Pour aller tout droit, prenez à gauche
Reconstruction. Voilà le dernier leitmotiv des battus. Reconstruire la politique, le mouvement et la démocratie. Bâtir une alternative. Créer un nouvel espace au centre et à gauche capable de proposer une offre politique claire, cohérente, crédible, moderne, débarrassée des vieilles lunes gauchistes.
Quelles sont les leçons des élections présidentielles dans ce contexte ?
La première n’est pas nouvelle mais devient désormais une évidence : le PS n’est pas un Phénix, il ne renaîtra pas de ses cendres. Son "logiciel", comme dit Kouchner, est détraqué, passé de mode, incompatible avec le monde réel. Ecartelé entre les tenants archaïques d’une gauche pure et dure (que ce soit par conviction comme Emmanuelli ou par les détours d’une tactique discutable comme Laurent Fabius) et les nouveaux sociaux-démocrates qui n’ont enfin plus honte de dire qui ils sont, le PS se meurt, s’enfonce, disparait. Dirigé depuis dix ans par un homme inconsistant, sans autre vision que celle des manoeuvres d’appareils, ce parti ne sera pas le coeur du renouveau. Même les jeunes trentenaires y sont pervertis par des années de combinaisons et de courants destructeurs.
Il y a cependant au sein du PS des acteurs incontournables dans ce paysage. Au moins deux. Ségolène Royal et DSK. La bagarre entre ces deux-là va être dure. Ségolène avance avec la légitimité relative des 47% de Français réunis au second tour, DSK lui oppose le côté précurseur, avant-gardiste de sa social-démocratie. Celle qui a su prendre, bien que maladroitement, le virage de l’ouverture au centre entre les deux tours face à celui qui avait raison avant les autres.
La seconde leçon est la victoire de la bipolarisation. "Ni droite ni gauche" n’est pas un discours tenable. Je le dis d’autant plus facilement que, si j’ai voté Bayrou au premier tour, j’ai toujours pensé que le centre était une aventure qui menait à autre chose. Je l’ai écrit dès le mois de février :
"Et si ce fameux parti démocrate dont parle Bayrou n’était pas ce ramasse-tout centriste que beaucoup craignent ? Si son ambition était tout simplement de créer le véritable parti d’alternance aux conservateurs, comme c’est le cas aujourd’hui chez presque tous nos voisins ? Si l’aventure de Bayrou n’avait d’autres objectifs que de changer d’époque, de créer un autre pluralisme, plus serein, plus calme, moins arc-bouté sur des idéologies dépassées ? Si cette campagne présidentielle était enfin l’occasion de mettre au rencart un Parti socialiste dépassé par les événements, incapable de se réinventer, figé sur des postures d’un autre temps ? Si Bayrou réussissait finalement ce qu’aucun dirigeant de la gauche de gouvernement n’a réussi à faire, depuis l’échec de la deuxième gauche jusqu’à la bérézina de Jospin et la défaite de DSK : réformer, moderniser, abandonner les chimères anticapitalistes de la vieille garde et de ses rejetons, affronter le monde tel qu’il est, cesser de se mentir à soi-même et aux électeurs ?"
Je n’ai pas changé d’avis. L’avenir du Mouvement démocrate, purifié de ses éléments les plus à droite, est dans une opposition claire à la droite conservatrice. Cela implique d’abandonner les figures imposées de la présidentielle. Abandonner l’extrême centrisme. Ne pas rejouer cet entre-deux-tours désastreux où Bayrou était enfermé dans sa propre nasse : incapable de soutenir qui que ce soit, réduit à souligner les dangers des deux projets en lice, forcé de paraître pour ne pas disparaître.
Personne n’est dupe. Pour exister, pour avoir des élus dans la future Assemblée, le MoDem doit lui aussi trouver la bonne fréquence. Une véritable alliance, non pas avec le PS d’aujourd’hui, mais avec ceux qui veulent faire du PS un véritable mouvement social-démocrate, est la seule voie possible. Il faut le dire. Maintenant. Bien avant le premier tour des législatives.
Que le PS se rénove (je n’y crois pas), qu’il explose en deux morceaux (un parti social-démocrate et un parti socialo-communiste) ou que les forces modernes du PS rejoignent un Mouvement démocrate qui ne serait plus seulement l’écurie présidentielle de François Bayrou, peu importe. Mais il faut que l’objectif soit clair : créer une force du centre et de la gauche moderne. C’est possible. Mais, comme à droite avec Sarkozy, comme dans les autres démocraties européennes avec Blair ou Zapatero, comme dans le passé à Epinay avec Mitterrand, il faudra sans doute qu’un homme ou une femme s’impose, prenne le leadership sans conteste de cette nouvelle stratégie. Il faudra que cette aventure s’incarne. Bayrou ? DSK ? Royal ? Les candidats ne manquent pas. En auront-ils la force, l’audace, la chance ?
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