Pourquoi je ne signerai pas le Serment du Management

Aujourd’hui je viens de recevoir un mail de l’organisatrice de la cérémonie de remise des diplômes de mon école. Dans ce mail, elle précise que les futurs diplômés sont invités à signer le « Serment du Management » à l’instar de «  prestigieuses universités (Harvard, Duke, McGIll, MIT, London Business School…)  ». Ces petits placements produits m’horripilent, la comparaison est démesurée entre mon école, qui reste un véritable tremplin vers l’emploi, et ces universités qui n’offrent pas les mêmes responsabilités à leurs diplômés.

Outre la question relative à l’accréditation EQUIS, sésame tant attendu chaque année par l’école, ce serment a pour but « d’instiller aux étudiants un esprit d’éthique dans l’entreprise ». Sensible aux questions d’éthique et de bien être dans l’entreprise je me suis donc plongé dans le dit serment, ce qui m’a convaincu de ne pas le signer.

Certes, certains des articles sont plein de bon sens « Mon objectif est de diriger les hommes et de gérer les ressources afin de créer une valeur qu’aucun individu ne peut créer seul  ».

Pour autant, d’autres points paraissent nettement plus difficiles à respecter … 

« Je m’abstiendrai de toute corruption, concurrence déloyale et autres pratiques préjudiciables à la société »

Ici aussi cela va de soi. Pourtant en lisant cet article je ne peux m’empêcher de penser au récent procès des LuxLeaks dont le verdict a requis 18 mois de prison contre les lanceurs d’alerte. J’ai aussi en mémoire ce témoignage d’un de nos intervenants nous expliquant que la corruption était inévitable pour obtenir des VISA dans certains pays d’Afrique mais passons.

« Je protégerai les droits de l’homme et la dignité humaine de toutes les personnes touchées par mon entreprise, je m’opposerai à la discrimination et à l’exploitation »

Là je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée émue pour tous mes anciens compagnons de classe qui vont rejoindre des grandes multinationales tellement soucieuses du bien-être de leurs employés. Ou encore pour ceux qui travailleront dans les compagnies d’énergies : « Je protégerai le droit des générations futures d’améliorer leur niveau de vie et de profiter d’une planète saine ». 

« Je respecterai et ferai respecter les lois et les contrats (non seulement à la lettre mais dans l’esprit) à titre personnel et pour le compte de mon entreprise »

Je suis impatient de rejoindre le département recouvrement amiable d’une grande banque internationale pour effectivement faire respecter « à la lettre » les dits contrats mais je ferai cela en protégeant « la dignité humaine ».

Bien que louable, la signature et le respect de ce serment réduit considérablement le nombre d’entreprises pouvant être rejointes. La lecture de ce texte me laisse donc un goût amer en bouche. Les contres exemples pour la majorité des articles sont nombreux. Si l’idée est belle, elle reste bien éloignée des réalités du monde de l’entreprise. Cette vision utopique paraît presque gênante pour une école formant les managers de demain. Pour que l’initiative soit complète et ait une réelle valeur il faudrait qu’elle soit encadrée par des ordres professionnels sanctionnant les écarts à l’instar des médecins et des avocats. Il s’agit donc davantage d’une belle hypocrisie qui répond aux attendus des « organismes d’accréditation comme EQUIS » et à la concurrence acharnée que se livrent toutes les écoles de management et ce dans des intérêts contraires au serment. Cette énième opération de communication bâclée, vise aussi à obtenir quelques articles dans des quotidiens nationaux, et l’oppose en conséquence à toutes les valeurs qu’elle est censée défendre. Enfin, ces intérêts davantage économiques que éthiques rendent ce serment d’autant plus malhonnête car il met en jeu l’Honneur des jeunes diplômés. Mes valeurs morales m’amènent donc à refuser d’y apposer ma signature.