Pourquoi le NFP ne doit pas voter tout projet de loi présenté par le RN
Dans un régime parlementaire, quand un député est en accord avec une proposition de loi, la logique consiste à ce qu’il vote cette proposition. En suivant ce principe, le NFP pourrait être amené à voter une proposition de loi qui serait présentée par le RN, notamment au sujet de l’abrogation de la réforme des retraites. Cette approche, qui semble de premier abord une règle de bon sens, repose sur une analyse assez superficielle, car il faut aussi anticiper les conséquences politiques qu’impliqueraient une telle décision.
Ainsi, à la question, « est-ce que le RN serait renforcé si le NFP votait une de ses propositions de loi », tout le monde conviendra que la réponse est « oui ». Et, en terme de légitimité, ce n’est pas la même chose si le RN vote une loi présentée par le NFP ou si le NFP vote une loi présentée par le RN. Légitimer le RN, c’est l’aider à se rapprocher de la prise du pouvoir. Dès lors, la bonne question à se poser est : « quels seraient les risques d’une prise du pouvoir du RN ? »
Il est bien sûr très difficile de répondre à cette question, car nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses, raisonner en terme de probabilités. Pour traiter cette question, il ne faut pas se positionner par rapport aux lois qui seraient portées par le RN dans le cadre républicain, qui seront douloureuses mais elles le sont déjà avec LREM, mais il faut se placer du point de vue des risques de violations possibles de l’État de droit, en cherchant des indices qui pourraient nous éclairer sur ce sujet.
Le premier indice concerne les revendications du syndicat Alliance, proche du RN. Ce syndicat revendique la mise en place d’une « présomption de légitime défense » pour les policiers. Sachant que, déjà aujourd’hui, l’IGPN fait preuve d’une grande clémence envers les policiers qui outrepassent leurs prérogatives et commettent des violences policières, si une telle loi venait à être votée, il faut s’attendre à ce que la Police finisse par devenir une institution très en dehors du droit, qui pourrait multiplier les « violences » et les « accidents » en toute impunité. L’arrivée au pouvoir du RN devrait accélérer ce glissement, qui est déjà mis en œuvre par LREM depuis sept ans.
De plus, des groupuscules violents d’extrême droite, plus ou moins maîtrisés par le RN, pourraient profiter d’une certaine indulgence de la part de la police pour commettre des ratonnades ciblées, sans vraiment craindre la justice.
Ces deux dérivent impliqueraient une sortie de l’État de droit, et il est peu probable que les Français se mobiliseront massivement pour s’y opposer.
Le deuxième indice concerne les liens entre le RN et l’idéologie du choc des civilisations et du grand remplacement. Il est toujours difficile en politique de différencier ce qui relève du calcul politique et des convictions. Néanmoins on peut constater que le RN énonce une rhétorique hostile à l’égard de certaines catégories de citoyen, en particulier les citoyens de confession musulmane et des étrangers. Il faut donc vraiment s’interroger si un gouvernement RN ne mettra pas en place une politique discriminatoire, en particulier contre les musulmans et les migrants. Le soutien de Benyamin Netanyahu au RN lors des dernières élections législatives ne peut que nous inquiéter. De même, l’absence totale d’empathie et d’indignation - voire même pour certains la présence d’une certaine satisfaction - du RN, de LR et de LREM, pour les massacres commis par l’armée israélienne en Palestine et au Liban, ne peut que nous alerter aussi, tout comme les discours de haine colportés sans ambages sur les plateaux de télévision ou écrits sur les réseaux sociaux. Nous sommes bien sûr dans le domaine de l’évaluation des risques, des hypothèses, mais nous devons être lucide sur la gravité des discours actuels. Et là encore, il ne faudra pas compter sur une mobilisation massive des Français pour s’opposer à une telle politique. Par ailleurs, si ces mesures discriminatoires se mettaient en place, elles concerneraient aussi, mais dans une moindre mesure, des syndicalistes, des militants de gauche et des citoyens appartenant à des minorités sexuelles. Et elles concerneraient aussi, tôt ou tard, les juifs de France qui seront très fortement « invités » à faire leur alyah. La mise en place de ces politiques discriminatoires seraient une violation sans ambiguïté de l’État de droit.
Le troisième indice concerne les critiques émises par le RN à l’encontre du conseil constitutionnel, notamment lors de la dernière loi sur l’immigration. Un des objectifs de la cours constitutionnel est de garantir l’égalité des droits des citoyens, même si une majorité élue démocratiquement souhaitait restreindre les droits d’une partie des citoyens. Ainsi, on ne peut que s’inquiéter des remises en cause par le RN des décisions de la cours constitutionnelle suite à la dernière loi immigration (même si nous devons rester vigilent sur le fait qu’elle ne doit pas outrepasser ses prérogatives).
Nous avons donc plusieurs indices qui pointent un risque non négligeable pour que l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement RN engendrerait, entre autre, l’apparition d’une Police et de groupuscules agissant en dehors du droit, à la mise en place d’une politique discriminatoire à l’encontre d’une partie de la population et à une remise en cause des pouvoirs de la cours constitutionnelle. Et il est très peu probable que, face à ces violations flagrantes de l’État de droit, il y ait une opposition massive au sein de la population française.
Ainsi, étant avant tout des défenseurs de la démocratie et de l’État de droit, conscient des catastrophes historiques qu’a connu notre pays, comme la croisade contre les albigeois, la révocation de l’édit de Nantes ou la mise en place du régime de Vichy et conscient du tropisme bonapartisme d’une partie de la population, toute légitimation du RN nous semble être une prise de risque trop importante dans le contexte actuel d’extrême fragilité de notre République. Dans ce contexte, nous manquons trop de garanties pour qu’il soit raisonnable d’appeler à voter des propositions de loi présentées par le RN.
Pour les citoyens qui ont voté RN et qui seront déçus de l’attitude du NFP, nous ne pouvons que leur dire que, si l’abrogation de la réforme des retraites leurs tenait fortement à cœur, il fallait voter pour les partis qui ont participer systématiquement aux manifestations contre cette loi.
Pour les citoyens qui ont voté NFP et qui seront déçus de l’attitude du NFP, nous ne pouvons que leur dire qu’il semble trop risqué, notamment par rapport aux menaces qui pèseraient sur le vivre ensemble Républicain, d’apporter une quelconque légitimité au RN, pour une proposition de loi qui n’aurait de toute façon quasiment aucune chance d’aboutir. Par ailleurs, la suppression de la réforme des retraites sera présentée lors d’une niche parlementaire NFP, et nous ne pouvons qu’encourager ces électeurs à se mobiliser pour que, lors des prochaines élections législatives, le NFP obtiennent la majorité absolue en faisant élire quatre vingt dix députés supplémentaires.
Enfin, rappelons que les députés NFP et LREM ont été élus dans le cadre du front républicain. Si les députés LREM ont trahi leurs électeurs en collaborant avec le RN, comme probablement ils auraient fait en 1940 en donnant les pleins pouvoir au maréchal Pétain, les députés NFP se doivent de respecter le mandat des électeurs qui se sont massivement mobilisés lors du deuxième tour des élections législatives contre l’extrême droite.
Nous invitons donc les députés NFP à ne pas voter les propositions de loi venant du RN.
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