Pour une poignée de dollars...
Il ne manque plus que la musique de Sergio Léone... Une horde de chercheurs d'or qui viennent réclamer que les voleurs soient pendus haut et court, la vox populi veut rétablir la peine de mort contre les détrousseurs... Mon propos ne consiste pas à prendre parti contre ou pour le bijoutier... Je ne sais pas quelle aurait été ma réaction dans ce cas. J'espère qu'il ne me serait pas venu l'idée de posséder une arme à feu... La vie n'a pas de prix et je ne la prendrais point pour une poignée de dollars... Non ce qui m'effraie le plus ce n'est pas ce fait divers malheureux qui confond le coupable en victime et inversement. Ce qui me révulse, c'est cette vindicte populaire pour soutenir l'assassinat d'une âme égarée : pour ces abrutis décérébrés, il est légitime de tuer pour une poignée de dollars alors même que la vie n'est pas en danger ! Les assoiffés de la ruée vers l'or réhabilitent la peine de mort et importent là encore le modèle américain avec ses règlements de compte et ses tueries...
Pour autant, je le répète, je ne condamne pas le bijoutier. Pour moi, les responsables sont les pouvoirs publics qui surtaxent les artisans et commerçants et ne les accompagnent pas pour leur garantir un environnement de travail pérenne et sécurisé. Etranglé par la pression fiscale qui pèse sur leurs épaules, le premier employeur de France, l'Artisanat, doit trop souvent choisir entre les investissements ou se verser un salaire. Il leur est difficile d'investir dans des dispositifs de sécurité adéquats. L'Etat a choisi de se soumettre aux empires du CAC 40 en les exonérant d'impôts en tout genre plutôt que de soutenir les Artisans, les TPE et les PME qu'il assomme sous les taxes en tout genre. Le voilà le vrai braquage ! Un artisan paie entre 35 et 50% d'impôts quand Total n'en paie que 8%. L'artisanat est le premier employeur de France, le CAC 40 est le premier licencieur ! Si l'on rajoute à cela la purge draconienne infligée aux forces publiques de sécurité... La fusillade peut commencer !
Et que faisait ce bijoutier avec une arme à feu ? Nous sommes en France, on ne peut se faire justice tout seul. Encore, si ces braqueurs avaient possédé une arme, la défense du bijoutier aurait pu être légitime sur l'instant... Mais non seulement ils n'en possédaient pas et en plus ils étaient en fuite : le bijoutier a voulu se faire justice lui-même ! Imaginons qu'il tue des passants dans la rue, comment aurait réagi la vox populiste ? Ceci étant dit, je peux entendre qu'un certain ras-le-bol chez les commerçants puisse les pousser à se faire justice. Se faire violer à tour de bras pousserait n'importe lequel d'entre nous à des excès.
Mais le chaland, lui, se met-il vraiment à la place du bijoutier lorsqu'il braille sa soif de vengeance ? Non, il vomit son intolérance face à des comportements qui sont pourtant animés avant tout par la même motivation qui pousse ces mêmes bidochons à rêver d'Euromillions. Nous sommes tous aujourd'hui obnubilés par la propriété matérielle et rêvons quotidiennement d'une vie de rentier. Nous avons tous adhéré pleinement à l'américan way of life à la mode européenne. La bonne vieille France des campagnes et des bistrots se rêve en Ferrari avec une Rolex et une bimbo en string. Or la ruée vers l'or peut s'envisager selon différents scénarii : certains travaillent comme du bétail en plaçant tous leurs espoirs sur un ticket de loterie, d'autres investissent tout leur patrimoine dans une affaire, une bijouterie par exemple et enfin quelques-uns ont choisi une voie moins labourieuse, mais plus risquée et immorale, la crapulerie, le banditisme. Au final, beaucoup, une grande majorité, travaillent pour s'endetter, se résignent ou vont en prison. Mais tous continuent de rêver à la ruée vers l'or. Bien sûr, dans ce modèle économique, la plus grande entrave à ce rêve est l'insécurité d'après les médias et les pouvoirs publics, en choeur : il suffit de regarder la télé pour s'en convaincre. On rentre du travail et on a le choix entre NCIS, New-york police judiciaire, les Experts et autres séries policières dans lesquelles les méchants sont omniprésents. On mange ensuite devant les actualités qui relatent l'insécurité féroce qui vient mugir dans nos campagnes jusque dans nos bras et qui depuis la campagne de Jacques Chirac en 2002 est devenue le sujet incontournable de la messe télévisuelle quotidienne. On se croirait à les écouter sur un champ de bataille dans le Bronx avec Al Quaïda en Auvergne Islamique. A force de mimétisme, on risque de voir advenir sous peu des évènements comme ceux de Columbia, Virgina Tech et autres carnages sauce Western. On devrait d'ailleurs autoriser le port d'arme et créer la NRA pour aller plus vite...
Il y a juste une remarque que j'aimerais faire à cette meute assoiffée de vengeance : vous estimez légitime de tuer un braqueur. Soit. Pourquoi alors ne pas vous rebiffer contre les institutions et ses représentants qui sont pourtant responsables du plus grand braquage dont nous sommes tous les victimes ? Vous, la populace assoiffée d'insécurité, qu'attendez-vous pour faire entendre vos voix contre le braquage perpétuel que subissent les artisans, les commerçants, les petits patrons et les classes moyennes... Peut-être est-il plus simple de tuer un petit voyou que d'avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaitre que les plus grands voyous sont ceux qui sont affublés d'une cravate, que vous adulez et que vous mettez au pouvoir ?
Il est vraiment triste de vivre dans un pays qui se mobilisent spontanément contre de vulgaires petits voyous, des voleurs d'étalage et qui reste amorphe devant le pillage institutionnel et organisé des richesses qu'il produit !
Je vous en conjure, Messieurs les assoiffées d'insécurité, prêts à tuer pour une poignée de dollars : prenez conscience que si il y a de plus en plus de braqueurs et autres emmerdeurs, c'est parce qu'il est de plus en plus difficile d'imaginer s'en sortir par le travail. Le travail ne fait plus rêver. La plupart d'entre nous feraillons 5 jours sur 7, 45 semaines par an pour pouvoir s'endetter. Nous partageons tous le même rêve et la même désillusion : chômeur, salariés, patrons de PME ou de TPE, artisans, commerçants. Nous sommes tous victimes du plus grand braquage de l'histoire : une nouvelle noblesse de cours composée d'hommes politiques, de banquiers et de grands industriels nous rackette tous en nous exploitant tel du bétail que l'on fait rêver à la ruée vers l'or. Et nous, pour une poignée de dollars, nous sommes prêts à dénoncer l'immigré, le gueux, l'assisté ou le voleur de pomme. Nous sommes prêts à rallumer le bûcher....
Si nous souhaitons vivre dans la sécurité, si nous souhaitons travailler pour réellement se mettre à l'abri du besoin et se créer ainsi un environnement paisible basé sur la justice pour un plus grand nombre d'entre nous, nous devons cesser ces fausses revendications sécuritaires, ces dénonciations contre nos voisins de paliers, ces ségrégations sociales, culturelles et ethniques. Nous devons tous ensemble exiger que la voyoucratie qui nous dirige, rende des comptes et l'argent qu'elle nous extorque. Alors, une fois l'injustice sociale abolie, l'escroquerie institutionelle punie, nous pourrons juger sévèrement ces petits abrutis qui polluent notre quotidien... On ne peut occulter qu'une très grande majorité de ces petits truands n'est que le fruit d'un système qui fait de l'argent le socle de notre modèle de société, au-delà du vivre ensemble, des moeurs qu'il impose, sans foi, ni loi, à l'instar de nos dirigeants et autres grands patrons.
Quant à vous, Monsieur le Bijousticier, je vous laisse à votre conscience : vaut-il mieux avoir perdu une poignée de dollars ou avoir donné la mort ?
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