J’ai toujours été épaté par l’importance que pouvait prendre dans notre société ce que l’on appel communément des « événements sportifs ». Le plus étonnant est que ces événements impactent fortement notre quotidien, alors que parfois ils ne concernent qu’une infime partie de notre collectivité nationale.
Lorsque l’équipe nationale d’Algérie réussit pour la première fois de son histoire à se qualifier pour une phase finale de la coupe du monde ; cela semble être un événement heureux que l’on soutienne ou non cette équipe. Que cela provoque des réactions de liesses pour les supporters est tout à fait normal ; s’accompagnant du rituel concert de Klaxons et du port de l’étendard algérien.
Lors de la précédente coupe du monde, les villes françaises étaient émaillées de multiples drapeaux nationaux pendants aux fenêtres sans que personne n’y trouve à redire. Après tout, n’oublions pas qu’il ne s’agit que d’un jeu et que d’une phase qualificative pour le mondial de football. Pour autant, cette rencontre a donné lieu à des « débordements » dont on ne sait plus s’ils sont liés à l’événement lui-même ou à la couverture journalistique qui en est faite.
« Pourquoi ça déborde »
En effet, la pression médiatique est tellement forte autour de ces matchs qu’ils ne deviennent plus les lieux d’une joute sportive, mais un enjeu politique national et international. Ce sont des espaces de communication totalement hors jeu. Que certains aient le souhait de les utiliser n’a rien de choquant dans la société d’hyper communication qui est la notre. Le problème ; c’est que le message est bien souvent le même qu’il s’agisse d’une victoire ou d’un défaite, et ce message, c’est celui de la violence, et de l’agressivité.
Je passerai sur l’aubaine médiatique que peut constituer ce type de comportement à l’approche d’élections, notamment pour certains partis politiques draguant outrageusement vers l’extrême droite.
Alors, on va se poser la sempiternelle question, reprise dans les médias et par nombre de politiques : comment éviter les « débordements » ?
Il est bien évidemment nécessaire d’assurer la protection des biens et des personnes. Il est bien évidemment indispensable de canaliser la violence. Mais est-ce vraiment la bonne question ?
Il y a quelques années, des sauvageons mettaient le feu aux voitures roulant au GPL dans les parkings souterrains. Le feu médiatique s’était emparé du sujet avec moult explications sur la façon dont peut s’enflammer ce type de véhicules et surtout comment faire pour éviter qu’ils explosent. A aucun moment, ne s’est posée la question de savoir comment faire pour que des jeunes ne mettent pas le feu à ces voitures…Au lieu d’ouvrir le vrai débat, on le réduit tout de suite à un problème de délinquance, qui lui apparaît de manière totalement autonome comme tout le monde le sait.
Au final, personne ne se demande pourquoi ça déborde.
« Il est devenu important d’avoir une équipe sportivement forte »
Il est donc devenu important d’avoir une équipe sportivement forte et ce à tout les niveaux. On se souvient de l’épisode Bernard TAPIE dont personne ne pouvait ignorer que son ambition pour l’OM n’avait d’égal que celle qu’il avait pour la Mairie de Marseille. Les supporters s’identifient tellement à leur club, que celui qui le représente le mieux bénéficie de l’aura de son équipe.
Ainsi, chaque maire de grande ville veut maintenant avoir une grande équipe car c’est le meilleur moyen de faire parler de sa ville dans les médias nationaux. Si l’équipe gagne alors le maire marque des points en vue de sa réélection, car c’est bon pour son image.
Ce qui est vrai pour une ville, l’est encore plus pour un pays. Ainsi, nous avons tous en mémoire les prestations visuelles de Jacques CHIRAC lors de la coupe du monde football de 1998 mimant le nom des joueurs afin de montrer son implication avec l’équipe nationale. On se souvient encore de lui quittant le stade à l’issue d’une marseillaise copieusement sifflée.
Les enceintes sportives sont devenues des arènes politiques où s’expriment l’union et la désunion d’un peuple avec son drapeau. Dans les périodes de crise, ils sont un espace de certitude qui nous rattache à une communauté à des racines et qui nous renvoie à notre sentiment d’appartenance. C’est la raison pour laquelle, les enjeux politiques identitaires s’expriment de manière particulièrement exacerbée au travers du football.
La forte couverture médiatique dont il fait l’objet fonctionne alors comme une caisse de résonance ; et ça nombreux sont ceux qui l’ont compris.
Lorsque l’on évoquait une équipe de France Black, Blanc Beur, on était déjà dans cette logique d’assimilation complète avec le peuple. La victoire de 1998 n’était rien d’autre que la victoire du peuple de France dans sa diversité. C’était la preuve d’une intégration réussie, d’une reconnaissance de la multitude. Il y avait donc une pression politique et médiatique très forte à l’occasion du match de l’équipe de France de Football contre l’Irlande. Une équipe qui gagne, c’est un peu de paix sociale arrachée au temps qui passe. Est-ce que vous pouvez imaginer un mondial de football sans l’équipe de France. Qui nous offrirait quelques semaines de répit social et d’union nationale ?
Alors même si le geste est malheureux, il faut parfois savoir saisir la main du destin. Que Thierry HENRY se déculpabilise, il n’était pas seul à toucher ce ballon, car quelque part nous avons tous un peu mis la main à la pâte…