Pourquoi Donald TRUMP a-t-il hésité à se retirer de l’Accord de Paris sur le climat ?

L’Accord de Paris sur le climat est issu de la COP21 (Conférence des Parties 21) organisée en France du 30 novembre au 12 décembre 2015. Il a été ratifié par 195 pays (174 pays et l’UE) qui se sont accordés autour de trois grands points : contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C, se désinvestir des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone (équilibre entre les émissions de Gaz à effet de serre anthropiques et l’absorption de ces derniers par les puits de carbone tels que les forêts et les océans). Pour entrer en vigueur, l’Accord de Paris a dû être signé par 55 pays représentant au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).
Qu’est-ce que la COP21 ?
La COP 21 de Paris s’inscrit dans un processus de négociation climatique international impulsé en 1972 par le premier sommet de la terre organisé à Stockholm, qui avait permis la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Ces rencontres décennales, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU), permettent la mise en place d’outils juridiques et politiques afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la planète.
C’est le sommet de la terre de Rio en 1992 qui a adopté la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) entrée en vigueur en 1994. Les pays signataires de cette Convention-cadre se retrouvent chaque année à l’occasion des Conférences des Parties (la COP 21 correspond à la 21ème rencontre annuelle depuis 1994). Les sommets de la terre ont pour objectif de stimuler le développement durable à travers la mise en place des ODD (Objectifs mondiaux en faveur du Développement Durable) qui se sont substitués aux OMD (Objectifs du millénaire pour le développement) arrivés à échéance fin 2015.
Ces différentes rencontres ont instauré une capacité collective à diagnostiquer, gérer et combattre le réchauffement climatique en faisant intervenir des acteurs étatiques et de la société civile. En dehors des aspects législatifs et politiques, les sommets de la terre et les Conférences des Parties témoignent d’un enjeu symbolique fort, celui d’une force commune pour le respect des contraintes écologiques. Par conséquent, les débats sur l’efficacité concrète de ces sommets sont nombreux. Ils mettent en avant les inégalités géographiques et de développement de chacun des pays signataires et pointent du doigt certaines injustices actuelles. Les pays du Nord sont les plus gros pollueurs tandis que les pays du Sud subissent les plus grandes transformations climatiques (disparition de cinq îles dans les îles Salomon, sécheresse en Afrique subsaharienne, etc.). Des critiques quant à la non-évocation de la tarification carbone et au non-abandon de l’extraction des énergies fossiles par l’Accord de Paris seraient légitimes. Des désaccords sur les seuils persistent (ex. contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C quand celui-ci a augmenté de 1°C au-dessus du niveau préindustriel en 2015). Cependant, l’inertie décisionnelle souvent citée par les détracteurs ainsi que la faiblesse des objectifs sont à mesurer compte tenu du nombre important des participants, des approches environnementales et des enjeux liés à la culture, à la société et à l’économie de chaque pays. L’objectif de cet Accord se trouve dans la construction d’un appareil collectif à l’échelle planétaire adapté à tous. C’est une construction récente qui prend du temps.
Les critiques envers la COP21 de Paris portent également sur l’absence de contraintes juridiques en cas de non-respect de l’Accord. Ce dernier ne dispose pas de mécanismes coercitifs ou de sanction contrairement à ce que prévoyait le protocole de Kyoto (1997 entré en vigueur en 2005. Les sanctions peuvent être données sous plusieurs formes et les pays concernés ne sont pas obligés de les suivre, Accords de Bonn-Marrakech non adoptés par amendement au protocole de Kyoto). L’Accord de Paris est un traité international et non un protocole (le droit international prime, en principe, sur le droit national). Par exemple, cet Accord n’est pas passé devant le Congrès américain, majoritairement républicain, qui aurait empêché sa signature. La mise en place concrète de l’Accord de Paris ne tient donc qu’à la bonne foi des pays signataires comme le prévoit la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. De plus, les obligations juridiques mentionnées dans l’Accord de Paris jouent avec les nuances (« shall » ou « should ») complexifiant ainsi le travail de traduction tout en laissant la place à de possibles interprétations.
Par conséquent, s’il n’y a pas de contraintes législatives, qu’est-ce qui motive Donald TRUMP à sortir de l’Accord de Paris ?
Donald TRUMP n’a jamais caché son désaccord avec les sommets de la terre. Sa campagne présidentielle fut parsemée de discours climato-sceptiques. Ses déclarations lors de Rio+20 en 2012 accusaient même le sommet de la terre de soutenir les Chinois. De plus, il a nommé Scott PRUITT, climato-sceptique, à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), agence qu’il a combattue lorsqu’il était ministre de la Justice de l’Oklahoma. La signature de l’Accord de Paris par Barack OBAMA en 2015 ne convenait pas au nouveau président américain.
Donald TRUMP est conscient des contraintes politiques qu’engendre une sortie de l’Accord de Paris. En effet, la société civile américaine ainsi que les organisations locales à l’instar des métropoles soutiennent cet Accord. Des villes comme Portland ou encore San Francisco sont des pôles actifs dans la protection de l’environnement. Certaines industries américaines ont commencé à réduire leurs émissions de GES sans attendre les traités internationaux ou les directives du gouvernement américain. La sortie des États-Unis de l’Accord de Paris accentue donc les clivages idéologiques présents sur le sol américain. Certains proches de Donald TRUMP soutiennent l’Accord de Paris (sous certaines conditions) comme Ivanka TRUMP, sa fille et proche conseillère. Rex Tillerson, ministre des affaires étrangères et ancien CEO de la compagnie pétrolière Exxon Mobil aurait conseillé au président américain de ne pas se retirer, mais de renégocier le traité international (l’accord de Paris permet aux adhérents de modifier leurs engagements).
Cependant, les États-Unis ne pourront sortir définitivement de l’Accord de Paris que dans trois ans, peu de temps avant les prochaines élections présidentielles américaines de 2020, ce qui rassure les partisans de la COP21. Les États-Unis sont les deuxièmes plus gros émetteurs de GES après la Chine (25%) avec 18% des émissions. Les chiffres sont impressionnants et attestent, en partie, de l’échec de l’Accord de Paris avec le retrait des États-Unis.
Il est néanmoins nécessaire de prendre du recul sur ces pourcentages afin d’analyser les différentes situations actuelles. Il est par exemple souhaitable de s’intéresser à l’émission de GES par habitant et non par pays. Il est évident que la Chine pollue plus que la France compte tenu de sa démographie, de sa superficie et de ses modes de production. Il est également utile d’observer les capacités de chaque pays à agir. Un pays qui a tendance à beaucoup polluer, mais qui possède les potentialités pour changer ses modes de production et de consommation sera moins surveillé qu’un petit pollueur qui n’a aucun moyen de gérer ses émissions. Il faut également observer les émissions de GES sur une période relativement longue pour s’apercevoir que les émissions de CO2 de l’Europe par exemple, diminuent significativement depuis une soixantaine d’années.
Aussi, la décision de Donald TRUMP de se retirer de l’Accord de Paris engendre donc de nombreux dommages collatéraux parfois compensés par les initiatives individuelles et locales de certaines villes et industries américaines. Les 18% d’émissions de GES des États-Unis sont loin d’être négligeables surtout quand on se penche sur les estimations de l’ONU qui prévoient 250 millions de réfugiés climatiques pour 2050. Le président des États-Unis doit à ce jour trouver une cohérence entre ses déclarations de campagne et les intérêts (pas seulement climatiques) internationaux. L’absence de sanctions et la possibilité de se désengager de l’Accord de Paris a offert à Donald TRUMP la possibilité d’appliquer enfin ses promesses de campagne souvent bloquées par le congrès et la société civile. Ainsi, en mettant en retrait les États-Unis des négociations climatiques internationales, Donald TRUMP affecte considérablement la diplomatie et les relations internationales américaines tout en se mettant à dos une partie de la société. L’Accord de Paris n’est certes pas parfait, mais a besoin du soutien de superpuissances comme les États-Unis pour jouer son rôle de cadre global pour faire face aux changements climatiques.
Pierre Benjamin GIRARD, géographe consultant, geogir.fr
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