Pour Gérard Bapt (PS) : il faut diminuer les allocations familiales, mais rester dans les bons papiers de l’industrie pharmaceutique
Il n’est pas le premier à concentrer un certain nombre de contradictions. Il ne sera certainement pas le dernier non plus. Pourtant, Gérard Bapt établit des records, en arrivant à se montrer fin observateur, dans l’hémicycle, des dépenses en matière de santé publique, tout en plaidant pour des abaissements des allocations familiales. Quel rapport ?
1°) Un rapport plein de conseils sur l’utilisation des génériques et la consommation de médicaments
Peut-être celui de force, entre des acteurs qu’il faudrait réguler davantage mais qui ont toujours une longueur d’avance ; et le Peuple, que l’on essaie de diviser, charger d’impôts divers et variés, pour atténuer les excès des premiers. Citons les observations du député dans son rapport remis à l’assemblée nationale pour 2013 :
« MALGRÉ LES MESURES VOTÉES EN 2012, LA CONJONCTURE RALENTIT LE REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX « Votre rapporteur s’interroge sur la pertinence du maintien de taux de progression équivalents entre dépenses de soins de ville et dépenses hospitalières. Les dépenses de soins de ville sont mieux maîtrisées, comme en témoigne leur sous-consommation en 2012. Cela laisse supposer qu’il reste encore des marges d’économies sur ce secteur. Cependant, désavantager la ville par rapport à l’hôpital risquerait de décourager le premier secteur dans ses efforts de maîtrise des dépenses. Plutôt que de restreindre davantage la progression de l’objectif des dépenses de soins de villes, votre rapporteur suggère que les sous-consommations soient partiellement réinvesties dans l’amélioration de l’offre de soins dans les zones de faible densité, dans le développement de la télémédecine, dans la rémunération à la performance des médecins ruraux, etc. Cela dit, il reste encore des progrès à faire en matière de lutte contre les actes et prescriptions inutiles, les hospitalisations injustifiées ainsi qu’en matière d’efficience hospitalière. » Plus loin, on peut lire :
« Des économies pourraient encore être réalisées sur les dépenses de médicaments, notamment par un meilleur respect des règles de bonnes pratiques par les prescripteurs. Par ailleurs, votre rapporteur trouve anormal que, lorsqu’il existe un générique, le prix du princeps (c’est-à-dire le médicament initialement commercialisé) reste quasiment le même. On pourrait envisager que le prix du princeps ne puisse excéder une certaine proportion du prix du générique. De même, lorsqu’arrive sur le marché un nouveau médicament dans une classe qui comporte déjà des génériques, il faut pouvoir comparer l’amélioration du service médical rendu (SMR) par rapport aux autres médicaments : si celle-ci est négligeable, il faudrait que le prix du nouveau médicament soit fixé dans un rapport proche du prix des génériques existants. »
Gérard Bapt a ainsi un avis bien précis sur les dépenses de médicaments, leurs prescriptions, et la perception particulière qu’auraient les Français aux génériques. L’hôpital y est sévèrement taclé par rapport à la médecine de ville.
2°) Gerard Bapt et Sanofi : un acteur curieusement épargné
Au lieu de taper sur des industries qui font des bénéfices record (plus de 8 milliards d’euros pour Sanofi) tout en licenciant des chercheurs, le député préfère souligner l’inefficacité des hôpitaux et surfer sur le thème des allocations familiales comme solution miracle aux déficits. Cela est d’autant plus gênant que Gérard Bapt semble bien mal placé pour donner certaines leçons, sur ces sujets en particulier. Rappelons ce papier de Laurent Léger, journaliste pour Charlie Hebdo, très vite enterré car porteur, sans doute, d’informations bien trop sensibles :
« À l’aide d’un intense lobbying auprès d’élus comme le député PS Gérard Bapt, le labo pharmaceutique (ndlr : Sanofi) tente d’amortir le choc de son plan social, sans se priver d’un petit chantage : moins de licenciements contre médicaments que l’État ferait bien de rembourser. http://www.charliehebdo.fr/news/san... »
Déjà, une première contradiction avec l’indignation toute officielle du député concernant le remboursement de médicaments « sans valeur médicale ajoutée ». Laurent Léger poursuit :
« Un mail interne à Sanofi sur lequel Charlie a mis la main (document ci-dessous) détaille ainsi le contenu des discussions entre un cadre du groupe, Jean-Luc Ledent, directeur des affaires publiques de Sanofi Midi-Pyrénées, avec le député socialiste de Haute-Garonne, Gérard Bapt. Très actif contre le Mediator et son fabricant, Servier, grâce à la mission d’information de l’Assemblée qu’il a présidée, Bapt l’est beaucoup moins contre cette firme ultrarentable qui s’apprête à licencier des centaines, voire des milliers de salariés, notamment à Toulouse, son département. « On n’a pas vu de communiqué de monsieur Bapt sur l’affaire Sanofi, c’est vrai, même si il est vrai aussi que nous ne l’avons pas contacté, explique Gérard Falquet, délégué CGT de Sanofi.Nos interlocuteurs sont avant tout le maire de Toulouse et le député socialiste Christophe Borgel », ce que confirme un syndicaliste CFDT : « Bapt n’est pas très présent. » Officiellement, Sanofi prévoit un plan de restructuration portant sur 914 postes à Toulouse d’ici à 2015, uniquement des « départs volontaires ». En réalité, les syndicats craignent une vraie vague de licenciements. »
Si on comprend donc bien les propos de Gérard Bapt, il faudrait donc faire un réel effort sur la prescription de médicaments utiles, revaloriser les génériques, continuer à pointer du doigt les hôpitaux (sans doute sont-ils moins enclins à « écouter » les « bons » laboratoires pharmaceutiques ?), mais tendre l’oreille voire la main à l’entreprise du CAC40 qui s’est vue infliger une amende record en termes de dénigrement des mêmes génériques ? Il semble que plus ce soit gros, mieux ça passe.
Rappelons ainsi que Sanofi a été très lourdement sanctionné pour dénigrements des génériques. Cette attitude même que le député dénonce. Ainsi :
« Abus de position dominante« , »stratégie de dénigrement« . Les mots utilisés par l’Autorité de la concurrence pour justifier, mardi 14 mai, sa décision de sanctionner Sanofi à hauteur de 40,6 millions d’euros sont tranchants. Le laboratoire pharmaceutique est accusé d’ »avoir mis en place auprès des professionnels de la santé – les médecins et les pharmaciens d’officine – une stratégie de dénigrement à l’encontre des génériques de Plavix [un antiagrégant plaquettaire] afin de limiterleur entrée sur le marché et de favoriser ses propres produits, le princeps Plavix ainsi que son autogénérique Clopidogrel Winthrop", précise le communiqué de l’Autorité. »
Quel sera le prochain combat de Gérard Bapt ? Obliger les hôpitaux à accueillir plus de visiteurs médicaux de Sanofi afin d’éviter des pertes d’emplois dans sa région (histoire de se faire bien voir par l’électorat local ?). Expliquer aux familles que l’on va diminuer les aides d’Etat tout en continuant à cautionner que des industriels fassent 8 milliards de bénéfices sur des molécules anciennes, licencient, et ne reversent jamais de contrepartie à la société ? Avant d’établir de tels rapports, peut-être serait-il pertinent de se questionner sur les motivations de ceux qui les rédigent.
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