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Pour le Figaro, Charlie Wilson s’appelle Nicolas Sarkozy

« Tom Hanks s’engage dans la comédie politique ». Ainsi commence la page cinéma du Figaro du week-end dernier. Dans « La Guerre selon Charlie Wilson », Tom Hanks incarne sur nos écrans, ces jours-ci, « un député texan hors normes, noceur et buveur, qui se révéla un redoutable stratège lors de l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques ». Poursuivant quelques lignes la lecture, je tombe nez à nez avec une phrase qui fait « tilt » dans mon mauvais esprit (maudite phrase) : « J’aimerais bien qu’il y ait plus de politiciens de sa trempe », avoue aujourd’hui Tom Hanks. Je me reporte, alors, fébrilement, à l’interview qui suit et je lis la confirmation de cette citation : « J’aimerais qu’il y ait plus de politiciens de la veine de Charlie Wilson ! Des hommes qui osent, qui ont un discours direct, honnête ». Le Figaro exulterait-il d’une telle déclaration ? Souscrirait-il à ce portrait de l’homme politique du XXIe siècle ? Je dois vérifier. Je lis donc le reste du journal à la recherche d’autres Charlie Wilson. Et j’en trouve à la pelle...

Dans l’éditorial de Pierre Rousselin, tout d’abord, page 17, consacré à la libération des otages colombiens, Charlie Wilson s’appelle Alvaro Uribe, le président très conservateur de la Colombie. En face de lui, des guérilleros « dépourvus de perspective politique » et un « extravagant président vénézuélien [qui se] donne le beau rôle », profitant « sans vergogne » de la situation, «  sa médiation [n’étant] utile que parce qu’il est le seul à soutenir les Farc [je le répète dépourvus de perspective politique], dont même Fidel Castro s’est distancé » [même Fidel]. Eh bien, en face de tout ce ramassis de vieux révolutionnaires du XIXe siècle, Charlie Wilson alias Alvaro Uribe est là, lui, qui « avec élégance, (...) a surmonté sa méfiance pour féliciter Chavez ». Et, « il ne faut pas oublier que sans l’acquiescement et la collaboration de la Colombie, la libération de Clara Rojas et de Consuelo Gonzales n’aurait pas été possible, pas plus que celle, espérée, d’Ingrid Betancourt ». Un homme politique élégant qui ose surmonter sa méfiance, les Farc et Chavez.

Dans l’analyse de Philippe Gélie, ensuite, correspondant du Figaro à Washington, page 17 toujours, Charlie Wilson s’appelle, cette fois, George W. Bush. Analysant « comment George W. Bush a évolué sur le Proche-Orient sans trahir Israël », il nous explique que «  celui qui avait pris [depuis dix ans] le contre-pied de ses prédécesseurs, rejetant non seulement l’approche volontariste de Bill Clinton mais aussi celle de son propre père, George H. W. Bush, organisateur de la conférence de Madrid en 1991, y a défendu des positions remarquablement proches de la posture américaine traditionnelle. Il y a parlé de "Palestine souveraine et indépendante", de "fin de l’occupation", de territoires "viables et contigus". Il y a critiqué les barrages militaires et les "entraves" israéliennes à la modernisation des forces de sécurité palestiniennes ». Voilà encore un homme qui ose, qui a un discours direct, désormais volontariste. Du Charlie Wilson tout craché ce George Walker.

Dans les pages politiques encore, à présent, Charlie Wilson se nomme Tony Blair, un « ex-Premier ministre travailliste, [je cite l’article de Laure Mandeville, page 5] qui, se coulant dans les traces de Margaret Thatcher, mena en terre d’Albion [en terre d’Albion, il faut osé, quand même, quel homme !] la réforme de l’économie et de la société britannique dont rêve la droite de l’Hexagone ». Tony Blair est « un homme de conviction récemment converti au catholicisme, qui ne renia jamais l’alliance du grand large avec l’Amérique et l’engagement britannique dans la guerre en Irak, malgré l’embourbement de ses troupes et l’effondrement de sa cote de popularité ». Catholique, donc honnête et droit. Solide face à l’adversité. Moi, je vous dis, Tony Blair ce n’est pas un Charlie Wilson, mais deux à lui tout seul.

Bon.
Fort de cette démonstration, je reste toutefois quelqu’un qui sait écouter et je sais ce que vous allez me dire. « C’est tiré par les cheveux, des phrases sorties de leur contexte. Tout cela n’est pas très crédible. Il manque l’aventure, la chair et les os, en somme. Car Charlie Wilson, ce n’est pas que du discours direct et honnête, c’est aussi des actes qui ont fait changer le cours de l’Histoire ».

Et vous avez raison.

Re-Figaro donc. Je remballe mes Blair, Bush et Uribe que j’ai trop tôt wilsonisés. Retour sur Charlie, page 30.
La présentation du film : « Farouche anticommuniste, ce baroudeur de Wilson réussit, avec l’aide d’une richissime Texane (interprétée par Julia Roberts) et d’un agent frondeur de la CIA (Philip Seymour Hoffman), à trouver des fonds à la Chambre des représentants pour financer la résistance des moudjahiddins contre l’Armée rouge. Mieux, pour leur fournir des armes, il noua une alliance improbable et secrète entre Israël, l’Egypte et le Pakistan. En 1989, six mois avant la chute du Mur de Berlin, les soldats russes quittaient l’Afghanistan ».
Et Jean-Louis Turlin, correspondant du Figaro à New York, complète le portrait de Charlie en nous narrant un autre fait d’arme moins réussi dans lequel le sénateur Wilson ne « parvint pas à sauver le régime de Somoza au Nicaragua, malgré sa menace de voter contre le plan Carter de cession du canal de Panama si les Etats-Unis ne reprenaient pas leur aide au dictateur corrompu, mais en qui Wilson voyait un allié abandonné ». Turlin conclut tout de même : « A lui seul, [Wilson] a d’une certaine façon changé le cours de l’histoire, en bien dans l’immédiat, en mal à plus long terme, malgré lui : le départ des soviétiques a coïncidé avec l’arrêt de la manne américaine dans un pays à reconstruire. Les talibans en ont profité pour combler le vide ».

Je résume : une jolie femme, un agent secret, une atmosphère de guerre froide. Et bien sûr, un homme qui ose, Charlie, un homme au discours honnête et direct.

Je désespère, où donc trouver un Charlie Wilson crédible. Autant chercher un otage dans la jungle colombienne.

Et puis, je l’ai trouvé. Page 17, une fois de plus. C’est Alexandre Adler qui nous le livre. Dans sa chronique. «  En ce début d’année 2008, le moral de la Russie est au beau fixe, et les relations franco-russes semblent l’être aussi. (...) Il semble que les relations entre Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine aient connu, de la même manière, une embellie certaine au fil des sommets où les deux chefs d’État se sont croisés ».

C’est désormais une évidence : Charlie Wilson s’appelle Nicolas Sarkozy et l’agent secret qui l’accompagne, Vladimir Poutine. Pour la jolie femme, Carla fera l’affaire.

Et tout colle.

Une atmosphère de guerre froide, un point chaud où se cristallisent l’opposition Est-Ouest  : « La question diplomatique se résume en un mot : Kosovo. En apparence, rien de plus simple : plus de 90 % de la population, albanaise, est massée derrière un gouvernement d’union nationale qui souhaite proclamer l’indépendance le plus tôt possible. La communauté internationale a proposé un plan qui garantissait une certaine sécurité à la minorité serbe. Personne à Belgrade n’en veut. (...) Or la Russie a décidé, après de nombreuses humiliations dans les années 1990, de faire entendre son point de vue beaucoup plus fortement favorable à Belgrade. (...) Outre la Grèce à présent, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie sont favorables au point de vue russe. »

La détente  : « En politique intérieure, la situation générale est marquée par un net climat de détente depuis la désignation, comme successeur formel de Poutine, de l’actuel secrétaire général du Kremlin, Dimiti Medvedev, un universitaire notoirement non issu des rangs du KGB, et tout aussi notoirement libéral convaincu en matière économique comme en matière internationale ».

La volonté toutefois de défaire cette vieille URSS  : « La situation, ici, rappelle, de manière troublante, l’époque de Khrouchtchev, lequel, de la même manière, avait fait le choix de la déstalinisation et n’avait rien trouvé de mieux que l’option d’une politique étrangère agressive, de Berlin-Est à Cuba, pour mieux jeter le trouble dans les rangs néostaliniens ».

Le bon coup qui vous retournerait l’histoire en moins de deux si Charlie sans mêlait  : « Il faudrait convaincre Poutine rapidement de l’inanité d’une telle solution apparente, mais, en échange, armer son bras de quelques authentiques succès internationaux, dont il aura rudement besoin pour franchir un cap et s’attaquer aux archaïsmes russes les plus patents ».

Allez, Nicolas. Laisse tomber les Kosovars, Tchéthènes, néostaliniens de Caracas et de la jungle colombienne. Ton ami du KGB en vaut bien la peine. Et puis, comme l’a dit Charlie (le vrai) : "On change le monde et puis on fout le camp et on fout en l’air la fin de partie". C’est drôle et sans risques.

Ils ne sont pas beaux nos hommes politiques qui osent, le discours direct, honnête.

Max


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1 réactions à cet article    


  • Djanel 23 janvier 2008 14:07

     

    Ma grand-mère qui habitait prés d’une immense forêt au fin fond de la Normandie n’avait ni l’eau courante ni les égouts mais elle était ravitaillée par le facteur en munition littéraire. Je me souviens jadis de mes lectures journalistiques. Il fallait aller au fond du jardin, entrer dans une cabane qui penchait du coté qu’elle allait tomber tout en restant debout pour satisfaire aux obligations favorites d’un Pallas ou d’un Black Ader.

     

    Le papier hygiénique était les journaux que le facteur apportait tous les jours et qui finissaient là tristement leurs glorieuses carrières. C’est ici que j’ai découvert étant petit le Figaro parce que ma grand-mère était droite. Elle savait joindre l’utile à l’agréable si bien qu’aujourd’hui à chaque fois que je vois le Figaro, je sens les odeurs qui me remontent du fin fond de mon age tendre. Merci grand-mère de m’avoir si bien éduqué.

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