Pourquoi en Grèce
En général, pour moi écrire est un plaisir, un amusement. Je ne suis pas particulièrement attiré par les pamphlets et autres cours magistraux. Je préfère l’humour ou, à la limite, un cynisme bon enfant qui souligne les incohérences des uns et des autres, moi inclus. Cependant, le sort réservé à la Grèce, mon pays, tellement exemplaire de ce sac organisé qu’est devenue la gouvernance européenne et mondiale, m’oblige à écrire sans plaisir, ni jeux de mots, ni clins d’œil amusés. De quoi s’agit-il ? Je dirais d’un effort pénible, par ce que mille fois répété en vain, pour tracer une aventure réactionnaire et prédatrice qui vise de transformer un échec patent d’un système financier en un outil d’exploitation cynique œcuménique s’alignant sur ce qui est aujourd’hui le modèle à suivre, la Chine.
Cet effort de mémoire me permet de citer le patron du Figaro, monsieur Dassault, qui, lors de ses veux de 2009 à son journal prédisait comme système de gouvernance politico-économique idéal celui mis en place par Pékin. Ils sont malins les chinois disait-il, faisons comme eux. Et on y est. Je soulignais alors, que cette organisation oxymore qui permet, sous une chape de plomb autoritaire et autiste niant les droits fondamentaux humains d’exploiter sans entraves le travail, et de passer outre l’Etat de droit, mais aussi les règles élémentaires de l’économie de marché par l’utilisation extensible à souhait des exceptions que cette même économie s’est offerte : contrefaçon, offshore formelles et informelles, paradis fiscaux, délocalisations et extra territorialisation des services et surtout des bénéfices. Ce qui était, juste avant la crise de 2008 une exception - certes envahissante -, un rouage d’appui à l’économie dite « formelle », est devenue la règle. Soyons clairs : le scandale chinois (ou indien, ou thaïlandais, ou taïwanais, ou hongkongais, ou russe, ou malaisien etc.), était déjà largement partagé par les entreprises occidentales installées sur place le nourrissant ou le représentant au sein du commerce et de l’économie bien de chez-nous. Mais si elles en profitaient et le légitimaient largement, du moins pouvaient-elles nous dire en tartuffes qu’elles n’en étaient que des rouages subissant un choix qu’elles n’approuvaient pas forcement.
La crise de 2008 changea la donne. A l’instar de Dassault, on se mit à croire que ce régime autoritaire, ce système économique planifiant la misère et choisissant qui et quand en sortirait, n’était pas une mauvaise idée. On alla plus loin : autant créer ces conditions de misère, ponctuellement, ici et là, pour faire de la baisse du prix du travail et à la paupérisation de l’Etat l’image d’une fatalité indiscutable. Puisque les jours meilleurs n’étaient plus au programme, autant motiver par la peur, la déchéance et le sauve-qui-peut. La crise financière se transforma en crise de la dette, en crise permanente, en crise de la démocratie et de l’Etat de droit, comme l’a cyniquement expliqué le ministre des finances allemand : les grecs avait-il affirmé, doivent choisir entre la démocratie et leur dette. En effet, directement ou indirectement, le processus démocratique fut bafoué dans tous les pays - cibles, les fameux PIGS, donnant naissance à des gouvernements non élus ou élus sous la peur et le chantage. Tandis que le chômage augmentait, que les classes moyennes disparaissaient, que les commerces fermaient et les entreprises tombaient en faillite, on continua comme si rien n’était, et pour cause : un nouvel eldorado se préparait, un far-West loin des lois et des règles de la cité, si longtemps désiré par l’économie financiarisée depuis la chute du mur de Berlin et les frustrations des trente dernières années. En effet, la chute du communisme en Union Soviétique, loin de créer un nouveau marché engendra un système hybride mafieux capitaliste et nationaliste à la fois qui échappait à la « rationalité économique occidentale » tandis que les pays ex satellites, tout en intégrant l’UE, restaient accrochés aux us et coutumes des Vory Zacone, ces rois du marché noir, de la corruption et de la prédation des régimes soviétiques. Ce qui n’empêcha pas, bien entendu, la main mise de ce capitalisme financier à changer le fusil d’épaule et à collaborer avec ce qui a de plus sordide à l’est. Les « restructurations » en Europe de l’est eurent bien lieu mais, trop limités et trop « parasitées », ne donnèrent qu’un souffle, un sursis à l’économie mondiale « rationnelle ».
La financiarisation extrême de l’économie, les bulles et autres « crises » sont en fait la conséquence d’une machine qui tourne à vide, faute de marchés réels. A quelques exceptions près, l’industrie et le commerce (économie réelle) gagnant l’essentiel non plus par les clients mais par les fournisseurs de biens, de services et de la sous-traitance. La transformation de l’effondrement financier en « crise souveraine » permet ainsi, en abaissant le prix du travail, en délestant l’économie réelle des contraintes de la cité, en créant une pression à la « chinoise » sur la production « formelle », permet enfin un retour en arrière tant désiré par le capitalisme, un retour à un monde sans règles et sans lois dématérialisé et délocalisé sur les pays pré-choisis qui deviendront à leur tour le modèle à suivre pour tous les pays occidentaux, sans exception.
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