Pourquoi la France a été accusée de préparer une intervention militaire au Niger ?
Les rebelles, qui ont pris le pouvoir au Niger, affirment que la France va envoyer des troupes dans le pays. Paris ne le confirme ni ne le réfute. Des projets de recours à la force au Niger ont été ouvertement annoncés par l'organisation régionale CEDEAO.
Pourquoi ont-ils parlé de l'intervention militaire de la France ? Le colonel-major Amadou Abdramane, porte-parole de la junte au pouvoir, qui a renversé le Président Mohamed Bazoum mercredi, a accusé « la France d’ourdir un complot en vue d’une intervention militaire destinée à libérer celui qui était son plus fidèle allié au Sahel ». « Dans sa ligne de conduite allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la Garde nationale du Niger pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires », a déclaré, selon Mondafrique, le colonel-major Amadou Abdramane, le porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), « qui se confond désormais avec l’armée nigérienne dans sa quasi-totalité ».
Le colonel-major Amadou Abdramane a déclaré avoir un document selon lequel Paris aurait reçu l'autorisation des autorités déplacées du Niger de frapper le palais présidentiel afin de libérer Mohamed Bazoum, qui s'y trouvait. Mondafrique relate « deux documents qui ont été signés pour fournir une légalité de façade à une telle intervention, par le ministre des Affaires étrangères du gouvernement renversé, Hassoumi Massaoudou, et par le Haut commandant de la Garde nationale, le colonel-major Midou Guirey ».
Le coup d'État au Niger a eu lieu le 26 juillet 2023. Ce jour-là, Mohamed Bazoum, au pouvoir depuis 2021, a été placé en garde à vue par sa propre garde présidentielle. L'une des raisons possibles, d’après les médias, a été le projet du chef de l'Etat de limoger le chef de la garde présidentielle, le général Omar Tchiani. Après le coup d'État, les médias d'État ont annoncé que celui-ci serait le nouveau président. Dans son discours retransmis à la nation par vidéo, il a déclaré que l'armée avait pris le pouvoir en raison des problèmes accumulés dans le pays : corruption et manque de sécurité.
Les rebelles ont fermé les frontières et instauré un couvre-feu dans le pays. Selon eux, ils garantissent la sécurité de Mohamed Bazoum, Le 27 juillet, l'armée a déclaré que la France avait violé l'ordre de fermeture des frontières car un avion militaire français, A-401, a atterri à l'aéroport de la capitale après l'entrée en vigueur des restrictions.
Même si Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, a tenu à démentir les accusations portant sur une éventuelle intervention militaire française au Niger, les rebelles sont convaincus du contraire.
De tous les pays occidentaux, la France réagit le plus activement au coup d'État au Niger. Le 29 juillet, le président Emmanuel Macron a convoqué une réunion d'urgence du Conseil de défense. Le Niger occupe le septième rang mondial en termes de réserves d'uranium et est le deuxième en Afrique après la Namibie pour sa production. La société française Orano (ex-Areva), spécialisée dans la production de combustible pour les centrales nucléaires, y travaille. Depuis 50 ans, elle exploite deux mines près de la ville d'Arlit dans le nord du pays avec l'aide de la filiale Somaïr qui développe la plus grande mine d'uranium à ciel ouvert du Niger (Orano entend l'exploiter jusqu'en 2040).
La société française envisage de développer un autre gisement important d'uranium nigérian, Imouraren, situé au sud d'Arlit. Ses réserves sont estimées à 200.000 tonnes d’uranium. Orano a déclaré que l'entreprise n'allait pas quitter le Niger, et que le coup d'Etat n’a eu aucun effet sur ses activités dans le pays. Cependant, les rebelles, ont signalé qu'ils suspendaient l'exportation d'or et d'uranium vers la France.
En outre, la capitale du Niger, Niamey, abrite la plus grande base aérienne française d'Afrique de l'Ouest, avec 1.500 personnels. Également dans le pays, il y a des unités militaires de l'Allemagne, de l'Italie et des États-Unis.
Au cours des cinq jours qui se sont écoulés depuis la capture de Mohamed Bazoum par l'armée, les actions des rebelles ont été condamnées par les principales organisations internationales. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO, elle regroupe 15 pays de la région) a tenu le 30 juillet un sommet d'urgence à Abuja, capitale du Nigeria. Le communiqué final contient une demande de rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays d'ici une semaine. Si cela ne se produit pas, la CEDEAO se réserve le droit d'utiliser tous les moyens, jusqu'à et y compris l'intervention militaire.
La CEDEAO a déjà réagi rapidement et de manière décisive aux bouleversements dans la région. En mars 2022, ses participants se sont également réunis pour un sommet d'urgence. Il était, alors, question de la situation au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. Les dirigeants de la CEDEAO ont exigé que ces pays réduisent le temps de transit politique, ils ont menacé le Burkina Faso de sanctions si les nouvelles autorités ne libèrent pas l'ancien président Roch Kaboré. Il a été libéré de l'assignation à résidence en avril 2022.
Un appel similaire a été lancé par l'Union africaine (UA, qui comprend 54 pays du continent et la République arabe saharienne démocratique partiellement reconnue). Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA a exigé que les militaires « retournent immédiatement et sans conditions préalables dans les casernes » et leur a donné 15 jours pour rectifier la situation. Rien n'est dit sur l'éventuel recours à la force dans la déclaration du Conseil de sécurité.
Le Niger est un État d'Afrique de l'Ouest, dont la majeure partie est située dans le désert du Sahara et qui n'a pas d'accès à la mer. Il a obtenu son indépendance de la France en 1960 et il a depuis connu quatre coups d'État militaires. C'est l'un des pays les plus pauvres du monde : dans la liste des pays selon l'indice de développement humain des Nations Unies 2021-2022, le Niger se classe troisième à partir du bas. La situation n'est pire qu'au Tchad et au Soudan du Sud.
Les actions des rebelles ont été condamnées par l'Union européenne, l'Allemagne, la France, les États-Unis, l'Arabie saoudite et l’Afrique du Sud. Washington a menacé de cesser de coopérer avec le Niger, y compris dans le domaine de la sécurité. L'appui budgétaire et la coopération ont été mis en pause par le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, la France. Toutes les transactions commerciales avec le Niger ont été suspendues par la CEDEAO.
Pour la France, c’est un choc stratégique pour sa position au Sahel et en Afrique et pour ses ressources énergétiques. Observateur Continental faisait savoir, aussi, que les autorités maliennes ont décidé de changer la langue officielle du pays en quittant le français ».
Philippe Rosenthal
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