Portraits troublants : Philippe PUJOL, journaliste « de proximité », lauréat du plus prestigieux prix de journalisme en France !
La majorité des journaliste travaillant pour la majorité de journaux et de chaines TV ne survivant que grâce à des subventions d'état ou à la vente d'espaces publicitaires aux multinationales (2 formes caractérisées de corruption amenant à la censure), sont catalogués sous le terme générique de "Chiens de garde".
Ce terme est apparu suite à la sortie d'un excellent film en 2012, dont vous aurez du mal à entendre parler... Il nous explique le fonctionnement de la presse française et de ces journalistes "chiens de garde", dressés par la finance à n'aborder que les sujets les plus anodins, et à s'autocensurer quant aux articles relayant les informations des "lanceurs d'alertes", se gavant généralement aux réunions dites "du Siècle", dont Yves CALVI est un des plus méprisables représentants :
- Les Nouveaux Chiens de garde
- Réalisation : Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, d'après la nouvelle "Les Nouveaux Chiens de garde" de Serge Halimi
- Scénario : Serge Halimi, Pierre Rimbert, Renaud Lambert, Gilles Balbastre, Yannick Kergoat
Revenons à notre ami Philippe PUJOL :
Philippe PUJOL vient de se voir attribuer le prix Albert Londres 2014 : une grosse claque aux "chiens de garde" à la botte du pouvoir !
Mais qui est donc ce lauréat inconnu du grand-public, pour avoir reçu un prix aussi prestigieux ?
Voici de quelle manière il se présente :
" A l'annonce de ce prix, j’ai trouvé ça totalement surréaliste ! Le fait de n'être qu'un localier (journaliste de proximité), de ne pas être "un grand reporter" , de n'être que rédacteur, deuxième échelon ne me conféraient que très peu de chances de remporter ce prix. Mais si j’ai postulé, c’est bien que je considérait que mon travail n’était pas inintéressant, que c’était convenablement écrit. J’ai donc tenté le coup.
Si on y réfléchit bien, dans la presse aujourd’hui, ce sont les localiers qui sont le plus souvent sur le terrain, ce sont ceux qui font le plus de reportage, ceux qui rapportent l’info. Cette même info qui va servir ensuite aux médias nationaux, internationaux, puis à Google Actu, le requin au sommet de la chaîne ! Nous sommes le plancton. Mais sans les localiers, il n’y a plus d’info. Nous sommes une espèce de « grands reporters », sans le statut. On a une connaissance approfondie de notre territoire, et un regard. C’est en cohérence avec Albert Londres qui descendait dans la rue et racontait la vie.
Je n’ai pas la passion du fait divers. Ce qui m’intéresse, c’est : « pourquoi le fait divers ? » Mais pendant 8 ou 9 ans, je suis allé à la chasse aux infos, j’ai couvert les violences, les arrachages, les escroqueries. J’ai fait du pur fait divers. Mais avec une écriture différente. Et en essayant de mettre du sens… quand il y en a un.
J’ai beaucoup de mal à parler de mon style d'écriture, car je ne fais pas d’effort pour écrire comme ça. J’écris mes papiers très vite et je les retouche très peu. Mes figures de style sont celles qu’on fait à l’oral. J’essaie de transformer une oralité en un écrit un peu complexe. Surtout, j’essaie de dédramatiser le dramatique. Pour moi, c’est une façon de rester proche de la réalité. Cette légèreté, beaucoup de journalistes estiment que ça ne fait pas sérieux. En même temps, depuis que j’ai reçu le prix, certains me parlent de mon style en le comparant à Céline ou à Truman Capote ! Comme si tu disais à un petit footballeur qui joue à Consolat ou à la Castellane qu’il a le même style que Zidane !
Je dois ce prix à la « saison 2 » d’une série publiée à l’été 2012, "French Déconnection, au cœur des trafics". Je racontais les trafics de stups en allant un peu plus loin que les guetteurs… J’avais pris pas mal de risques à l’époque - ce que je ne ferais plus -, en pénétrant dans les caves d’une cité marseillaise, pour décrire comment ça se passait là-dedans, raconter comment les dealers étaient organisés. D’ailleurs c’était chaud, il y a eu de grosses tensions.
Dans la première série, je m’intéressais aux modes de fonctionnement des dealers, dans "Quartiers Shit", j'ai raconté les conséquences de leur trafic dans leurs relations avec les habitants des cités. Il est très important de comprendre qu’il n’y a pas les méchants d’un côté et les gentils de l’autre. Il y a une imbrication. Tu peux avoir des gens qui sont allés très loin dans la violence, et qui ont un cousin, un frère ou un ami « normal ». Ils vont s’entraider. Parce que c’est comme ça, c’est la famille.
"Quartiers Shit", ça raconte aussi comment les hommes politiques marseillais de tous bords exploitent cette misère, le fameux clientélisme… Pourquoi ne sortons-nous pas de cette situation ? Parce qu’elle profite à trop de monde. Les associations travaillent réellement sur les jeunes et leur réinsertion, mais celles-ci ont aussi, pour survivre, un fonctionnement clientéliste. Les dernières élections municipales à Marseille ont démontré la victoire d'un système.
J'ai discuté un jour avec 3 trois gosses sur un banc… Ils avaient l’air complètement couillons, mais lorsque j'ai discuté avec eux, j'ai bien senti bien qu’ils étaient tout à fait conscients de leur situation, et ils en parlent très bien, avec leurs mots. Comme le formule l’un d’entre eux :
« On dit qu’on ne peut pas entrer dans nos quartiers, moi je dis qu’on ne peut pas en sortir. »
C’est limpide. Ils sont coincés. Regardez les emplois qu’on leur offre, des jobs de médiateur. Pour qu’ils restent où ils sont. L’enfermement est à la fois physique – les transports, la configuration d’une cité –, et moral, avec l’absence de confiance dans la société, dans l’avenir, dans les autorités, dans la politique… Les plus vulnérables sont récupérés par les réseaux de stups, par l’Islam… Mais contrairement à ce qu’on dit, ces jeunes font tout pour s’intégrer. Pour eux, la délinquance est un mode d’intégration". (fin de retranscription d'un interview de Philippe PUJOL)
Ses points de vues sont indémontables : Philippe PUJOL ne se contente pas de relater les faits divers, il en analyse les causes, et a transformé son travail à priori très ennuyeux, en une analyse sociologique et psychologique des quartiers défavorisés de Marseille (pour être politiquement correct) très pointue, ou on ne fait plus que "voir" ces banlieues-prison : il nous donne l'horrible sensation d'y être enterrés vivants avec les jeunes qui y ont grandi.
UN GRAND BRAVO A PHILIPPE, DONC, AINSI QU'AU JURY DU PRIX ALBERT LONDRES, QUI ONT OSE METTRE UNE GRANDE CLAQUE AUX ILLUSTRISSIMES "CHIENS DE GARDE".
Gilles SONDEREGGER
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