Pour une France, fer de lance de l’ubérisation mondiale !
La France a tout pour être un champion mondial à condition que chacun de nous se réveille et que tous les « faizeux » soient libérés et soutenus

Prise dans la puissance du tsunami numérique qui arrive et de la toile sans cesse plus dense des échanges mondiaux, la France est-elle condamnée à être « ubérisée », c’est-à-dire à voler en éclats ? Serons-nous le parent pauvre d’une Europe dominée ?
A entendre les chantres du déclinisme ou les nostalgiques d’un village gaulois perdu, la réponse serait oui. Je crois à l’inverse que la France est en capacité d’être une championne au temps de la connexion globale, et ce pour des raisons à la fois physiques, économiques et culturelles.
D’abord elle est exceptionnellement bien située : elle est la proue occidentale de l’Europe, à la jonction entre les pays du Nord et du Sud. Comme Singapour se trouve au cœur de l’Asie, la France est au cœur de l’Occident. Avec l’importance de ses façades maritimes, ses ports atlantiques et méditerranéens connectables à leurs hinterlands, la puissance actuelle de ses aéroports, elle a tout pour être un grand hub mondial. Singapour était originellement beaucoup moins bien dotée qu’elle.
Non seulement elle est une proue, mais elle dispose de beaucoup de territoires disponibles et d’un climat tempéré. Nous ne connaissons ni les tempêtes de neige qui bloquent régulièrement les aéroports américains, ni les cyclones, ni les déluges de la mousson. Il suffit de voyager pour voir combien la France est favorisée par son climat. Et les dérèglements en cours ne devraient que renforcer cet avantage.
Autre atout important : la relative jeunesse de sa population et le maintien d’une démographie positive. Là encore une singularité parmi tous les pays développés. À condition bien sûr de ne pas laisser cette jeunesse sans qualification et de lui donner la parole : les anciens sont rarement les mieux placés pour comprendre les ruptures et en tirer parti.
Passons à l’économie : la France est-elle pauvre et déconnectée des flux mondiaux ? Non pas du tout. Nous avons un capital accumulé très important et disposons de très grandes entreprises. La présence de quartiers généraux et de centres de recherche mondiaux en témoigne. Une alerte rouge : notre déficit en entreprises moyennes et notre difficulté à renouveler notre tissu industriel.
Un point très positif : le poids de la France dans le domaine des start-ups technologiques. Le succès de la « FrenchTech » lors des shows récents à New York et San Francisco en témoigne. Et Facebook vient de choisir Paris comme centre mondial sur l’intelligence artificielle.
Dernier pied du triptyque, et peut-être l’essentiel : la dimension culturelle. La France s’est construite comme une terre d’échanges, d’accueil et de brassage. Cohérent avec sa position géographique. Pourquoi donc se mettre à avoir peur aujourd’hui de la globalisation du monde ? Autant celle-ci est orthogonale avec la culture chinoise, autant elle est en phase avec la nôtre.
Autre force : notre talent dans les mathématiques. Avec quatorze médailles Fields, la France est n°1 mondial de la discipline à égalité avec les États-Unis, largement devant la Russie (9 médailles) et la Grande-Bretagne (6). Au moment où les technologies de l’information sont de plus en plus critiques, c’est un avantage clé. À une condition : que nous comprenions que les mathématiques n’ont rien à faire dans le champ du social, et que nous arrêtions de vouloir en faire la science souveraine. En liaison avec les mathématiques, nous sommes aussi un des acteurs majeurs dans le domaine des neurosciences. Une autre brique majeure du monde de demain.
Enfin, n’oublions pas la puissance de notre patrimoine culturel. Nous sommes riches d’un passé qui meuble notre territoire de monuments que le monde nous envie, et notre pays a contribué significativement dans tous les arts, alliant littérature, philosophie, peinture, sculpture ou musique.
Donc oui, la France a tout pour être un champion. Mais être en situation de l’être n’est pas une assurance, juste une capacité. Ce que Singapour a réussi, nous pouvons le faire et bien au-delà. Voilà l’enjeu pour la France : devenir un des concentrateurs des échanges mondiaux en étant un des hubs situés en Europe. Si nous y arrivons, nous serons irrigués par les flux mondiaux, et nous jouerons dans la cour des grands.
Pour réussir, nous devons comprendre que la France n’est pas une abstraction, mais une construction collective : à chacun de nous de se lever pour agir et changer ce qui doit l’être. Soyons une nation de « faizeux » pour reprendre le terme cher à Alexandre Jardin !
Cessons de pleurer à cause de la mondialisation et de regarder le futur avec un rétroviseur. Remettons en cause nos mauvaises habitudes et les chaînes qui entravent nos mouvements. Comprenons que la France sera forte de ce qu’inventeront non pas seulement ceux qui depuis longtemps l’habitent, mais tous qui l’ont rejointe récemment et la rejoindront demain.
Sinon, nous nous réveillerons avec le même déclin qu’a connu l’Inde quand elle a manqué la révolution industrielle du dix-neuvième siècle. Faisons attention que nos schémas de pensée ne soient pas nos castes mentales. La France n’est pas menacée par un péril extérieur, mais d’abord par son mal-être actuel : la dépression qui l’habite chaque jour davantage, nourrit nos peurs et nos regrets, et se nourrit d’eux.
Rien de ce qui a été fait à Singapour ne nous est inaccessible : nous sommes riches de nos compétences, de l’attrait de notre territoire, du capital accumulé, et de notre capacité d’innovation. N’ayons pas peur du rattrapage de la Chine : voyons-la comme un nouveau marché et un partenaire. Notre présence y est réelle, témoin ces douze mille Français qui résident aujourd’hui à Shanghai, y constituant la première communauté européenne.
Il est encore temps, mais c’est maintenant urgent. La France a tout pour réussir dans un monde tissé de connexions globales, mais malheureusement nous sommes un champion qui s’est endormi : nous sommes comme ses personnes âgées qui, percluses de rhumatismes, incapables de bouger, raides dans leurs certitudes, expliquent à leurs enfants et petits-enfants ce qu’il faudrait faire.
Levons-nous, quittons le fauteuil dans lequel nous sommes lovés, et partons faire de l’exercice ! Refondons nos institutions politiques et sociales pour libérer les énergies et faire de la France un des cœurs du réseau européen, et donc mondial.
Tel est l’appel central de mon livre, « 2017 : le Réveil Citoyen ». S’il est entendu, loin d’être ubérisée, la France sera un des fers de lance de l’ubérisation du monde !
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