Pour une déclaration universelle des droits du « vivant »
Aveuglement, superficialité, cynisme, naïveté, passivité, indifférence, prédation… les mots qualifiant les dérives de nos sociétés modernes ne manquent pas.
L’humanité tout entière, et avec elle la planète et ses occupants, passent dans l’inexorable broyeur actionné par des prédateurs sans foi ni loi que sont les sbires de l’ultra libéralisme. Leur logique ne souffre aucune contradiction. Tel l’araignée, ils ont tendu leur toile autour du globe, piégeant dans leurs stratégies gluantes toute velléité de mouvement : intoxication consumériste des peuples instruits issus du monde démocratique ; asservissement ou asphyxie des sociétés en marge du monde « moderne », « inféodalisation » des dirigeants politiques…
Ils ont su en outre tirer tous les bénéfices de ce qui, dans un monde à l’esprit sain, aurait sonner leur glas. La crise économique majeure de 2008, directement provoquée par leurs agissements irresponsables, a clairement aliéné les peuples sommés d’assumer et de réparer les conséquences d’actes qu’ils n’ont pas commis. Et pour avoir sauvé ces irresponsables, les citoyens sont condamnés à perpétuité, parfois même à mort.
Nullement calmé par le gouffre qui a failli l’engloutir, l’ultra-libéralisme se sent désormais indestructible. Non heureux d’avoir spolié des biens, ce système pervers, conforté dans sa toute puissance puérile, pousse sa logique encore plus loin puisque rien ne lui est refusé. L’asphyxie économique du monde ne lui suffit pas, il dilapide désormais ce que l’homme avait mis des millénaires à obtenir : sa liberté et ses droits fondamentaux. Et le plus extraordinaire, c’est qu’il s’empare de ce bien inestimable avec le consentement de sa victime. Un tel scénario aurait été refusé pour cause d’incohérence absolue. Et pourtant, c’est bien ce que nous vivons à l’aube de ce troisième millénaire qui, si nous ne nous réveillons pas, sera celui de l’absolutisme financier, de l’ignorance, de l’égoïsme infini, de la manipulation de masse la plus totale. L’humanité sera alors plongée dans un coma profond, plus abyssal que tous les obscurantismes qui ont pu traverser son histoire. In fine, l’anéantissement des hommes et de leur écosystème.
L’ultra-libéralisme est la face obscure de la pensée matérialiste. Il a poussé l’objectivation du monde à son paroxysme. Pantin macabre, ce système est le plus insidieux, le plus froid, le plus désincarné. Il nie tout ce qui n’est pas issu de sa pure logique de profit et d’enrichissement d’une minorité, celle de l’oligarchie régnante. Il est l’opposé de la vie. La maladie la plus morbide qui soit, niant l’homme, et le vivant dans sa globalité.
L’ultralibéralisme est un système sociopathe dont la nature est pathologique. Pour l’éradiquer, il faut défendre le vivant dans sa diversité : celle de l’humanité mais aussi de la faune et de la flore, et de la planète toute entière. Il faut rompre la logique d’une vie dépouillée de sens et remettre l’homme en lien avec le monde qui l’accueille.
L’issue de la seconde guerre mondiale a été marquée par la Déclaration universelle des droits de l’homme pour éviter que les horreurs du précédent conflit ne se reproduisent. Il est temps de la réaffirmer et de l’élargir car l’homme ne peut vivre coupé du monde qui l’entoure. Il est indispensable de réactiver les valeurs fondamentales d’une humanité digne de ce nom : ouverte, respectueuse d’elle-même et des autres, responsable, replaçant l’homme et le vivant au centre de ses préoccupations. Sans ce sursaut de vie, l’humanité court à sa perte, à la mise en place d’un homme déshumanisé, lobotomisé, soumis, servile, sourd et aveugle, l’esclave le plus maniable que la terre n’ait jamais porté.
Nous avons eu la chance d’être instruits, d’avoir grandit dans des sociétés démocratiques, d’avoir accès à la connaissance. Nous ne sommes plus les serfs du moyen-âge, facilement aliénables. Et pourtant, nous ne bougeons pas, ou si peu, face à la déferlante du pouvoir financier qui engloutit jusqu’à notre dignité. Nous semblons ne même pas en être conscients, gavés, abreuvés de futilité.
Allons-nous demeurer ces masses silencieuses et indifférentes et laisser sombrer notre humanité en échange de biens et d’objets qui n’ont d’autres utilités que de nous asservir toujours davantage ? Allons-nous autoriser que nos enfants deviennent des esclaves inconscients, ou pire, des humains jugés désormais inutiles ou nuisibles car ne servant plus la logique consumériste abreuvant la nouvelle classe dominante ? Allons-nous les priver de droits fondamentaux dont nous avons jouis et qui, il y a si peu de temps encore, semblaient inviolables ?
« Consomme ou crève » telle est la devise des dirigeants masqués qui se cachent derrière la face de nos élus, tristes marionnettes, pantomimes qui n’intéressent plus personnes. Le pouvoir se joue désormais en coulisse. Il est invisible, insidieux, baignant dans l’impunité la plus totale, échappant à toute responsabilité minimum, arrogant et cynique, chaque jour conforté par notre ignorance, notre naïveté, notre aveuglement. Ces nouveaux dirigeants, plus impitoyables que les despotes les plus absolus, n’ont que mépris pour ce que nous sommes, des moutons inoffensifs.
Pourtant, le troupeau est plus fort que le berger. Si ce dernier mène ses bêtes vers le précipice, il suffit de si peu pour que le bétail retrouve sa liberté et sauve sa peau. L’être humain a quelques avantages sur le mouton, quelques qualités supplémentaires qui devraient lui assurer un meilleur destin. Du moins peut-on l’espérer.
Anne Norman
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