Pourquoi le thème « Acheter Français » ne fonctionne-t-il pas ?
L'incitation à "Acheter Français" a été, récemment ou non, brandie par diverses personnalités du monde politique ou des affaires.
Récemment, elle l'a été par F Bayrou qui est devenu plus discret, puis par A Montebourg qui l'a détournée pour en faire plutôt "produire français" . N Sarkozy l'avait également utilisée de façon assez ambigüe.
Personnellement je pense que cette idée est extrêmement utile et pourrait contribuer à améliorer notablement la situation de l'emploi et des comptes publics. Je l'expose plus en détail sur mon site :
http://acheterfrancais.monsite-orange.fr/index.html
Malheureusement, je constate que cette idée n'est défendue de façon cohérente et vigoureuse par aucune organisation structurée, parti politique ou syndicat.
Pourtant, autant les politiques ( sauf peut-être l'opposition, si elle pratique la politique du pire ) que les syndicats auraient intérêt à voir développer une pratique qui améliorerait la situation de l'économie.
Il me semble donc intéressant d'ouvrir, sur Agoravox, un débat sur les raisons d'adhérer à cette idée et les obstacles qu'elle doit affronter.
Je me suis efforcé d'analyser ces obstacles.
1 Les objections des économistes
Les leaders d'opinion que sont les économistes traitent généralement cette idée avec condescendance, pour ne pas dire mépris. Mais leurs arguments sont d'une grande indigence : ils invoquent
-
La destruction créatrice qu'il faut laisser agir librement : si "Acheter français" fait obstacle à la destruction d'emplois peu efficaces, il n'y aura pas assez de travailleurs sur le marché pour permettre la création d'emplois plus efficaces.
On croit rêver, il n'y aurait pas assez de travailleurs efficaces en recherche d'emploi. -
La facilité à laquelle pourraient se laisser aller les industriels s'ils n'étaient pas suffisamment stimulés par la concurrence.
On croit encore rêver : si le slogan "Acheter Français" était entendu, Renault ou PSA pourraient compter sur une clientèle captive et n'auraient plus besoin de progresser ! -
Le coût exorbitant pour notre économie qu'aurait une politique visant à produire beaucoup plus de produits en France. Un article qui a fait le buzz, pour discréditer l'"achat français" était basé sur une énorme tromperie intellectuelle
"L'achat de produits uniquement fabriqués en France alourdirait de 100 à 300 euros par mois les dépenses des ménages,"
Il partait de l'idée absurde de tout produire en France : encore avait-il oublié le
cacao et les noix de coco. Evidemment, lorsque j'invite à "acheter Français" il ne
s'agit pas de cela, mais de préférer les produits français, lorsqu'ils existent. -
La thèse selon laquelle il ne faut plus raisonner au niveau national, mais au niveau européen.
Dans quelques années ou peut-être décennies, ce pourrait être le mot d’ordre à adopter. Mais aujourd’hui, les diverses solidarités ne se situent pas au niveau européen, mais au niveau national. Acheter un produit européen, mais non français, n’aura qu’une incidence très réduite sur notre emploi, nos impôts, et notre sécurité sociale. -
L'objection selon laquelle il est difficile de définir un produit français. Certes, il peut y avoir plusieurs niveaux d'appartenance à la catégorie d'"achat français"
Il peut s'agir de produits élaborés en France avec plus ou moins d'intrants français ; il peut s'agir de produits de marque française assemblés à l'étranger mais dont la conception, le contrôle qualité et la commercialisation relèvent de services français donc contribuent à notre économie. Mais il n'est pas nécessaire de pousser très loin la réflexion pour comprendre qu'il est préférable, pour notre économie, d'acheter une automobile Peugeot plutôt que Audi ou Honda.
J'aimerais que des économistes traitent ce problème factuellement,sans idée préconçue idéologique, par exemple celle, selon laquelle la main invisible du marché assure l'optimum économique et que tout ce qui pourrait infléchir son action, comme l'appel au civisme dans les achats, est à proscrire.
2 Le scepticisme des français
Les français considèrent fréquemment, et souvent à tort, que toute idée simple est nécessairement simpliste et fallacieuse. Ceci explique que la France est le pays qui refuse des pratiques adoptées dans la plupart des pays, et en supporte les conséquences dommageables.
En l'occurrence, je suppose que les français sont sceptiques vis-à-vis de l'idée, pourtant incontestable, qu'un effort de chacun pour un achat citoyen, améliorerait la situation économique du pays, donc de chacun
3 L'absence d'incitation ou de pédagogie
Comme je l'ai indiqué ci-dessus, rares sont les hommes politiques qui défendent cette idée avec constance et cohérence.
Peut-être est-ce parce que les hommes politiques sont tous plus ou moins inféodés à une théorie économique, libéralisme ou marxisme, qui, ne voyant le salut que dans le marché pur et dur ou dans la lutte des classes, ne trouvent pas leur compte dans l'appel à l'achat solidaire et citoyen que je propose.
Peut-être aussi est-ce parce que cet appel pourrait relever d'une certaine union sacrée, exclue de la culture d'affrontement que connaît notre pays.
4 Le problème de la solidarité et du civisme
Les trois points précédents traitaient de la question de savoir si les français sont informés et conscients de l'importance de la prise en compte de cette incitation.
A supposer qu'ils le soient, il reste à examiner dans quelle mesure ils sont prêts à faire l'effort de répondre à cette incitation.
L'effort peut être financier, les produits français sont quelquefois plus chers que les produits importés, notamment les produits agricoles.
L'effort peut être le renoncement à une préférence plus ou moins subjective, par exemple dans le choix d'une automobile .
L' effort requis peut-être plus ou moins intense. Une forte implication civique permettra d'accepter un effort substantiel, une implication moindre n'acceptera l'effort que s'il est modéré.
Tout donne cependant à penser qu'une partie, sans doute assez importante, de la population est indifférente à ce sujet, chacun oubliant que demain, lui-même ou un de ses proches pourra perdre son emploi du fait de ces attitudes et que nous payerions tous moins d'impôts et de cotisations sociales si chacun adoptait la pratique solidaire proposée.
L'avis de sociologues sur le sujet serait particulièrement intéressant.
Conclusion
J'espère avoir posé clairement les questions. J'espère avoir fait ressentir mon incompréhension devant une attitude collectivement suicidaire. J'aimerais que les lecteurs veuillent bien exposer leurs idées sur le sujet, en évitant de partir sur d'autres idées qui peuvent leur être chères, mais en prenant position sur les problématiques exposées ci-dessus ; en exposant aussi ce qui, à leur avis, pourrait faciliter l'adoption de l'idée. Ce faisant, ils contribueront peut-être à l'émergence d'une thématique qui pourrait faire progresser notre pays.
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