Pour tous ceux qui y ont cru
Nous sommes beaucoup – probablement pas la majorité – à avoir espéré que ce 2 août 2011, les républicains mettent davantage de mauvaise volonté à s’accorder avec le président Obama, qu’aucun accord ne soit trouvé, que les Etats-Unis soient en défaut de paiement, que leur note soit dévaluée par les agences de notation, que s’ensuive peut-être une des plus grandes crises de l’économie moderne.
Mais ça n’est pas arrivé. Evidemment, il n’y avait de suspens que pour le malheureux président qui désespérait de convaincre les républicains que leur intérêt était dans un accord rapide. Nous nous doutions tous, plus ou moins, que les Etats Unis ne provoqueraient pas volontairement une énième crise. Mais certains – dont moi – ont eu le fol espoir que la machine soit mal huilée, que l’accord ne vienne pas à temps et que nous assistions à la plongée dans ce qui aurait pu être la plus effroyable des crises économiques tels Edward Norton et Helena Bonham Carter contemplant les immeubles d’affaires s’effondrant dans la scène finale du mythique Fight Club.
Evidemment, on peut très bien imaginer les réactions à ce genre de fantasmes : « C’est une réaction puérile et irresponsable, vous ne mesurez pas les conséquences dramatiques de ce genre de catastrophes ! » J’y répondrai deux choses : Il y a plus d’irresponsabilité à se trouver à l’origine d’une telle crise qu’à la souhaiter et les républicains du Tea Party n’en auraient été responsables qu’en très faible proportion à côté des décennies de crétins inconséquents qui ont tous eu l’opportunité de changer le cap pour éviter le naufrage certain que provoquera tôt ou tard le cumul de guerres coûteuses, la subvention d’industries ralenties et l’amour d’un mode de vie effarant de vacuité et d’inintérêt. Que cet attrait pour le chaos relève de la puérilité, j’en conviendrais plus facilement dans la mesure où l’on peut définir la maturité comme l’acceptation de la société telle qu’elle est, de la fin de la révolte adolescente contre les défauts que comporte le monde contemporain pour enfin se consacrer à sa vie. Parce que oui, il y a quelques problèmes de taille dans cette société qui me semblent nécessiter un peu de contestation ou au moins d’hostilité de notre part. Et pourquoi ne pas souhaiter que revienne un chaos qui pourrait être fécond de nouveaux horizons et duquel émergeraient les talents libérés d’un carcan sécuritaire et niveleur ?
Osons désirer l’inconfort matériel, la fin de la prospérité où le champ de notre horizon était accaparé par le nouveau téléviseur 3D et la dernière tablette tactile pour réapprendre le sens de la vie qui n’est ni dans la croissance économique, ni dans un coupé-cabriolet mais dans l’autre, dans l’art, dans la politique, dans la nature.
« Mais les ouvriers dont l’usine fermera, mesurez-vous la détresse dans laquelle ils se trouveront ? » Quelle détresse ? Celle de ne plus effectuer quotidiennement la même tache abrutissante pour un salaire qui leur permet à peine de payer les jeux vidéo et les baskets à la mode de leurs enfants ? Et que risquent-ils surtout ? De trouver un emploi un peu plus digne et épanouissant dans un commerce de proximité (ceux-ci, face à la crise des multinationales, devraient se redévelopper), un emploi auquel on trouverait un sens et une noblesse, qui correspondrait à un vrai talent. Pour eux, je souhaite infiniment qu’une crise survienne pour qu’enfin, un autre avenir se profile que celui qui se compose d’emplois précaires et abrutissants.
Et enfin je tiens à réconforter tous ceux qui partageaient cet espoir, la crise n’est que repoussée. Et lorsqu’elle surviendra, ce n’est pas l’équivalent d’un énorme building remplit de billets de cents dollars qui s’effondrera, mais beaucoup plus. Parce que la solution adoptée revient peu ou prou à dire « Continuons comme avant, on trouvera les moyens de régler le problème. » Et je fais confiance aux futurs dirigeants pour ne trouver aucune solution et d’ici quelques décennies, le risque que tout s’effondre ne sera plus le fantasme de quelques adolescents en mal de sensations mais une éventualité de plus en plus probable.
(Illustration : Le déluge, tableau de Léon Comerre)
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