Pour nos exportations agricoles, vivons avec notre temps
En Ardèche, dans les Boutières, j’ai bien connu des paysans de ma famille qui vivaient en autarcie, avec deux vaches, des chèvres, des moutons, un cochon, des poules des lapins, pour deux d’entre eux une mule pour tirer charrue ou charrette.
Quelques hectares à disputer aux ronces et à la fougère, des murets en terrasses (les échamps) qu’il fallait parfois refaire, la pierre granitique se décompose en sable..
La télévision n’existait pas du moins dans les campagnes du Massif central. L’oncle Fernand et son fils Roger coupaient leur bois et le rapportaient pour le chauffage et la cuisine. Pas de chemin, sur leur dos, morceau après morceau, un « coulassou », coussin dur retenu par une courroie de cuir sur le front.
Fauchage à la faux qu’ils aiguisaient souvent, avec leur outillage portatif.
J’ai vu arriver l’électricité qui a remplacé la lampe à pétrole. Personne n’avait un frigo, mais les caves étaient fraiches et on conservait autrement. Pas de lave linge, il fallait aller au lavoir. La cendre conservée pour la lessive (sa potasse) dans une lessiveuse à champignon central qui faisait monter et redescendre l’eau bouillante. Rinçage au lavoir avec la « piche » pour battre le linge.
Mon oncle Adolphe avait une mule qui ne pouvait tirer sa charrette que lorsqu’il y avait un chemin assez large.
Mes tantes, Julie, Marie, gardaient et travaillaient au jardin. Par chance, il y avait de l’eau de source à volonté pour arroser. Le terrain était sablonneux (sable de granit). Des arbres fruitiers en nombre, pommiers, poiriers, et surtout chataigniers avec la « comballe » d’excellents marrons. Mes tantes en conservaient pour tout l’hiver en les faisant sécher dans la clède.
Mais les sources n’amenaient pas l’eau dans les maisons, je me souviens d’avoir participé à la pioche et la pelle, à l’amenée d’eau (j’avais alors 23 ans) dans ma petite maison ardéchoise qui avait gardé son étagère à côté d’un semblant d’évier en bois. Deux arrosoirs étaient amenés pleins le matin et suffisaient pour la journée.
Peu d’argent, aucune dette. Personne ne se plaignait, on parlait bien des tracteurs, mais dans ces pentes, ce ne serait pas facile. On moissonnait à la faucille et on battait le blé au fléau, donc à bras. Je l’ai vu, vécu et j’ai goûté leur petit vin, cépage Clinton sur des tonnelles. Ce cépage a été ensuite interdit. Pourtant il ne craignait pas le phyloxéra, de même que le cépage « Isabelle » aux excellents grains et à l’excellent vin blanc.
On savait vivre, et on devenait vieux.
Ce n’est qu’avec l’arrivée des « touristes » de la ville que les gens ont « compris » qu’ils étaient malheureux.
Je suis content d’avoir 90 ans et d’avoir connu tout cela, ce qui me permet de réfléchir autrement aux problèmes actuels de l’agriculture intensive si nécessaire pour nos exportations.
Aujourd’hui il faut des traitements chimiques, des engrais, le fumier des animaux de la ferme ne suffit plus.. Mes paysans d’autrefois cultivaient « bio » avant qu’on invente le mot.
Mon oncle Casimir et ma tante Léa avaient deux vaches, des chèvres et des moutons, une mule, et bien sûr cochon, poules, lapins
Aucun de ces paysans n’a eu de successeur, la ronce et la fougère ont repris le dessus, et les touristes qui ont acheté les maisons doivent débroussailler autour à cause des risques d’incendie.
Après 1945, il y a eu les assurances sociales (la MSA pour les agriculteurs) puis la retraite des vieux, qui suffisait à nos « fourmis bonnes gestionnaires et qui gardaient leur maison et leur petit cheptel. Economes, ces paysans purent acheter un frigo. Mais pas une automobile.
Ils se sentaient moins malheureux.
Comme après 1968 ceux qu’on appelait les hippies venus de la ville en communautés faire de l’élevage et du jardinage. Il en reste aujourd’hui qui ont relancé la petite agriculture.
Mais aujourd’hui ce qui domine, c’est la force des reclamations de la FNSEA ..
Scandale, il faut souvent que l’épouse de l’agriculteur travaille à l’extérieur. N’est-ce pas le cas pour tous les salariés ?
« Les agriculteurs vivraient au dessous du seuil de pauvreté, gagneraient moins que le SMIC »…c’est ce qu’ils disent.
Connaissez-vous des smicards propriétaires d’une vaste maison pour leur résidence principale avec en plus des appartements voisins, en pleine propriété pour loger leurs domestiques ou leur famille ?
Connaissez-vous des smicards qui n’aient pas besoin d’acheter du lait ou du beurre, ni des poulets, ni des lapins, ni des œufs ? Les agriculteurs ont tout cela bien à eux. Au dessus du seuil de richesse donc.
Leur potager leur fournit légumes et fruits.
Ils reçoivent des milliers d’euros de l’Europe. Il faut bien maintenir l’agriculture pour alimenter la population
Connaissez-vous des smicards qui soient propriétaires d’hectares de terre ?
Ne serait-il pas plus simple pour ceux qui ont du mal à gérer, de devenir ouvriers agricoles, désormais salariés au dessus du SMIC ? Ou de postuler pour un emploi municipal, car ils sont recherches en raison de leur polyvalence. S’ils ne choisissent pas cela, c’est qu’ils se sentent mieux, installés sur leur patrimoine.
.Le haut responsable de la FNSEA posséde 900 ha de bonnes terres à blé, réparties en plusieurs sociétés por payer moins d’impôts et être davantage subventionné par la PAC européenne. Il préside le conseil d’administration d’une société géante de l’agro alimentaire à 9 milliards de chiffre d’affaire.
Nous y voilà : Il faut les aider pour que la balance commerciale de la France soit moins déficitaire, c’est l’agriculture qui nous rétablit un peu. Il nous faut des centaines de chefs d’entreprises agricoles manipulant des milliards.
Ces bénéfices nous aideront à financer un plan social, - la disparition des paysans.
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