Pourquoi l’Eglise aurait tout intérêt à élire un pape noir
Le conclave n'a pas encore débuté mais, déjà, les pronostics vont bon train. Le Tout-Rome se prend à imaginer à quoi ressemblera son prochain pape, les premiers cardinaux sont arrivés sur place pour établir le "portrait-robot" de l'élu, en listant les qualités qu'il devra réunir.
Plusieurs candidats africains pressentis
En ligne, les paris fleurissent. Les mastodontes du secteur que sont Ladbrokes, Bwin, Unibet ou encore Golden Palace ont ouvert des pages dédiées, permettant de dégager les lignes de force du prochain évêque de Rome, ou a tout le moins les linéaments de ce à quoi il ressemblera selon les parieurs. Premier constat : les internautes privilégient un pape "jeune", c'est à dire âgé de moins de 65 ans ou moins, à 2,5 contre 1.
Second constat : deux candidats tirent pour l'instant leur épingle du jeu. Le premier s'appelle Angelo Scola, il est ancien patriarche de Venise et actuellement archevêque de Milan, il a 71 ans et sa cote est de 2,5 contre 1. Le second s'appelle Peter Turkson, il est à la tête du diocèse de San Liborio, président du Conseil pontifical "Justice et Paix", et Ghanéen. Sa cote est elle-aussi de 2,5 contre 1. Mais les noms des cardinaux guinéen et nigérian Robert Sarah et Francis Arinze circulent aussi beaucoup. Autrement dit, si le prochain pape ne sera pas nécessairement noir, les chances qu'il le soit n'ont jamais été aussi grandes.
Un pape africain en récompense de bons et loyaux services
Difficile de ne pas voir dans la potentielle élection d'un pape noir un échos à la présidence d'Obama. Si le futur chef de l'Eglise catholique était africain, deux des instances les plus puissantes et influentes au monde seraient dirigées par des hommes noirs. Pourtant, davantage qu'un simple effet de mode, il faut y voir un signe des temps.
Au cours du siècle dernier, c'est en Afrique noire que l'Eglise catholique romaine a connu sa plus forte expansion. S'ils ne représentaient qu'1% de l'ensemble de la communauté catholique en 1910, les habitants d'Afrique subsaharienne constituaient en 2010 plus d'un quart des croyants catholiques. Soit la bagatelle de 171 millions de fidèles. Dans Slate Afrique, Paul Giffort, professeur de l'école des études orientales et africaines à Londres, ébauche un début d'explication à ce phénomène : "Les Eglises essaiment en Afrique, et l'Eglise catholique est la plus grande et certainement la mieux organisée et la plus structurée et disciplinée".
Ironiquement, ce mouvement de catholicisation massive du continent africain a eu pour corollaire d'engendrer une recrudescence du nombre de missionnaires originaires d'Afrique dans les "églises-mères", c'est à dire européennes. Un afflux de prêtres africains qui répond à une crise de vocations sacerdotales sur le vieux continent.
Bon élève de l'Eglise, l'Afrique est donc on ne peut plus légitime dans sa volonté de se voir représentée sur la plus haute marche du Saint-Siège. Mais en plus de complaire à un continent, cette décision aurait pour effet de rebooster l'image de l'Eglise, légèrement écornée ces derniers temps.
Un choix stratégique majeur
Première dans l'histoire de l'humanité, l'élection d'un pape noir ferait couler beaucoup d'encre. En provocant un buzz colossal autour d'elle, elle permettrait d'éluder certains dossiers peu glorieux, en tête desquels l'affaire Vatileaks et les récentes rumeurs faisant état d'un "lobby gay" gravitant dans l'entourage de Benoit XVI.
Mais elle contribuerait aussi à moderniser considérablement l'image du catholicisme en montrant que, bien plutôt qu'une religion poussiéreuse et vieillissante, il s'ouvre à la diversité et se greffe à la marche du monde.
Ce choix d'inscrire la ligne du Vatican dans un rapport à l'image contemporain a été amorcé sous Benoit XVI. On se souvient de l'ouverture d'un compte Twitter papal en décembre dernier, décliné en plusieurs langues. Mais il touche plus généralement l'ensemble de l'Eglise catholique, jusque dans ses prélatures personnelles. Il suffit d'aller faire un tour sur le site officiel de l'Opus Dei pour se rendre compte du travail de rénovation et de modernisation effectué par cet organe de l'Eglise à la réputation pourtant cryptique. Ludisme et pédagogie y prévalent. En un mot : transparence.
Davantage que l'image d'une religion "cool", l'élection d'un homme noir au Vatican renverrait, dans le prolongement de ce qui a déjà été entrepris dans ce sens, l'image d'une religion dynamique, n'ayant pas peur du changement, de l'ouverture au monde moderne. Elle renforcerait le contraste avec la représentation d'une institution figée et passéiste que l'on s'en fait souvent.
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