Pour éviter un « autre Macron » … faut-il changer de constitution ?
Pour éviter un « autre Macron » … faut-il changer de constitution ?
Certains professionnels de la politique ont trouvé une idée pour essayer de ramasser des voix : faire rêver à une 6ème République, avec la rédaction d’une nouvelle constitution … miracle (1).
Au fait, pourquoi ?
- Parce que E. Macron aurait tel ou tel comportement ?
Si c’est cela le problème, il faut soumettre les candidats à la présidence de la République à des tests psychologiques ou psychiatriques ou d’un genre similaire. Mais il suffit d’une loi (organique).
- Parce que la politique mise en œuvre sous l’impulsion d’E. Macron ne convient pas ?
Mais un texte sur le fonctionnement des institutions n’est pas une loi de programmation financière, économique et sociale ! (Sauf certains traités, à commencer par celui de Maastricht - v. ci-dessous- ). Une constitution, c’est une sorte de règlement intérieur qui organise les relations ( délimitation des sphères de compétences, moyens d’action des uns sur les autres) entre les membres de la classe politique, selon qu’ils sont ministres ou qu’ils sont parlementaires (2).
L’endroit où la politique est arrêtée varie. Sous les III° et IV° Républiques, c’était au sein des assemblées. Sous la V° République, ce fut au sein de l’exécutif. Depuis 1992, la politique sur les problèmes essentiels, est arrêtée par des organismes ad hoc auxquels les dirigeants français ont délégué les compétences décisionnelles qui appartenaient jusque là au peuple et à ses représentants.
Ce qui fait que les lobbys (3) qui soufflent aux politiques ce qu’ils doivent faire ( et rédigent même des propositions de lois) dirigent, selon le moment, leurs efforts vers les chefs des partis et les parlementaires (III° et IV° Républiques), ou les membres du pouvoir exécutif (depuis le départ du général de Gaulle). On a d’ailleurs découvert, grâce à des études, que les lobbys ont même réussi ( réseaux, médias …) dans l’ordre interne, à mettre tel candidat en orbite pour les élections présidentielles de 2017 et à le faire élire. Et les lobbys sont maintenant très actifs auprès des institutions de « l’Union européenne ».
Le tout visant à permettre aux financiers de faire des affaires et à transformer les institutions des Etats ( chef d’Etat ou de gouvernement en tête) en facilitateurs desdites affaires.
Et faisant en sorte que les citoyens soient privés (v. ci-dessus) d’avoir leur mot à dire. Les dirigeants des Etats étant chargés de prendre à l’égard de ces derniers, avec l’aide des médias ou des services du « maintien de l’ordre » selon les circonstances, les mesures anesthésiantes ou de dissuasion musclée.
Si l’on veut qu’une autre politique soit possible, et si l’on veut que les représentants du peuple représentent … le peuple, et non autre chose, que faut-il faire ? Ce n’est pas « évident ». Voici en tous cas, quelques pistes.
A. Il faut déjà toiletter (quand même) la constitution au moins sur deux points (qui ne figuraient d’ailleurs pas dans le texte originel) .
1/ Enlever les dispositions de 1992 qui permettent les transferts ( les yeux bandés) de compétences en direction des organismes ad hoc de Bruxelles ou de Strasbourg. Mécanismes qui privent les citoyens de se prononcer sur leur sort et sur leurs conditions de vie. Car s’entendre avec les autres Etats européens est une chose. (La nécessaire coopération peut évidemment continuer sans problèmes … mais autrement et avec éventuellement des traités différents). Mais qu’un peuple se fasse imposer par des organismes étrangers des décisions pouvant être contraires à ses intérêts, est une tout autre chose.
2/ Faire des membres de l’exécutif des justiciables relevant des juridictions de droit commun ( suppression de la Cour de Justice de la République). Et limiter les privilèges de juridiction du président de la République.
B. On doit évidemment penser à installer des « garde-fous ». (Qui relèvent de la loi).
- Compte tenu de ce qui est observable : « mélange » des financiers et des politiques ; représentation « truquée » des citoyens (notamment par l’usage massif des techniques de manipulation). Citoyens, qui ne peuvent pas contrôler l’usage qui est fait du mandat qu’ils confèrent ( ou croient conférer) le jour de l’élection. Elections qui, en plus, reproduisent sous une forme politique les inégalités sociales (v. les statistiques).
- Et compte tenu par ailleurs de la connaissance que l’on a des tentations ou des traits habituels de caractère de la plupart des gens, spécialement dans le monde politique.
Garde fous dont la mise en place ne serait évidemment possible qu’en cas d’évènements particuliers (4).
Entre autres, et sous réserve d’en définir les modalités :
1/ Compléter la listes des inéligibilités : par ex. un banquier d’un certain « niveau » devient inéligible, au moins à la présidence de la République, tant que les banques peuvent créer de la monnaie et négocier les obligations de l’Etat ; comme auraient l’interdiction de se présenter les personnes disposant de fonds dans un paradis fiscal, ou de biens acquis de manière illicite au regard de la loi (5).
2/ Répartir les sièges en fonction de la réalité sociologique : Les 10 % les plus riches ( mesurée par exemple aux déclarations de revenus) ont 10 % des sièges ; la tranche des citoyens qui se situe dans la fourchette de … dispose d’un nombre de sièges correspondant à la population concernée. Et ces sièges sont répartis territorialement. Ce qui fait que le ressort territorial des candidats 10 % sera plus étendu que celui des candidats 30 %. Ca se faisait pour les Etats généraux, ça se fait pour de multiples élections ( comme celles des conseils d’université). Les gens peuvent s’y habituer pour les élections législatives.
3/ Interdire la plupart des pantouflages. Quand on choisit d’être fonctionnaire on le reste. Quand on a été élu, on ne va pas se mettre au service des groupes privés qu’on a eu compétence à régir.
Quand on est magistrat on ne va pas aider les membres du pouvoir exécutif à prendre des décisions que l’ordre judiciaire ou l’ordre administratif contrôlent ; etc…
4/ Créer un recours en constatation de conflit d’intérêts ( sur le modèle du recours pour excès de pouvoir) sanctionné, par exemple par la perte du mandat pour les élus, la cessation des fonctions pour un agent public, et le versement d’une amende civile.
5/ Améliorer le droit de pétition et en étendre l’usage. Créer, au profit des citoyens, un droit d’interpellation permettant de « demander des comptes » à un élu. Au moins dans les limites et le cadre fixés par la loi (par ex. sur sa situation patrimoniale, bien évidemment sur ses votes, et sur ses éventuels conflits d’intérêts). Avec réponses publiées sur le site de l’institution ou sur le site de l’élu (sites à créer le cas échéant).
6/ Améliorer la protection des lanceurs d’alerte et supprimer les incriminations pénales notamment dans le cas où les documents « volés » seraient constitutifs d’une infraction pénale ou auraient un lien avec une infraction pénale ou, de manière générale, avec une activité illicite..
Mettre à la charge de l’organisme ou de la personne propriétaire ou bénéficiaire de ce que révèle le document, la réparation résultant du préjudice subi par le lanceur d’alerte du fait, par exemple, de son licenciement et des conséquences du lancement de l’alerte.
7/ Sur le modèle ( à adapter) de l’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales (6) , permettre aux citoyens ( ou à des associations de citoyens) d’engager des actions au nom de l’Etat en cas de préjudices subis par l’Etat (donc par les citoyens) , notamment du fait de la commission de certaines infractions ( comme l’évasion fiscale). Ou, autre exemple, lorsqu’il a été porté atteinte à la santé ou à toute autre question d’intérêt collectif.
Etant entendu que si ces « garde-fous » peuvent être efficaces pendant un temps, spécialement juste après leur mise en place, il est probable que leur efficacité est vouée à diminuer dans le temps.
Parce que les enjeux financiers contemporains sont colossaux ( et que l’appât du gain est irrésistible et éternel). Parce que l’histoire enseigne que des moyens ont toujours été imaginés et mis en œuvre pour la défense des intérêts de ce genre. Y compris la guerre.
Et, évidemment, puisque ce ne sont pas les gens qui n’ont pas d’argent qui peuvent payer les campagnes électorales, devenir propriétaires des moyens d’information et de manipulation, ou qui ont la possibilité de séduire ou de corrompre.
Mais cela n’empêche pas de réfléchir à un monde meilleur, comme l’on fait les membres du CNR (Conseil National de la Résistance). Dont les réformes pour des « jours heureux » n’ont pas encore été complétement détricotées par les gouvernants en place.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) Un texte constitutionnel ne provoque pas toujours les changements attendus. Il peut rester lettre morte sur certains points importants. Le texte de 1875 donnait de grands pouvoirs au président de la République qui ne furent pas exploités par les titulaires successifs de la charge. Le texte de 1946 voulait que le Président du Conseil choisisse librement ses ministres, mais les gouvernements continuèrent à être composés selon les marchandages des leaders des partis et à être une sorte de conseil syndical des partis. Le texte de 1958 a réussi (grâce aussi aux circonstances du moment) à mettre de l’ordre dans le comportement des leaders des partis. Et a permis (c’était son but) que soient prises les décisions importantes pour les Français et pour la France.
Le même texte n’a pas empêché les successeurs du général de Gaulle de faire le contraire de ce dernier et d’avoir des conceptions manifestement très éloignées des siennes. Qu’il s’agisse de la place de la France dans le monde et de ses relations avec les autres Etats, notamment les USA, de la dignité du peuple français et du respect qui lui est du, et de manière plus générale, de ce qui est convenable de faire et de ce qui ne l’est pas. Et évidemment le rapport à l’argent.
(2) On peut il est vrai mettre dans la constitution certaines dispositions ( comme le projet d’y mettre l’IVG pour qu’elle continue à servir de moyen de contraception) pour empêcher que ces dernières soient remises en cause. Parce que les juges refusent de statuer sur ce qui est écrit dans la constitution. Et parce que les juges empêchent que les autres textes ( lois, décrets) méconnaissent les dispositions « constitutionnelles ».
Ceux qui ont voulu que les financiers fassent leurs affaires librement ont utilisé la même mécanique juridique. Ils ont fabriqué des règles qu’ils ont mises dans des « traités ». Parce que les traités une fois ratifiés, ce qu’ils contiennent n’est plus contestable. Ni devant les tribunaux, ni par les parlements, ni par les peuples. NB. Une autre astuce des rédacteurs des traités européens, a consisté à mettre en place une procédure compliquée qui exige que l’Etat qui veut échapper à cette sorte de régime « colonial », obtienne l’accord du système dont il veut se libérer.
(3) « N’est pas tolérable en ce qui concerne les élus : ... Un régime, qui, pour la même raison, soumet ces candidats perpétuels aux forces locales, politiques, pécuniaires, dont ils ont besoin pour être réélus et pour accéder au pouvoir ... un régime, qui, par l’initiative parlementaire des dépenses et par l’intervention des élus dans l’administration, fait des finances et de la vie de la France la proie desdites majorités ...un régime, qui, par la collusion du mandat parlementaire et de son despotisme avec d’autres professions, notamment celle d’avocat, est un foyer permanent de corruption financière et morale » Tardieu, La Révolution à refaire (1936).
(4) Sauf événement particulier, ceux qui ont « créé » en quelque sorte E. Macron, feront en sorte de mettre sur orbite un successeur qui leur donnera possiblement les mêmes garanties (psychologie, trajectoire), puis les mêmes satisfactions. Et qui, évidemment, de manière plus générale, ne mettra en cause ni la ligne financière, économique et sociale de « l’Europe », ni la subordination aux USA.
On ne voit pas non plus la classe politique pouvoir se réformer. Mais des évènements peuvent survenir et engendrer une sorte de bouleversement politique. D’où sortirait la mise en place de gouvernants décidés, eux, à empêcher la continuation de certaines « dérives » du système « libéral ». Et qui amèneraient probablement les juges à enquêter plus facilement et à statuer sur certains cas de la période immédiatement antérieure. Par exemple en faisant jouer pour les politiques, comme ils l’ont fait jadis pour les fonctionnaires, la notion de « faute personnelle détachable des fonctions ». Dont la mise en œuvre pourrait avoir des effets … cruels. Avec ce faisant, des vertus pédagogiques pour les futurs volontaires à la représentation
(5) Evidemment ce genre de disposition n’empêche pas de mentir au moment du dépôt de la candidature. Mais elle peut créer un risque dissuasif de faire de la politique quand on cousine avec la délinquance financière et qu’on est au surplus un menteur. Surtout si la dissimulation est efficacement sanctionnée. Par exemple par la confiscation des sommes dont s’agit. Et ce, à tout moment, et quelles que soient la forme ou les mains dans lesquelles ces dernières ont pu et peuvent se trouver par des jeux d’écritures.
(6) « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ».
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