dans laquelle se trouve le pays le désinhibe complétement. Et dans l’urgence de la situation, il tente une posture giscardienne et accepte le poste. L’opposant numéro un de Nicolas Sarkozy, veut incarner à présent un recours.
Somme toute, devenir premier Ministre est un poste enviable et le place de nouveau dans le radar médiatique. La cohabitation ne sera pas facile et chacun, du Président et de son premier Ministre, tireront la couverture à eux. Sarkozy accepte le principe de l’abandon du bouclier fiscal, de l’augmentation d’un point de la TVA, de la suppression de l’ISF au profit d’une tranche d’imposition médiane. François Bayrou s’entoure d’amis centristes et nomme Robert Rochefort, Marielle de Sarnez et Jean Arthuis à des postes ministériels clés. Il propose, dans la foulée de reconduire Hervé Morin à son poste de ministre de la défense. Ce dernier refuse. François Bayrou joue la montre, évite les vagues et s’épargne au maximum une exposition médiatique tapageuse pour se présenter comme recours présidentiable en 2012 d’une France apaisée (en reprenant à son compte, le slogan du Nouveau Centre).
III - Plus de 4,5 millions de personnes dans la rue, avec des mouvements sociaux importants, un échauffement des Citées, et une situation altérée par une nouvelle dégradation de l’économie financière internationale : Nicolas Sarkozy n’a pas d’autre choix que de créer un électrochoc. Les nombreux conflits sociaux, les affaires et la dégradation du climat social l’obligent à dissoudre l’Assemblée Nationale. Il refait le coup de Jacques Chirac en 1997 et fait harakiri à ses députés. La France bascule à gauche.
Il nomme Martine Aubry à la tête d’un gouvernement de cohabitation. Il prend un risque calculé. En acceptant l’alternance, il pari sur l’incapacité des socialistes à redresser le pays, les exposant à l’usure du pouvoir. Il coupe l’herbe sous le pied à DSK, un des représentants les plus crédibles aujourd’hui de la gauche dite sociale/libérale, qui bloqué au FMI, se voit contraint d’assister en observateur au plantage du PS.
Le PS fait une ouverture à gauche et invite des députés Verts à venir diriger. Contre toute attente, ils se plantent dans leur gouvernance et n’arrivent pas à redresser le pays. Pas le moindre début de programme, ni aucun plan B venant se substituer à la direction économique et sociale engagée par Nicolas Sarkozy depuis 2007.
La France est dans l’impasse et les marchés financiers s’affolent. Des problèmes de leadership internes se font jour au sein du PS qui accumule les erreurs stratégiques. Contraints par les Verts à voter des Lois novatrices, ils acceptent quelques avancées sociétales controversées comme le mariage Gay et donnent leur feu vert pour la construction de plusieurs mosquées, le tout sur fond de polémique.
Rien n’avance sur le front social et économique. La poursuite des réformes commencées par le Chef de l’Etat est gelée et un ensemble de Lois tentant à annuler tout ce qui a été déjà engagé encombre le dispositif et est voté à la hâte. A l’alternance économique et sociale se substitue une contre-offensive idéologique sans vision précise.
Le gouvernement de Martine Aubry cristallise à son tour le mécontentement des français et hisse indirectement le Front National à des hauteurs de popularité jusqu’ici inconnues.
L’UMP tire à boulets-rouges sur ce qu’elle nomme « une équipe d’incapables » et espère déjà reprendre sa revanche en 2012 afin de terminer le travail des réformes engagées par Sarkozy. Le leardership du président est contesté au sein de son parti, et des courants divers se forment en vue de la future présidentielle. Sarkozy se bat à présent contre son propre camp pour tenter de rester le maître à bord.
Le pays est dans une situation difficile pendant deux ans et perd son poids et sa crédibilité internationale.
Voilà.
Il n’y a pas de conclusion possible pour l’ensemble de ces trois scenarii. Comme je l’écrivais au début de cet article, il y a de grandes chances que la vérité soit ailleurs et ne vienne contrarier mes prospectives. J’attends avec impatience le commentaire des uns et des autres.
Quoi qu’il en soit, je souhaite bonnes vacances à toutes celles et ceux qui s’apprêtent à partir et leur conseille de se débrancher complément et de profiter au maximum de leurs congés.
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