Postures et imposture... à quand la rupture ?
La posture est une maladie française
endémique. Sur la scène du théâtre de la démocratie hexagonale, chacun a pris
l’habitude de camper son rôle avec fougue et éloquence ; arc-bouté sur sa
posture, chacun s’ingénie à faire porter le chapeau à l’Autre, en déplorant son
« immobilisme » et sa position « idéologique », préférant le cloisonnement à
l’échange, la polémique au débat.
Tout est grand dans la posture : grands
concepts, grands mots, grands personnages ; des « droits de l’homme » par ci,
des « Lumières » par là, et que je te mets du « 1789 » ou de « la grandeur de
la France » dans la face, sans oublier évidemment de faire référence aux grands
hommes (...la patrie reconnaissante !).
La Posture, majestueuse et grandiloquente,
rechigne à s’abaisser au niveau des citoyens pour discuter du fond et du
concret. Et quand elle le fait, elle parle moins des idées que des personnes
qui les portent, les débats se réduisant alors à des querelles d’ego et de
quéquettes (« qui a la plus grosse ? »).
La confrontation des postures, mélange
explosif d’incompréhension, de parano et de dénigrement réciproques, finit
ainsi souvent en queue de poisson... au grand dam des Français !
*
Une posture classique et très actuelle est
celle qui veut opposer secteur privé au secteur public, marché à État. Elle
affirme, plus ou moins explicitement, que ce qui est public est archaïque,
inefficient et donc à réduire, alors que ce qui est privé est moderne, efficace
et donc à développer.
Les difficultés récurrentes des derniers
gouvernements français avec le mouvement des chercheurs mettent bien en lumière
le caractère artificiel et stérile de cette posture.
Cette dernière se heurte en effet dans ce
domaine de la recherche à une contradiction profonde : d’un côté, on voudrait,
dans un souci d’économie, réduire le coût des chercheurs du secteur public dont
beaucoup sont fonctionnaires et dont l’utilité économique ne se mesure souvent
qu’à moyen et long terme, voire plus ; de l’autre, la recherche étant « le
fondement de la compétitivité et de la croissance de demain » (Amen !), il
faudrait augmenter massivement ses moyens, notamment ceux de la recherche
publique fondamentale, celle qui n’est pas rentable à court terme mais qui peut
aboutir à des ruptures technologiques importantes (« ceux qui ont découvert
l’électricité ne cherchaient pas à améliorer la bougie »), les seules qui
permettront demain de se différencier et d’exister face à des puissances
industrielles et technologiques montantes comme la Chine et l’Inde...
D’une certaine manière, les chercheurs ont
été pour ces gouvernements à la fois leur meilleur allié objectif (source de
croissance) et leur pire ennemi subjectif (salauds de fonctionnaires !). Pas
étonnant que les décideurs publics aient été effectivement bien emmerdés et
n’aient pas su comment s’y prendre : un gros coup de bâton, un petit coup de
carotte ; un petit coup de bâton, un gros coup de carotte... Au final, la France
est infoutue de mettre en place une politique de développement de la recherche
à la hauteur des enjeux.
Paradoxalement, les États-Unis - soi-disant
« patrie du libéralisme » - sont sur ce sujet beaucoup moins dans la posture :
ils ont depuis longtemps compris le rôle stratégique de la recherche et y
investissent massivement de l’argent public.
*
Une autre posture bien répandue consiste à
opposer croissance économique et redistribution sociale (l’ensemble des aides
et prestations sociales financées par des impôts ou des cotisations).
Il est de bon aloi à présent de considérer
que ce qui est bon pour le social est forcément mauvais pour la croissance,
voire même l’inverse : ce qui est mauvais pour le social est potentiellement
bon pour la croissance ! Amis masochistes, welcome !
Dit plus crûment : s’il n’y a pas assez de
croissance et d’emplois, c’est de la faute des personnes fragiles, en
difficulté, âgées, dépendantes, etc. et du coût de leur « assistance »... Il
faudrait ainsi fortement alléger le « fardeau » des dépenses sociales pour le
bien de la croissance qui, comme chacun sait, amène la paix et la félicité
partout où elle passe... (Amen !)
Cette opposition entre croissance et
redistribution est plus idéologique que raisonnée. Pas besoin d’être économiste
pour s’en rendre compte, de simples constats suffisent.
D’abord, une redistribution limitée n’est
une condition ni nécessaire, ni suffisante de la performance économique. Ainsi,
les dépenses sociales publiques deux fois plus élevées au Danemark et en Suède
qu’aux USA1 n’empêchent aucunement ces pays scandinaves d’avoir des
taux de chômage et de croissance n’ayant rien à envier à ceux des américains.
De plus, la réduction des dépenses sociales
est loin de garantir la stimulation de l’économie : l’Allemagne en sait quelque
chose, elle qui pendant l’ère Schröder a mis en œuvre des réformes draconiennes
de ce type, sans pour autant renouer alors avec la croissance ou l’emploi.
Il semblerait en outre que cela soit moins
le caractère « social » que « public » (et donc mutualisé) de ces dépenses qui
suscite leur stigmatisation. Sinon, pourquoi parle-t-on si peu des dépenses
sociales privées ?
Tout se passe comme si une dépense publique
était par essence suspecte, au contraire des dépenses privées, forcément
justifiées, quelle que soit leur nature ! On va reprocher aux gens de trop
consommer de médocs s’ils sont remboursés par la Sécu, mais motus et bouche
cousue quand ils les paient de leur poche...
Pourtant, fait peu connu et néanmoins
remarquable, la somme des dépenses sociales publiques et privées nettes est du
même ordre - autour d’un quart du PIB - pour de nombreux pays de l’OCDE aux
politiques pourtant très différentes (Royaume-Uni, USA, Australie, Canada,
Belgique, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Italie,...)2.
Ce qui signifie que les besoins sociaux
sont similaires d’un pays à l’autre (c’est rassurant !) mais que c’est la
manière d’y répondre qui varie. Ce qui signifie aussi et surtout que comparer
uniquement le niveau des dépenses sociales publiques brutes, en faisant
abstraction à la fois de celui des dépenses sociales privées et de l’impact du
système de fiscalité, n’a que peu de sens (c’est pourtant l’approche qui domine
!)... D’autant plus que les dépenses privées tendent à croître au détriment des
dépenses publiques, perçues comme ringardes, déresponsabilisantes et inefficaces...
(à tort d’ailleurs3).
Si la croissance est à n’en pas douter très
utile pour financer les dépenses sociales (pour pouvoir distribuer des
richesses économiques, il faut déjà les créer !), ces dernières sont aussi un
moteur à part entière du développement économique : en améliorant la santé, la
formation et le bien-être de la population active ; en créant des emplois pour
répondre aux besoins sociaux ; en soutenant la demande par l’augmentation du
pouvoir d’achat des (nombreux...) ménages modestes.
*
Croissance et redistribution ne sont donc
pas antinomiques mais complémentaires. Cette complémentarité se retrouve aussi
dans les objectifs qu’elles poursuivent. La finalité de la croissance est
économique alors que celle de la redistribution est sociale et politique, liée
à un choix de société où égalité et solidarité ne sont pas des mots creux, un
choix de société où, en fin de compte, on vit mieux ensemble.
Car quel que soit le taux de croissance, il
n’y a pas de réduction durable des inégalités socio-économiques et de lutte
efficace contre la pauvreté sans redistribution (pour peu bien sûr qu’elle soit
menée efficacement, ce qui en France n’est pas vraiment le cas).
Le « rapport Hirsch » La nouvelle
équation sociale ne dit pas autre chose : « Il n’y a aucun pays de
l’Union européenne qui ait pu réduire la pauvreté avec un niveau de dépenses
sociales faible4. » Même écho dans le rapport Unicef La
pauvreté des enfants dans les pays riches 2005 : « Aucun pays de l’OCDE
consacrant 10 % ou plus du PIB aux dépenses sociales n’a un taux de pauvreté
des enfants supérieur à 10 %. Et aucun pays consacrant moins de 5 % du PIB à de
telles dépenses n’a un taux inférieur à 15 %5. » Implacable.
Ce constat peut aussi être illustré par la
comparaison entre États-Unis et pays scandinaves, les premiers dépensant deux
fois moins (en % du PIB) d’argent public pour le « social » que les seconds.
Ainsi, aux USA, les 10 % les plus riches ont des revenus plus de seize fois
supérieur aux 10 % les plus pauvres, soit un ratio trois fois plus élevé qu’au
sein des pays scandinaves6.
Même observation sur le niveau de pauvreté
: au classement de l’indice de pauvreté humaine et salariale « IPH-2 » du PNUD
(Programme des Nations Unies pour le Développement), indice qui mesure
spécifiquement le niveau de pauvreté dans les pays riches, les pays scandinaves
sont premiers (ils ont l’indice le plus bas) et les États-Unis bons derniers7...
Idem avec la pauvreté des enfants : dans le classement établi par l’Unicef pour
les pays riches, les pays scandinaves ont le taux le plus bas tandis que les
USA sont avant-derniers (avant le Mexique) avec un taux cinq à dix fois
supérieur8, cet écart s’expliquant notamment par le différentiel de
dépenses sociales publiques.
*
Bon, j’arrête là le massacre, j’en entends
déjà maugréer que je caricature, que je retiens volontairement les chiffres les
plus négatifs ou que je me lance dans une sempiternelle rengaine
anti-américaine...
Dieu sait pourtant que j’aurais pu
continuer encore longtemps tant il me reste de chiffres dans ma besace (sur le
niveau de santé, la qualité de l’emploi, l’égalité hommes-femmes, le niveau
d’endettement, le taux d’incarcération, le taux de pollution,...).
Des chiffres qui témoignent d’une part, du
décalage objectif entre la réussite économique des USA et sa réalité sociale9
et d’autre part, de la possibilité de vivre bien mieux dans d’autres pays sans
sacrifier pour autant la performance économique.
Pour autant, loin de moi l’envie de piquer
une crise d’anti-américanisme primaire : les USA sont une grande Nation, a
Nation of joiners, personne de sensé ou de bonne foi ne peut le nier. Ce
qui me turlupine, c’est plus notre position vis-à-vis d’eux : depuis grosso
modo l’effondrement de l’URSS et la chute du Mur de Berlin, les États-Unis
apparaissent comme le must, The modèle de référence à copier ou même à... copier-coller
! À l’inverse des Français et plus généralement des Européens continentaux,
spécialistes de l’autodénigrement et de l’autoflagellation, les USA sont très
bons pour vendre leur modèle (pour le « marketer » diraient les professionnels
du télé-achat)10.
Mais si ce modèle américain se caractérise
par une forte efficacité économique, il s’accompagne aussi d’une toute aussi
forte « inefficacité sociale »... si je peux oser ce barbarisme ! Accroître
activement son PIB ne suffit pas à faire société (même si cela peut bien sûr y
aider) : à quoi ça sert d’avoir une économie qui marche du tonnerre, si à côté
on n’est même pas foutu de bien vivre ensemble ? Si l’exclusion, la pauvreté et
les inégalités perdurent et même progressent ? Le modèle américain n’est donc
pas la panacée, l’apothéose de modernité, l’horizon unique et indépassable vers
lequel tous les pays devraient tendre.
Pour paraphraser la célèbre formule
thatchérienne : there are alternatives11 ! Comme par exemple celles (ce ne sont pas les
seules) des pays scandinaves qui savent combiner performance économique et
bien-être social, grâce notamment à une redistribution importante.
La France, elle, réussit l’exploit peu
glorieux d’allier un haut niveau de dépenses sociales publiques, un chômage
élevé et des inégalités persistantes. Beaucoup en concluent que le remède
consiste évidemment à réduire les dépenses sociales qui seraient la
source de tous nos problèmes. Pourtant, à la lumière de ce qui précède, il ne
semble pas que cela soit la redistribution en tant que telle qui soit en cause
: elle est indispensable pour assurer la « cohésion sociale » et pour éviter de
sombrer dans une société du chacun pour soi où comme l’a dit Luis Rego dans un
sketch fameux, « nous serions tous unis les uns contre les autres » ;
elle n’est pas « l’ennemi » de la croissance, elle permet même de la soutenir
et de la nourrir.
Ce qui devrait faire question en France,
c’est plutôt l’efficacité de la redistribution, c’est-à-dire ses modalités et
ses mécanismes de fonctionnement qui eux pourraient être grandement améliorés.
Mais la « posturemania » rend difficile une
telle démarche : en France, on est soit « pour » soit « contre » les dépenses
sociales publiques, mais posture oblige, on ne discute que rarement du «
comment »...
*
Cette omniprésence de la posture est pour
le moins paradoxale : alors que jamais autant d’analyses n’ont été produites et
accessibles à qui le veut, les débats politiques et médiatiques demeurent
souvent simplistes.
Tu es pour Bush : tu es impérialiste ; tu
es contre : tu es anti-américain. Tu es pour le traité constitutionnel européen
: tu es ultralibéral ; tu es contre : tu es anti-européen. Tu es pour l’entrée
de la Turquie dans l’Union européenne : tu soutiens les islamistes ; tu es
contre : tu es xénophobe. Tu es pour l’OMC : tu es un suppôt des
multinationales ; tu es contre : tu es un obscurantiste bolchevik, etc. On
étouffe là-dedans ! Le doute, la nuance et la complexité ne sont pas de mise.
Toute pensée politique doit pouvoir être exprimée en moins de trente secondes
ou de trois phrases, spectacle médiatique oblige !
Dans ce contexte, le « débat » se réduit
alors fréquemment à des questions fermées de type « pour » ou « contre ». Cette
dérive est accentuée par le rôle prépondérant des sondages qui instaurent une
sorte d’état de référendum permanent.
Tout cela est d’autant plus foireux que la
prise de position « pour ou contre » se fait souvent sur des concepts
fourre-tout aux contours approximatifs : pour ou contre la mondialisation, pour
ou contre le capitalisme, pour ou contre la croissance, pour ou contre le
travail, pour ou contre les services publics, pour ou contre le « modèle social
français », pour ou contre la discrimination positive, etc.
Ces termes génériques sont en effet des
contenants élastiques, à géométrie variable, où chacun y met un peu ce qu’il
veut, en fonction de ses connaissances, de son expérience et de la mode du
moment, rendant improbable l’hypothèse d’échanges sérieux et constructifs.
Mais peut-être que si l’habitude a été
prise de s’étriper sur les « contenants », c’est justement pour éviter d’avoir
à débattre des contenus, c’est-à-dire du fond, du réel. Ce qui conduit aussi
parfois à un grand décalage entre le contenu objectif d’un terme et son
utilisation concrète.
Marx a dit ironiquement (à la fin de sa
vie) qu’il n’était pas « marxiste », pour souligner, de manière assez
prophétique, le décalage entre sa pensée et l’usage qui pouvait en être fait...
Autre exemple avec le mot « communisme ».
Ainsi, la Suède est incontestablement l’un des pays les plus avancés dans la
mise en œuvre des idéaux communistes (« de chacun selon ses moyens, à chacun
selon ses besoins ») alors que le courant politique « communiste » y a
toujours été marginal12. A contrario, en Chine, pourtant gouvernée
par le « Parti Communiste », non seulement on pratique un capitalisme d’État
féroce, mais en plus, la redistribution est très limitée. De quoi perdre son
latin... Par ailleurs, quand l’affrontement ne met pas en jeu des concepts flous
et pompeux, il porte souvent sur des questions qui prennent les problèmes par
le petit bout de la lorgnette : « pour ou contre le voile à l’école » en est,
sans mauvais jeu de mot, un cas d’école13...
*
Cette maladie de la posture cache en fait
une grande... imposture qui est du reste un secret de Polichinelle. Il s’agit de
la quasi-absence de représentativité et de légitimité de ceux qui sont supposés
défendre nos intérêts et agir pour notre bien, à nous les grouillots de base.
La posture veut cacher l’imposture comme
une fille qui aurait honte de sa mère : n’étant pas légitimement porteur de la
voix des citoyens, la tentation est grande, dans une sorte de fuite en avant,
de compenser ce manque par de la gesticulation, de la démagogie et de la
surenchère - en un mot, par de la posture.
Si ce décrochage entre représentants et
représentés n’est pas nouveau (et régulièrement remis au goût du jour pour être
mieux oublié ensuite...), il s’est cependant notablement renforcé ces 25
dernières années. Le nombre d’adhérents dans les grands partis politiques a
ainsi été divisé par deux en 25 ans14. Aucun parti en France ne
dépasse plus les 350 000 adhérents. De même, le taux de syndicalisation est
tombé à environ 8 % (5 % dans le privé !), soit deux fois moins qu’il y a 25
ans15. Alors que la CGT comptait en 1945 près de 5 millions de
membres, soit pratiquement un salarié sur deux16, aucun effectif
syndicat n’excède plus de nos jours le million d’adhérents. Autre symptôme de
cette crise de la représentativité : la trop forte homogénéité socio-culturelle
des « professionnels de la profession » politique qui sont majoritairement des
hommes, « blancs », de plus de 50 ans, fonctionnaires ou professions libérales17...
Un bon contre-exemple de la France est
donné par la Suède qui est en quelque sorte le pays de l’anti-posture (qu’il
ne faut évidemment pas pour autant idéaliser). D’après Stéphane Boujnah, auteur
d’une étude remarquée sur le modèle suédois, il existe dans ce pays « un
sentiment généralisé selon lequel la décision publique est l’aboutissement d’un
processus rationnel. La méfiance des Suédois pour le romantisme politique ou
pour les idéologies lyriques a pour corollaire une obsession de la rationalité.
On mesure le problème, on analyse les options, on pèse les alternatives, on
consulte tout le monde, on atténue l’effet prévisible de la décision sur les
minoritaires et l’on met immédiatement en œuvre sans revenir en arrière. Telle
est la perception du processus de décision politique pour un très grand nombre
de Suédois18. »
Le principal parti de gouvernement suédois,
le parti social-démocrate, est puissant (ramené à la population française, il
correspondrait à un parti socialiste d’un million d’adhérents...), tout comme LO,
le syndicat le plus important (un syndicat français équivalent en taille
compterait 13 millions d’adhérents...). De plus, le Parlement suédois (le
Riksdag) a une composition bien plus représentative de la population que
l’Assemblée nationale française, que ce soit en termes de sexe, d’âge,
d’origine ethnique, géographique ou professionnelle.
Est-ce alors un hasard si la Suède,
confrontée à de graves problèmes de chômage et de déficit public au début des
années 90, a réussi, en une décennie, à surmonter ses difficultés sans remettre
en cause son principe fondamental de redistribution ?
Probablement pas. On conviendra en effet
aisément que plus les partenaires en charge de discuter, de négocier et
d’appliquer les réformes sont représentatifs, crédibles et inspirent confiance,
plus les solutions retenues auront la chance d’être efficaces, conformes à
l’intérêt général et soutenues par une majorité de la population.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on
en est encore loin en France où comme le pointe avec humour Göran Persson,
ancien Premier ministre suédois emblématique, « on fait plus facilement la
révolution qu’on ne réforme19 ».
La France gagnerait ainsi à apprendre de la
Suède ; moins de ses réformes (s’inspirer de ce qui marche à l’étranger peut être
utile, mais face à ses défis, chaque pays se doit d’inventer des solutions
spécifiques à sa tradition, son histoire et sa culture) que de la façon dont
elles sont réfléchies, construites et mises en œuvre - bref de son discours
de la méthode20.
*
Le résultat du référendum du 29 mai 2005 et
l’explosion des banlieues quelques mois plus tard ont remis (temporairement ?)
sous les feux des projecteurs l’ampleur du « fossé entre peuple et élites » et
l’imposture des « professionnels de la responsabilité » sur le plan de la
représentativité et de la légitimité.
Tels des dommages collatéraux, la nécessité
et la volonté de rupture ont alors fleuri dans tous les discours politiques,
aussi bien à droite qu’à gauche ou au centre.
L’avenir nous dira si cette promesse de
rupture sera tenue ou si elle n’était en fait qu’une énième... posture !
Amazir Zali
_______________
1 Les
dépenses sociales publiques représentent 14,8% du PIB aux USA contre 29,2% au
Danemark et 28,9% en Suède. Source : OCDE, Panorama de la société. Les
indicateurs sociaux de l’OCDE, 2005.
2 OCDE, Panorama
de la société, Les indicateurs sociaux de l’OCDE, 2005.
3 Exemple :
pour l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), le système de santé français,
(encore) essentiellement public, est globalement le plus performant du monde ;
le système des USA, majoritairement privé, est lui classé 37ème. Et
en plus d’être plus efficace que celui des américains, le système français est
également moins coûteux : moins de 10 % du PIB en France contre 14 % aux USA.
Source : OMS, Rapport sur
4 Rapport
Hirsch, Au possible nous sommes tenus, la nouvelle équation sociale, 15
résolutions pour combattre la pauvreté des enfants, avril 2005. Rapport
disponible sur http://www.ladocfrancaise.gouv.fr.
5 À
l’exception du Japon où les transferts sont en pratique probablement
considérablement plus élevés du fait que l’aide sociale est dans certains cas
fournie par les employeurs. Source : Unicef, Rapport sur la pauvreté des
enfants 2005. Rapport disponible sur http://unicef.fr.
6 Rapport
de 5,4 en Suède, 5,7 au Danemark, 5,3 en Norvège, 5,1 en Finlande.
Source : Jean Gadrey, Socio-économie des services,
7 L’IPH-2
mesure la pauvreté dans les pays riches de manière plus spécifique, plus
exhaustive, plus complexe (et donc plus proche de la réalité) qu’un simple
indicateur de « pauvreté monétaire ». Voir Rapport mondial pour le
développement 2004, PNUD. Rapport disponible sur http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/.
8 Danemark
2,4 %, Finlande 2,8 %, Norvège 3,4 %, Suède 4,2 %, États-Unis 21,9 %. Source :
Unicef, Rapport sur la pauvreté des enfants 2005, op. cit.
9 Sur le
sujet de la « dérive » du modèle américain, voir (entre autres) Paul Krugman, L’Amérique
dérape, Flammarion, 2004 et Emmanuel Todd, Après l’Empire : essai sur la
décomposition du système américain, Gallimard, 2002.
10 Sur ce
sujet (optimisme américain, pessimisme voire masochisme européen et réalité de
la situation), voir Jeremy Rifkin, Le rêve européen, Fayard, 2005.
11 Voir
Bruno Amable, Les cinq capitalismes, diversité des systèmes économiques et
sociaux dans la mondialisation, Seuil, 2005. Dans ce livre, l’auteur met en
évidence cinq types de capitalisme : libéral de marché (Australie, Canada,
Royaume-Uni, USA) ; asiatique (Corée du Sud, Japon) ; européen continental
(Allemagne, Autriche, Belgique, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Suisse) ;
social-démocrate (Danemark, Finlande, Suède) ; méditerranéen (Espagne, Italie,
Grèce, Portugal). Chacun de ces modèles a en fait sa légitimité, son histoire
et sa propre cohérence, ses avantages et ses inconvénients. Ainsi, il n’existe
pas un modèle unique de capitalisme (en l’occurrence le modèle libéral) qui
serait « meilleur » que les autres et vers lequel devraient tendre tous les
pays capitalistes. En particulier, le modèle social-démocrate, qui peut être
aussi performant économiquement que socialement, représente une réelle
alternative pour
12 «
Aucune société n’est probablement allée aussi loin dans le collectivisme
librement consenti. En Suède, point de révolte des smicards contre les Rmistes.
L’immense majorité de la population ne conteste pas le niveau élevé des
prélèvements obligatoires, ni le niveau élevé des transferts sociaux, car
chacun se perçoit comme un bénéficiaire en puissance du système. » Extrait
de Stéphane Boujnah, L’inoxydable modèle suédois, du modèle de société au
modèle de gouvernement, 2002. Étude disponible sur http://www.entempsreel.org.
13 En
effet, la question du voile à l’école n’est qu’une des multiples facettes d’un
sujet plus global, celui de la place des Français « issus de l’immigration »
dans la société hexagonale. Or, ce sujet ne peut être traité de manière
parcellaire, et surtout pas à travers le seul prisme du foulard, prisme aussi
médiatique que réducteur
14 Le
nombre de militants dans les grand partis politiques est passé de 900 000 en
1980 à environ 450 000 aujourd’hui (1% des électeurs). Chiffres
officiels cités par Enjeux/Les Échos, Juillet-Août 2005.
15 Dares, Mythes
et réalités de la syndicalisation en France, octobre 2004.
16
Dominique Andolfatto et Dominique Labbé,
17 Une
analyse sociologique de l’Assemblée issue des législatives de 2002 donne des
éléments de réponse cinglants : 1,6 % seulement d’employés et d’ouvriers (57 %
des actifs), 36 % de fonctionnaires (14 % des actifs), 20,5 % de professions
libérales (2 % des actifs) dont presque 7 % d’avocats (0,15 % des actifs), 12,3
% de femmes, 75 % de plus de 50 ans, moins de 6 % de moins de 40 ans et aucun
député d’origine africaine... Bref, une photographie très fidèle de la société
française... d’en haut ! Source : Nicole Catzaras et Mariette Sineau,
« Douzième législature : quel renouvellement du personnel
parlementaire ? », Le Bulletin Quotidien, n°7371, 07/02 (étude
citée par le mensuel Alternatives Économiques, avril 2005).
18 Stéphane
Boujnah, L’inoxydable modèle suédois, op. cit.
19 Cité
dans Magnus Falkehed, Le modèle suédois, Petite Bibliothèque Payot,
2005.
20 D’aucuns
diront qu’on ne peut comparer un « grand pays » comme
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