Pompeo sera-t-il le prochain Trump ?
Quatre ans, c’est vite passé : alors que Biden n’a pas encore reçu l’investiture présidentielle, on commence déjà à se bousculer au portillon de la Maison Blanche à l’horizon 2024.
Trump est grillé. Piégé ? Fautif ? Difficile de savoir.
En tous cas, aux yeux de la majorité des Américains, il passe pour être à l’origine du sacrilège du Capitole, et cela d’autant plus qu’il a eu la bêtise d’encourager les acteurs de cette mascarade genre « Conan le barbare » à se manifester et à converger vers le temple de la « Démocratie », cette nouvelle divinité parée des mêmes attributs que les déesses antiques, cette Athéna des temps modernes.
Mais alors que tous les yeux sont rivés sur lui, un de ses émules, héritier et successeur potentiel, est en train de planter les jalons de la course-relais pour être fin prêt dès que le départ sera donné. Et ce candidat à l’héritage, ce n'est ni Donald Jr, ni Ivanka, ni Jared Kushner.
Depuis que Trump a perdu les élections, plutôt que de participer au déni du principal intéressé, Pompeo n’a pas cessé de poser des champs de mines diplomatiques dans les zones de conflit mondiales. C'est en partie pour pousser Biden dans ses retranchements, mais c’est surtout pour se positionner lui-même dans la compétition sans fin ni répit qui aboutit au bureau ovale.
Ces derniers jours, Pompeo a chamboulé les équilibres instables qu’il avait lui-même contribué à établir, il a affiché les positions les plus radicales et revendiqué des succès imaginaires pour faire progresser sa position personnelle en montant sur le cheval de Trump, non plus sur la croupe, en amazone, mais comme cavalier seul, à cru. En fait, il essaie de surpasser Trump et il veut que ça se sache. Comme lui, il est cynique et provocateur, mais il est loin d’être stupide, ce qui rend cet ancien chef de la CIA plus dangereux pour la présidence Biden qu'un Trump en disgrâce ne le sera jamais. Déjà, plutôt que de s’embourber dans des polémiques sur l’opportunité d’une destitution de son ex mentor, il vient de démontrer son sens politique en consacrant son énergie à définir son futur programme pendant le court délai qu’il lui reste pour accéder aux tribunes médiatiques.
A Washington mardi dernier, par exemple, il a déclaré sans preuves que « Al-Qaida avait une nouvelle base : la République islamique d'Iran ».
Lui qui n’est pas privé de tweets a inondé le réseau de messages du genre : « ils [l'Iran et al-Qaida] sont des partenaires du terrorisme, des partenaires de la haine… Cet axe constitue une grave menace pour la sécurité des nations et pour la patrie américaine ».
Autrement dit, il reprend à son compte le vieux principe de Bush, un axe du mal remis à jour, en déclarant : « Nous sous-estimons ce lien Iran-al-Qaida à nos risques et périls. Nous devons y faire face et nous devons le vaincre ».
Les électeurs sionistes chrétiens de Mike Pence et les chrétiens évangéliques dont il est fier d’être membre comme l’était Bolton, tous ces « fous de dieu » recherchent désormais un porte-drapeau républicain moins toxique que le précédent.
Et il ne fait pas dans le détail. Pendant que le rideau tombe, il a réussi à transformer les Houthis affamés du Yémen en « terroristes soutenus par Téhéran » en se contrefichant des conséquences de ses propos, et il a remis Cuba sur la liste noire américaine des indésirables la semaine dernière, ce que les dirigeants cubains considèrent comme de « l'opportunisme politique » pour faire obstacle à l'amélioration des relations sous l’administration Biden.
La Chine, le nouvel « empire du mal », figure également en bonne place parmi les démons : elle est menacée de sanctions pour avoir lancé le « virus de Wuhan ». Pompéo a de nouveau provoqué sans raisons Pékin la semaine dernière en renforçant les contacts avec Taiwan, faisant voler en éclats en quelques heures l’équilibre diplomatique délicat établi laborieusement au fil des années.
Cette blitzkrieg diplomatique de dernière minute ne lie pas fatalement les mains de Biden mais, associée aux erreurs politiques du passé, elle rend l'élaboration de politiques apaisées plus difficile.
Le dernier grand effort de Pompeo pour persuader l'Arabie saoudite de se joindre aux États du Golfe et conclure des « accords de paix » avec Israël a échoué. Il va quitter ses fonctions en laissant le Moyen-Orient dans un plus grand désarroi que lors de son arrivée, en Palestine, en Syrie, au Liban, en Irak, en Libye ou même au Sahara occidental (qui ne se situe pas au Moyen-Orient mais pâtit du ralliement récent du Maroc à la bannière USA-Israël). Pourtant, toute honte bue, Pompeo présente cette série de catastrophes et d’échecs comme autant de succès.
S'il réussit, Pompeo sera le prochain Trump, en pire. Une perspective pas vraiment réjouissante.
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