Pour Emmanuel Macron, c’est cap vers une politique nataliste et « Calmer » les agriculteurs
Alors que de façon aussi surprenante qu’inutile, Emmanuel Macron a décidé d’engager la France vers une politique nataliste, dans l’urgence, face à la colère des agriculteurs, il ordonne au premier ministre Gabriel Attal de s’employer à les « calmer » en cédant partiellement sur leurs principales revendications. Certaines ont d’ailleurs été actées par un calendrier et des dates sont déjà fixées. Mais leur colère n’est pas calmée pour autant...
Alors que se dessinait la colère du monde agricole, pour Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 Janvier 2024 la priorité c’était « le réarmement démographique »
Par une expression à connotation militaire, lors de sa conférence de presse du 16 Janvier, Emmanuel Macron, cheminant vers la droite extrême la plus conservatrice et nataliste, insistait sur la situation démographique qui, selon lui, serait très préoccupante à cause de la baisse du taux de natalité ces dernières années et considère donc qu’il est indispensable d’engager une politique nataliste en France. Or, même s’il y a ces dernières années une très légère diminution du taux de natalité, cela ne remet pas en cause la croissance démographique qui se poursuit. Plutôt que d’épouser les thèses des ultras natalistes le président de la république et ses conseillers devraient avoir à l’esprit, que plus nombreux nous sommes, plus importante doit être la production agricole pour assurer la nourriture, si possible de la meilleure qualité possible.
Sauf qu’avec une croissance démographique continue importante, telle que semble la souhaiter Emmanuel Macron, avec un nombre d’exploitations agricoles qui ne cesse de régresser depuis plusieurs décennies, passant près de 1,6 million exploitations en activité en 1970 contre 416 436 en 2020, la production agricole nationale ne peut que s’avérer à terme insuffisante. Ce qui impliquera, qu’aidé en filigrane grâce à la discrète bienveillance gouvernementale, le recours de productions extérieures au pays et à l’UE, se fera pour le plus grand plaisir des industriels de l’agroalimentaire qui n’auront plus besoin, pour fixer les prix d’achat à la production, de céder aux exigences légitimes des agriculteurs…
Si les surfaces agricoles recouvrent la moitié du territoire français, reste qu'elles sont progressivement grignotées. 65 900 hectares de terres agricoles disparaissent tous les ans. Les besoins de la croissance démographique continue, même faible, en est la cause principale. L'institut national de géographie explique (IGN) « l'étalement des villes et la transformation des sols agricoles en habitation, infrastructures ou zones commerciales en constituent la raison principale ». À cela s'ajoute, un taux d'urbanisation qui a grimpé de manière spectaculaire depuis le siècle dernier où il est ainsi passé de 53 % en 1936 à 81 % en 2020. « Depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de trois à cinq millions d'hectares (+70 %), une croissance supérieure à celle de la population (+19 %) », alerte l'IGN qui poursuit » Cette urbanisation entraîne des effets sur la capacité des sols à absorber l'eau et des conséquences sur la biodiversité ».
A propos de la grogne du monde paysan : « N’importons pas l’agriculture que nous ne voulons pas »
Outre la remise en cause de la lourdeur administrative, par la complexité de ses normes et ses règles Européennes, dont certaines sont pour le moins aussi inutiles que surprenantes (telle le diamètre des haricots verts), Il convient d’ailleurs de constater qu’au cours des différentes manifestations des agriculteurs il y a un slogan qui apparaît très souvent et indique « N’importons pas l’agriculture que nous ne voulons pas ». Ce slogan présent sur les barrages d’agriculteurs, mais aussi, largement rependu au sein d’une partie de la classe politique française et de l’opinion publique se traduit surtout par : « notre agriculture ne peut pas supporter la concurrence importée de produits de moindre qualité que les nôtres et qui entrent sans aucune contrepartie dans le cadre des accords de libre échange. »
Lors de sa conférence de presse, curieux oubli par Emmanuel Macron concernant la déclaration du vice-président exécutif de la Commission européenne
Alors que la France avait opposé son veto en 2020, Emmanuel Macron ne pouvait ignorer qu’une semaine après sa conférence de presse du 16 Janvier 2024, le vice-président exécutif de la Commission européenne, le letton Valdis Dombrovskis, allait créer la stupeur dans le monde agricole, mercredi 23 janvier 2024. En effet, lors d’une conférence de presse concluant une rencontre informelle des ministres européens des Affaires étrangères, il a déclaré : « une conclusion des négociations avec le Mercosur est à portée de main avant la fin de ce mandat. Nous travaillons à saisir cette opportunité qui revêt une importance géopolitique majeure. »
L’agriculture européenne, très hostile au traité le prend très mal, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et les agriculteurs Français vont descendre ensuite dans la rue. Ce qui est absolument compréhensible, surtout en France après l’accord avec la Nouvelle Zélande concernant les moutons, ces pauvres animaux, ainsi sacrifiés en très grand nombre sur l’hôtel de la loi consumériste libérale du marché, qui n’a que faire de la souffrance animale...Ignoble !..Tant pour les animaux que les éleveurs Français...
Pour mémoire, l'alliance Mercosur est constituée de membres permanents : l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay (le Venezuela a été suspendu en 2017). D'autres États sont membres associés : Chili, Bolivie, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou et Suriname.
Après un long processus de négociations, l'Union européenne (UE) et le Mercosur (alliance de pays d'Amérique du Sud) sont parvenus, en juin 2019, à conclure un accord d'association commercial et politique pour établir une zone de libre-échange. Le traité n'est cependant pas ratifié mais l'UE souhaite accélérer le processus de ratification.
Ce qui paraît surprenant, car après ces longues et difficiles négociations, la France, par le Premier ministre de l’époque Jean Castex, avait confirmé vendredi 18 septembre 2020, que la France avait opposé son veto, ce qui signifiait le rejet par la France de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne (UE) et les pays du Mercosur ( https://www.lafinancepourtous.com/2020/09/23/la-france-soppose-au-projet-daccord-commercial-entre-lunion-europeenne-et-le-mercosur/ ). Cette décision venait donc mettre un terme à des négociations débutées en 1999 et destinées à faciliter les échanges commerciaux entre les deux zones géographiques. Opposition de la France à ce projet de traité qui a été confirmé encore Vendredi après midi 26 Janvier 2024 par Gabriel Attal face à des agriculteurs. Mais alors comment se fait-il que le vice-président exécutif de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis déclare le 16 Janvier 2024 « une conclusion des négociations avec le Mercosur est à portée de main avant la fin de ce mandat. » ? Le veto de la France en 2020 n’aurait-il servi à rien ou aurait-il été contourné depuis ? Une explication par le Président de la république s’impose...
Cet accord de libre-échange avec les pays du Mercosur visait à l'origine à favoriser les exportations européennes, d’automobiles mais également de textiles et d'aliments transformés (fromages, lait en poudre…), mais en contre partie il y avait des importations sud-américaines en Europe, notamment de la viande (bœuf, poulets…) et d'éthanol. Pour justifier cet accord qui est une mission difficile, malgré cela en juin 2019, l'UE et le Mercosur étaient parvenus à s’entendre. La passivité du gouvernement brésilien face aux milliers d’incendies qui ont ravagé l’Amazonie, l'été suivant, avait compromis la signature et provoqué un clash entre Emmanuel Macron et l’ancien président Jaïr Bolsonaro.
Outre qu’il s'agirait d'un accord gigantesque dans un contexte politique incertain, il y a des désaccords sur le fond bien sûr : impossible pour le Mercosur de s’aligner sur les normes européennes trop exigeantes, impossible non plus d’ouvrir les marchés publics sud-américains aux entreprises du Nord. Bien plus modernes et bien mieux préparées, celles-ci écraseraient l’intégralité du marché local, sans laisse la moindre chance au Sud de se développer. De plus, le contexte politique des pays du Mercosur reste toutefois un terrain mouvant. Si le remplacement au Brésil de Bolsonaro par Lula a relancé les négociations en décembre 2023, l’élection en Argentine de Javier Milei, anarcho - ultra libéral qui a dans un premier temps menacé d’utiliser sa tronçonneuse pour rompre ses liens avec le Mercosur, puis il s'est ravisé pour finalement militer aujourd’hui pour une obtention rapide de l’accord. Pendant ce temps-là, l’Union européenne recule et se perd à nouveau dans sa quête d’unanimité. Elle souhaite pourtant signer l’accord avant les élections de juin et le début d’une nouvelle mandature. Ce qui évidemment n’est pas acceptable.
Plutôt que « le réarmement démographique », il conviendrait qu’Emmanuel Macron impose à son gouvernement de prendre de façon préventive des mesures distributives adaptées pour alléger les effets de l’inflation, par exemple à l’instar de nos voisins et conformément aux recommandation de la commission Européenne, en taxant les superprofits aux bénéficiaires de l’inflation, mais il faut également imposer par la loi un seuil minimum du montant des produits agricoles payés par les industriels de la transformation et de la distribution afin de garantir un minimum de revenu décent aux agriculteurs. Face à la grogne légitime des agriculteurs Français et Européens il faut une remise en cause définitive des accords Mercosur, qui reste aujourd’hui et malgré les propos rassurants aux agriculteur de Gabriel Attal l’une de leurs craintes. Sauf abrogation définitive du projet d’accord avec Mercosur, même si la France refuse de l’appliquer il y a de fort risques qu’il soit contourné, grâce à la complicité de certains pays Européens parmi ceux qui l’appliqueraient...
Alors que la société est en crise où la loi du nombre et ses besoins y contribue, pour Emmanuel Macron la priorité serait donc « le réarmement démographique »
Le « réarmement démographique » : cette expression d’Emmanuel Macron dans sa conférence de presse du 16 janvier a déclenché et, nul doute, va encore alimenter nombreux débats. Mais était-elle opportune et pourquoi vouloir s’engager maintenant une grande politique nataliste ? Alors que la population Française n’a cessé d’augmenter de façon continue, même si celle-ci est plus faible ces dernières années. Par exemple, il y a 30 ans (1994) la population Française était de 59,07 millions d’habitants quand au 1er Janvier 2024 elle est de 68,4 millions, soit une progression ou croissance démographique de plus de 8 millions d’habitants. Malgré la faible baisse du taux de natalité qui « affolent » tant Emmanuel Macron et ses ami(e)s natalistes, ces trois dernières années la population est passé de 67,4 millions d’habitants au 1er janvier 2021 à 68,4 millions eu 1er Janvier 2024, soit tout de même une augmentation d’un million habitants. ( https://www.insee.fr/fr/statistiques/5012724 )
Selon le bilan démographique en 2023 qui est publié le 16 janvier 2024 par l’Insee, il y a 66,2 millions d’habitants en métropole et 2,2 millions dans les cinq départements d’Outre-mer. Comme en 2022, la population a augmenté de 0,3 %, un rythme de croissance qui ralentit par rapport aux + 0,4 % en 2019, 2020 et 2021 et + 0,5 % en 2017 et 2018. A lire : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004 ou : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004#onglet-2
Une expression à connotation militaire pour justifier une politique nataliste en France totalement inutile est pour le moins surprenante, sinon choquante
Pour rappel, la croissance démographique désigne l’augmentation de la population d’un territoire donné (ici la France) sur une période déterminée. Le taux de fécondité est ainsi à 1,68 enfant par femme en 2023, contre 1,79 en 2022. Il était de 1,84 enfant par femme en 2021, et tournait autour des deux enfants par femme au début des années 2010. Cette baisse du taux de fécondité est également la tendance au niveau Européen. La France restait toutefois en 2021 (dernier comparatif possible) le pays le plus fécond de l’Union européenne, avec 1,84 enfant par femme, devant la Roumanie et la République tchèque.
Légère baisse du taux de fécondité, mais espérance de vie en bonne santé qui progresse
Selon l’Insee, en 2023, 631.000 décès ont été recensés, un nombre, en recul de 6,5 % par rapport à 2022, année marquée par les conséquences de la pandémie de Covid-19 et des épisodes de fortes chaleurs. En 2023, les épisodes caniculaires de l’été ont toutefois été nettement moins meurtrier.
Quant à l’espérance de vie à la naissance, elle a fortement progressé pour s’établir à 85,7 ans pour les femmes (+ 0,6 an) et à 80 ans (+ 0,7) pour les hommes, une première. Depuis le milieu des années 90, elle croît moins vite pour les femmes que pour les hommes, réduisant ainsi l’écart entre les deux sexes. En ce qui concerne la pyramide des âges, 21,5 % des habitants avaient 65 ans ou plus au 1er janvier 2024.
L’Insee note que cette proportion augmente depuis plus de trente ans et surtout le vieillissement de la population accélère depuis le milieu des années 2010, avec l’arrivée à ces âges des générations nombreuses du baby-boom. Actuellement les moins de 15 ans représentent quant à eux 17 % de la population.
Un « affolement » de la part d’Emmanuel Macron injustifié et inopportun
Depuis le milieu des années 2010, la diminution est certes sensible, sans que l’on puisse en tirer une conclusion sur l’avenir. On ne peut que déplorer historiquement que la France est un pays inquiet de sa fécondité, alors qu’il figure parmi ceux où elle est la plus élevée en Europe. La peur de l’extinction démographique avec en filigrane celle du grand remplacement par les immigrés à fort taux de fécondité est très médiatisée, y compris par certaines forces politique. Ce qui mérite toutefois d’être nuancé. En France, selon « l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) », par exemple en 2021 pour des femmes nées à l’étranger, leur taux de fécondité s’établit à 2,3 enfants par femme en moyenne, contre 1,7 pour celles nées en France. Il est le plus élevé pour les femmes nées au Maghreb (2,5) et dans les autres pays d’Afrique (3,3). À l’inverse, l’ICF des femmes nées en Europe du Sud est le plus faible, à 1,6. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6793238?sommaire=6793391. Il est évident que l’aspect cultuel et culturel de ses populations a un impact procréatif qui devrait s’estomper avec le temps, grâce à l’éducation et pour les nouveaux arrivants, dont la majorité sont des hommes, leur rendre beaucoup plus difficile le regroupement familial.
Il convient aussi de considérer que selon le « centre d’observation de la société » https://www.observationsociete.fr/structures-familiales/familles/evolution-de-la-fecondite/ , pour interpréter de façon compréhensible la natalité, il faut se placer sur le temps long. Depuis les années 1970, l’indice conjoncturel affiche une grande stabilité, entre 1,8 et deux enfants par femme. Le baby-boom (1945-1975) est une exception de notre histoire démographique, pas ce qui se passe depuis. La fécondité est pour beaucoup liée à la place des femmes. Les pays où la fécondité est la plus faible sont ceux où la venue d’un enfant impose le plus souvent aux femmes d’arrêter de travailler (comme l’Espagne et l’Italie).
La baisse de la natalité intervenue pour les générations des années 1970 peut être liée aux difficultés économiques, car il s’agit des premières générations qui ont connu le chômage de masse, les difficultés de logement, mais aussi une meilleure diffusion de la contraception, ainsi que le droit à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) depuis 1974 qu’il convient de protéger par la Constitution.
En pratique, notre pays a toujours connu un apport migratoire et même avec un taux de fécondité de 1,6 ou 1,7 enfant par femme, la population ne baisserait pas. Il faut d'abord se demander si une baisse de population est vraiment si grave, question polémique dans un pays qui fait une fixation sur sa natalité et dont la légère baisse du taux de fécondité actuel est dramatisé de façon excessive par le président de la république.
Pour conclure
Alors que se dessinait la colère du monde paysan français et Européen, lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, Emmanuel Macron s’attardait sur la situation démographique qui, selon lui, est préoccupante à cause de la stagnation, voire d’une légère baisse du taux de natalité ces dernière années. Il insistait même sur la nécessité d’un « réarmement démographique ». Or il est démontré qu’entre une croissance démographique, même faible, et le nombre d’exploitations agricoles qui ne cesse de régresser la production agricole nationale ne peut qu’à terme s’avérer insuffisante, d’où le recours à des productions extérieures au pays et à l’UE, avec les conséquences que l’on peut supposer. S’il y a un « réarmement »à engager c’est bien celui de la condition paysanne dans sa diversité.
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