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Accueil du site > Tribune Libre > Pour une presse d’information ou pour une presse engagée (...)

Pour une presse d’information ou pour une presse engagée ?

L’affaire Bettencourt et la polémique sur la politique sécuritaire du gouvernement ont mis en relief une presse qui dérange le pouvoir en place : celle de journaux indépendants : Mediapart, Marianne et Le Canard Enchainé, qui ont choisi non seulement de révéler des faits, mais aussi de provoquer l’opinion et de prendre parti contre des dérives aux valeurs républicaines, à la moralité politique, à l’intérêt général. Sur sa posture très critique, cette presse a presque supplanté l’opposition politique traditionnelle incarnée par les partis. Réplique immédiate du gouvernement et des personnes mises en cause : éviction, contournement, étouffement des faits, condamnation d’une presse « populiste » aux relants nauséabonds, diversion. Certains lui reprochent de faire de la politique au lieu de se cantonner à son rôle d’information ...

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Le métier de la presse et des médias (audiovisuels) consiste tout d’abord à fournir de l’information. Oui mais quelle information ?
- Une (des)information distillée savamment par le pouvoir en place avec la complaisance d’une direction soumise à des actionnaires « en affaires » avec le pouvoir, dont les intérêts sont liés financièrement ? 
- La publication de résultats de sondages visant à confirmer ou à influencer l’opinion publique, après avoir été commandités, financés, orientés par la façon dont les questions sont posées, jusqu’à rendre possible des publications concomitantes de résultats apparemment contradictoires (cf. le sondage CSA publié samedi 14 Août par le journal Marianne démontrant que 70% des Français jugent inefficace la politique sécuritaire menée par Nicolas Sarkozy alors qu’un sondage IFOP commandé par Le Figaro démontre que les Français plébiscitent cette politique sécuritaire) ?
- Des faits, rien que des faits ? Mais le fait même de décrire un fait, de sélectionner un fait plutôt qu’un autre, ou celui de taire un fait, n’est-il pas déjà un acte orienté ? De même que la façon de le relater, de l’argumenter ?
 
Le rôle de la presse et des médias (audiovisuels) est aussi celui de :
- diffuser les opinions délivrées par les différents courants politiques sur une orientation gouvernementale, un projet de loi et des événements publics en réaction à l’actualité ;
- aider le lecteur à comprendre l’information en la resituant dans le contexte, l’histoire, en rappelant des chiffres clés ;
- permettre ainsi au citoyen d’analyser lui-même l’information, de comparer les opinions et d’entrer dans le jeu politique en participant au débat et en faisant ses choix.
 
Aussi ai-je été étonnée et même choquée en lisant l’interview accordée par le journal Marianne à Michel Rocard, parue dans le numéro du 7 Août dernier, lorsque ce dernier reproche le comportement des journalistes de Marianne : « Vous vous comportez non comme des journalistes d’information pure, mais comme des acteurs politiques. C’est aux hommes politiques d’agir en politique. Ainsi, vous sollicitez de moi cette interview et je sais que, si je l’avais refusée, vous en auriez informé vos lecteurs. C’est une forme de chantage ! ».
Michel Rocard exprime ainsi sa désapprobation envers l’engagement du journal, ses attaques répétées à l’encontre de Nicolas Sarkozy et de sa politique, non pas sa désapprobation d’une ligne politique défendue par le journal, mais le fait même que le journal exprime une critique, un avis politique. Fidèle lectrice de Marianne depuis sa création par Jean-François Kahn, je puis témoigner personnellement que c’est justement ce sens critique du journal qui me plait, ainsi que la façon dont ses journalistes décryptent l’information, s’interrogeant sur le fond des sujets, surtout s’ils portent atteinte aux valeurs de la démocratie et de la république, à l’intérêt général, à une éthique, au respect de l’homme et de sa dignité, ceci indépendamment de tout engagement en faveur d’un parti quelconque. Il arrive souvent à Marianne de critiquer des annonces ou des décisions du gouvernement, en référence à ces valeurs, certes. Mais précisons aussi qu’il lui arrive aussi de critiquer des positions ou au contraire des absences de positions, ou des comportements, manifestés par des opposants à ce gouvernement, qu’ils soient du PS ou d’ailleurs … La presse ne devrait-elle que délivrer une information « pure », (si seulement ce qualificatif était concevable dans l’expression de toute information …) ? Et même dans ce cas l’AFP suffirait donc …
 
Le mois dernier, à propos de l’affaire Bettencourt, Michel Rocard avait co-signé avec Simone Veil dans le journal Le Monde une tribune « Halte au feu  », suite à la publication par Mediapart des écoutes téléphoniques mettant en cause notamment Eric Woerth, s’indignant de la tournure de type « attaque ad hominem » de l’événement. Or qu’avait fait Mediapart ? Justement diffuser une information « pure », restituer des conversations privées rendues publiques, dont le contenu dévoilait une atteinte à l’intérêt général. Mediapart a aussi relevé les conflits d’intérêt sous-jacents. Il ne s’agissait même pas de s’attaquer personnellement à un homme, mais bien de dévoiler des faits ! Je m’attendais à une autre réaction de la part de ces anciens ministres que j’ai tant admirés et respectés … Et aujourd’hui je me demande, comme le fait Maurice Szafran, le directeur de Marianne, dans son éditorial daté du 7 Août 2010, pourquoi Simone Veil ne réagit pas, tant en qualité de juriste éminente que pour la défense des valeurs humanistes qu’elle incarne et en écho au souvenir douloureux de la shoah et du régime de Vichy qui a permis sa mise en application, pourquoi ne réagit-elle pas à l’annonce faite à Grenoble par Nicolas Sarkozy, d’appliquer une loi sécuritaire différenciée à des citoyens « d’origine étrangère », de déchoir ces derniers de la nationalité française, mesure anticonstitutionnelle car ne respectant pas l’égalité des citoyens devant la loi, de même qu’elle pourrait aussi réagir à cette idée de punir de prison des parents pour des crimes commis par leurs enfants ?
Pourquoi Michel Rocard ne fait-il pas publiquement aussi cet appel à Simone Veil, si comme il le dit, c’est aux hommes (ou aux femmes) politiques d’agir en politique !
 
Le lecteur citoyen éclairé a une exigence absolue de vérité, d’abord celle des faits, peu importe la manière dont ils sont commentés, qu’il jugera pertinente ou non, grâce à un sens critique qu’il doit à toute force maintenir éveillé. Merci à Marianne, à Mediapart, au Canard Enchaîné, d’avoir révélé des faits !
 
Le lecteur démocrate a aussi un besoin avide de liberté, liberté d’expression des opinions, de leur diffusion, ainsi que de sa propre parole et de ses choix politiques. En se sens une presse « engagée », qui montre une orientation politique, ne doit pas l’offusquer. Elle est moins dangereuse qu’une presse aux ordres qui n’avoue pas l’être et manipule les esprits.
 
Le lecteur républicain est attentif à l’existence de contre-pouvoirs et à la séparation des pouvoirs, à l’Esprit des lois de Montesquieu, non seulement entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais comme le dit François Bayrou également médiatique et financier. Les conflits d’intérêt révélés par l’affaire Bettencourt témoignent de cette dérive de séparation des pouvoirs :
- les liens financiers entre un parti politique, le gouvernement, et des puissances financières,
- les liens entre le pouvoir exécutif, le président de la république, et le pouvoir judiciaire, un procureur ami du président,
- enfin les liens entre le pouvoir et la presse, devenue très timorée dans la diffusion des faits nuisant au pouvoir, parfois porte-parole d’une pensée unique préservant les intérêts financiers et politiques d’une caste dominante liguée, où pratiquement seuls des journaux indépendants de ces puissances financières osent dévoiler des faits mettant en cause le régime en place et osent aussi prendre parti contre les dérives qu’il engendre à l’encontre de l’intérêt général et des valeurs de la république.
 
Alors oui à une presse d’information qui révèle des faits ! Oui à une presse engagée qui réagit, qui représente le 4ème pouvoir ! Oui à Internet qui incarne un 5ème pouvoir ! Merci à Marianne, merci à Mediapart, merci au Canard Enchaîné !
 

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7 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 18 août 2010 11:48

    Tout à fait Marianne,

    " Le lecteur républicain est attentif à l’existence de contre-pouvoirs et à la séparation des pouvoirs, à l’Esprit des lois de Montesquieu, non seulement entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais comme le dit François Bayrou également médiatique et financier. " On peut même aller encore plus loin, médical, avec la griph1n1, internautique, avec les lois liberticides, etc...

    Le pouvoir et l’État en général subit l’effet mondialisation venu d’ailleurs, mais qui rêve d’une seule et unique tête marchant vainqueure au pas cadencé vers un avenir radieux et brillant..un peu comme l’internationale aujourd’hui défaite. Mais pour ce faire, il n’y a pas d’autre moyen que d’acheter tous les rouages de la grande roue du pouvoir totalitaire qui écrase tout les individus et les idées sous son pognon.

    Merci à cette presse courageuse et ceux qui la défendent.


    • ELCHETORIX 18 août 2010 13:01

      ON ne peut que souscrire à l’analyse de votre billet , donc merci pour cet article !
      par contre la solution de changement de société par le modem , oui , par rapport à l’actuel et même UMPS , mais mieux car pour moi le centre quel qui soit , représente toujours la bourgeoisie égoïste et par extension la « DROITE » .
      IL y a d’autres solutions de type de société économique à imposer au Français moyen , à vous de les chercher !
      RA .


      • ZenZoe ZenZoe 18 août 2010 14:29

        J’aime beaucoup votre article qui soulève de bonnes questions.
        Personnellement, je pense que le problème se situe dans la sphère politique.
        Toute démocratie efficace doit en effet se doter de contre-pouvoirs, et ce rôle devrait être assumé par les partis dits d’opposition.
        Or, il y a une déliquescence de ces derniers depuis des années, et particulièrement du PS. Querelles internes prenant le devant de la scène et absence de consensus, absence ou illisibilité des programmes, critiques erratiques du pouvoir en place, refus d’évoluer etc.
        Dans ce contexte d’une opposition chancelante, il n’est pas étonnant que d’autres structures prennent sa place - les medias l’ont fait.
        On peut regretter ce fonctionnement, mais je pense qu’il est tout de même préférable à une absence quasi-totale de contre-pouvoirs.
        Quant à Rocard et Veil, au lieu de fustiger les journalistes, ils feraient mieux de faire des propositions concrètes pour une éthique renforcée au gouvernement. Ils seraient tout à fait dans leurs rôles.


        • Thérèse Leduc 18 août 2010 20:28

          Par les temps qui courent une presse plus engagée serait la bienvenue.

          Merci aussi au Monde Diplomatique et à Politis.

          • Sergeo 18 août 2010 22:28

            La presse engagée a souvent le mérite d’assumer ses engagements et, donc, de jouer franc jeux même si, parfois, cela peut choquer les âmes sensibles... Le pire, c’est la presse d’information qui revendique le fait d’être une presse d’info mais qui, en réalité, distille une véritable propagande. La France en a vraiment souffert. Pour ma part, je ne crois plus, globalement, à l’honnêteté de la presse d’information...


            • Thérèse Leduc 18 août 2010 23:13

              Tout à fait !


              La presse d’information diffuse (bêtement ?) les message préparés par les agences de lobbying au service de la poignée de multinationales qui influe sur les décisions politiques du monde. Les autoroutes de l’information sont vraiment une aubaine pour faire passer leur message. Elles servent plus les intérêts économiques de ceux qui font passer les messages que l’enrichissement culturel de ceux qui les reçoivent.



            • dominique55 19 août 2010 10:00

              Je suis globalement d’accord avec la nécessité d’accéder à une presse engagée. Simplement je pense qu’on ne peut pas être humaniste dans les pages politiques et faire du sous-gala dans les autres page. Selon l’expérience que j’en ai, c’est le cas de Marianne :

              Il y a quelques années, sur la foi d’une pub signée Jean-François Kahn et Maurice Szafran qui affirmaient « Si vous rêvez,comme nous de remettre l’homme au centre de tout...Alors Marianne est fait pour vous. », j’ai souscrit un abonnement. Dès le deuxième numéro, dans la rubrique « Ils l’ont fait » était publiée la photo d’un indonésien couvert de verrues (une sorte d’infection par le papillomavirus je crois), photo assortie d’un texte évoluant entre les pleurnicheries du type « l’horrible surnom d’homme arbre » et les plaisanteries à deux balles sur le même thème (vieille branche, élaguer, déraciner...)

              Il est clair que, si la rédaction de Marianne avait appliqué ce traitement à un citoyen Français identifiable, il s’en serait suivi de sérieux ennuis. En tout cas, cet épisode a totalement discrédité ce journal à mes yeux.

              J’ai envoyé une lettre à la rédaction de Marianne et aux signataires de la publicité qui m’avait fait acheter ce torchon. Personne n’a répondu, bien sûr, et j’ai mis les numéros suivant à la corbeille sans les ouvrir.

              On me dira sans doute que mon courrier n’est pas parvenu aux trois destinataires et que Marianne répond toujours au courrier : j’en ai conservé le double, il est toujours à leur disposition !

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