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Accueil du site > Tribune Libre > Pourquoi les dinosaures ont-ils disparu ?

Pourquoi les dinosaures ont-ils disparu ?

L’autre soir, au journal télévisé, était évoquée la grave pollution d’un fleuve. Un grand canal tellement pollué, qu’il lui arrivait parfois de prendre feu ! Mais, habituellement, ce n’était pas le feu qui inquiétait les passants, mais l’énorme quantité de mousse qu’il produisait au bord des routes, sous les ponts, dans le vent.

À l’origine de tout ce mal, à peu de kilomètres de là : deux usines. Des lieux de travail qui employaient à elles seules plus de la moitié de la population de cette petite ville. Dès lors, on le devine bien : ils étaient peu nombreux ceux qui se plaignaient de l’irrespirabilité de l’air. C’était les retraités, les marginaux ou les gens de l’extérieur. Bref, c’était ceux qui ne travaillaient pas ou qui n’avaient pas leur propre fille ou fils, femme ou mari, qui travaillait pour les deux premiers employeurs de la ville. En outre, ce qu’il y avait d’intéressant dans ce reportage télévisé, c’était la manière dont ceux qui montraient du doigt la pollution se faisaient mal voir par les passants. Il n’était pas rare qu’ils reçoivent même des insultes pour oser critiquer ce qui faisait vivre tant de monde.

Évidemment, nous, observateurs non concernés par la source d’argent que représentent ces usines et devant une telle gravité écologique, nous avions envie de crier : « Mais enfin fermez ces usines et commencez vite la purification avant qu’il ne soit trop tard ! ». Cependant, tout le problème est là !… Dans le fait que, derrière notre belle morale et notre fière intelligence, nous ne sommes pas les spectateurs d’un cas isolé, mais nous sommes là, devant le plus logique résultat d’un conditionnement à l’argent dans la plus pure tradition des modes de vie issus de la révolution industrielle. Autrement dit, le capitalisme que nous critiquons sans le désigner explicitement, c’est nous ou plutôt c’est ceux qui agissent avec notre soutien passif au nom du divin marché. Le capitalisme dans ce cadre-là, c’est un référentiel international qui classe les pays – comme, du reste, les individus – selon leur degré de développement, c’est-à-dire selon leur degré d’alignement à la logique industrielle et commerciale. Une logique qui est initiée et défendue par les pays riches, c’est-à-dire par les propriétaires, ceux qui ont tout à gagner de l’élargissement des consommateurs et des producteurs bon marché ; ceux qui gouvernent tout en maintenant l’illusion démocratique.

Personnellement, je vois le capitalisme comme une cage qui me tient dans une sorte de contentement. Ce contentement, c’est celui de mon petit salaire que je reçois et qui me permet ensuite et pour un court moment d’être à la place de celui qui commande. Or, la plupart du temps, je suis le serviteur de ceux qui ont beaucoup plus d’argent que moi, ceux-là même qui ont le pouvoir, l’argent, bref la place au soleil que nous voudrions tous avoir. Cela dit, il est évident qu’en parlant ainsi, j’entre dans le paradoxe puisque je critique et qu’en même temps je désire être à la place de ceux qui m’exploitent. Sur un plan un peu plus collectif, si on prend du recul face à cette frustration, face à cette névrose des temps modernes, ce que je soulève montre ô combien nous sommes manipulés et formatés par une société qui cultive en nous les rêves égoïstes de réussite et de reconnaissance. Cela démontre enfin comment notre responsabilité collective est effacée par des attitudes existentielles qui ne peuvent qu’être cyniques ou ignorantes (de toute manière, je ne peux rien faire. Autant profiter de la vie !), lorsqu’elles ne sont pas désespérées.

À côté de cela, il faut le dire : nous sommes tellement habitués à recevoir un salaire et à attendre de l’autre qu’il nous serve sur la base de cet argent, que nous n’arrivons plus à voir d’autres possibilités de vie en commun. À ce propos et pour nous déculpabiliser un peu, nous pouvons penser qu’effectivement nous ne sommes pas dans une position de force qui nous permettrait d’affirmer : « l’argent, je m’en fous ! ». À l’instar de l’exemple des travailleurs de l’usine, nous sommes dépendants de notre employeur et de l’image de notre profil sur le marché du travail. Un marché qui – il est important de le dire – se montre de plus en plus sélectif et qui nous signifie encore plus le chantage dont nous sommes tous victimes : « si tu veux du travail et donc faire partie de la société, tais-toi, souris et sois docile ». Pour l’étudiant, l’enfant, c’est la même logique compétitive et sélective que l’on retrouve.

Mais ne nous éloignons pas trop et revenons au cri, à cette injonction de fermeture que nous faisions à ces usines. En effet, fermer les usines ne résoudra pas le problème majeur qui est celui des travailleurs qui vivent, comme nous, sur l’argent qu’ils reçoivent. Soit dit en passant, je le redis : l’exemple du fleuve qui fume pourrait être généralisé aux centrales nucléaires, à l’exploitation du gaz de schiste, à l’élimination des marchandises (dont l’obsolescence est de plus en plus programmée), à toute l’industrie de l’énergie polluante que cela soit le pétrole ou le charbon. Or, il ne faudrait pas y voir les causes de notre mal, comme le font, parfois, les écologistes de parti. Le problème c’est notre consommation et notre manière de produire, car il est clair que comme nous, vis-à-vis de notre salaire, ils se bâteront bec et ongles pour défendre leur revenu, pour défendre ce qui les fait vivre et qui, paradoxalement, les engloutira sous la mousse et le feu, la maladie et la mort. C’est « normal », j’ai envie de dire !...

Et si ce n’est pas eux, c’est l’État qui s’opposera à cette fermeture parce qu’il est – ne le cachons pas – le garant du capitalisme. Comme il a sauvé les banques, il sauvera l’usine. Bref, à travers cela, nous concevons ô combien la logique capitaliste est déraisonnable, paradoxale et destructive. Ce problème des travailleurs qui se retrouvent sans travail, on le retrouve indirectement avec l’immigration, le terrorisme, la misère sociale... En fait, on peut dire que c’est la toile de fond de tous les problèmes de société que l’on rencontre aujourd’hui. Alors, dites-moi : pourquoi les médias peinent tant à publier les réflexions qui touchent le fond des choses ? Pourquoi les universitaires ne se concentrent pas, maintenant, aux questions urgentes liées au changement social et économique ? Pourquoi les uns préfèrent l’actualité pendant que les autres s’occupent de théories, de discours et encore de théorie ?

La réponse à ces questions nous renvoie à l’essence même de ce que je cherche à communiquer à travers cet article. À l’instar de la femme qui, à une époque pas si lointaine, était complètement sous l’emprise de son mari, l’individu d’aujourd’hui, homme ou femme, est enchainé au système économique qui le maintient en vie, soumis aux consommateurs et au marché du travail qui l’utilisent puis qui, à l’instar des déchets et de la pollution que l’on renvoie à la nature, le jettent sans considération.

C’est clair, la tendance au fatalisme est forte à ce stade de la réflexion. Cependant, il faut pouvoir s’en déprendre, car les solutions existent… Elles demandent que l’on sache concevoir les plus sérieuses problématiques sociales – comme par exemple : l’écologie, la migration, le terrorisme, les inégalités, le chômage, la perte de sens (= épiphénomène) – comme les conséquences d’un mal plus profond. D’un mal social que je me suis appliqué à désigner dans cet article. Autrement dit, il est presque inutile de se battre et de continuer à créer des associations contre ces crises, si on n’ose pas s’attaquer à notre statut de salariés, à notre statut de consommateurs. Concrètement, je dirais qu’il faut commencer par nous libérer du joug de l’argent ; cela signifie abolir le salariat [1], et ce, comme nous avons historiquement aboli l’esclavage puis le servage. Si on ne fait pas ce pas nécessaire, alors il faut accepter de rester bloqués dans l’hypocrisie, la fausse modestie, le faux engagement…

Maintenant si on veut connaître l’origine de l’extinction des dinosaures, nul besoin de sciences ni d’université, il suffit de regarder autour de nous ; il suffit de réfléchir à la survie des prédateurs à une époque où ils se retrouvent seuls face à eux-mêmes…

Luca V. B.*
Doctorant en sociologie clinique et philosophie politique

* À paraître prochainement aux éditions Hélice Hélas : Narcissisme-critique

[1] A ce propos, l’initiative sur le revenu de base constitue un premier pas sérieux.

 


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13 réactions à cet article    


  • Clark Kent M de Sourcessure 28 mars 2016 16:01

    Les dinosaures n’ont pas disparu :

    tous les oiseaux sont des dinosaures, ceux qui volent et ceux qui courent.
    Pour vous réconforter, songez que ce sont les gros dinosaures qui n’ont pas été capables de s’adapter à de nouvelles conditions (dues à un impact mde météore ?).
    Ceux qui couraient vite ou qui planaient sont toujours là.

    • Radix Radix 28 mars 2016 17:40

      Bonjour

      Si les dinosaures ont disparus c’est à cause de la conjonction de trois éléments ; une mouche bleue, un gamin qui s’ennuyait en classe et un lance-pierre  !

      Radix


      • Luca V.B. (---.---.171.182) 28 mars 2016 18:16

        Cela dit, vous parlez des dinausores, mais l’article ne traite pas du tout de cela... Si je peux me permettre : lisez avant de commenter.


        • Radix Radix 28 mars 2016 18:41

          Bonjour Luca V.B.

          J’ai lu l’article et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de commenter le titre.

          Radix


        • Clark Kent M de Sourcessure 28 mars 2016 19:01

          @Radix

          Pareil

        • Abou Antoun Abou Antoun 28 mars 2016 19:35

          Les dinosaures n’ont pas disparu puisqu’ils n’ont jamais existé.
          La genèse n’en parle pas,


          • Le421... Refuznik !! Le421 29 mars 2016 20:32

            @Abou Antoun
            Excellente !!!  smiley


          • Abou Antoun Abou Antoun 29 mars 2016 23:46

            @Le421
            Bon, je vois qu’il y en a quand même qui suivent....


          • captain beefheart 28 mars 2016 21:12

            Bonjour l’auteur,et merci pour votre point de vue.Je suis convaincu que les gens sont tellement bien conditionnés qu’ils aperçoivent une proposition comme la vôtre,l’abolition de l’argent,comme une fantaisie de doux rêveur.Moi,au contraire,je pense que la seule façon pour les citoyens de se défaire de l’oligarchie,c’est de ne plus attacher aucune valeur à de l’argent.Ainsi on enlève toute pouvoir au multinationales qui gouvernent le monde.L’humanité existait et vivait avant l’invention de l’argent .C’est une prison artificielle d’y croire.Pourquoi les gens sont dans la rue pour quelques dollars de plus,et ne bougent pas quand un gouvernement en leur nom sème mort et destruction dans un autre pays ?


            • Luca V. B. Luca V. B. 29 mars 2016 00:01

              @captain beefheart

              La discussion pourrait être longue, mais je vais être bref.
              Je trouve que Monsieur B. Friot propose quelque chose d’intéressant avec
              son idée de « salaire à vie » :

              https://www.youtube.com/watch?v=uhg0SUYOXjw

              Par rapport à l’argent, il y a également ce livre que je vous conseille :

              http://lepassagerclandestin.fr/catalogue/desobeir/desobeir-a-largent.html

              En Suisse, il y a cette initiative :

              http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/

              A ce propos, je vous conseille de regarder ce très bon documentaire :

              https://www.youtube.com/watch?v=syAkdb_TDyo

              Sinon, j’ai dédié une page de mon site à l’argent :

              http://consciences-citoyennes.wikidot.com/l-argent-dette

              Merci pour votre commentaire...
              J’espère que ces références pourront contribuer à votre réflexion sur ce thème.
              Cordialement,
              Luca V.B.


            • Montdragon Montdragon 28 mars 2016 23:07

              On a retrouvé place des Vosges un squelette entier de Tripotalanus Queen, apparemment infertile...c’est une piste.


              • Le p’tit Charles 29 mars 2016 07:41

                Dix-Nosaure !..Nous ne connaîtrons jamais le onzième alors.. ?

                Les peuples sont décérébrés...regardez dans qu’elle condition ils vivent...Comme des veaux allant à l’abattoir...et pire regardez pour qui ils votent.. ?


                • Luca V. B. Luca V. B. 29 mars 2016 21:48

                  @Le p’tit Charles

                  Votre commentaire est très pertinente, dans le sens où votre jugements envers les peuples est assez caractéristique de la logique capitaliste telle qu’elle est issue de la révolution industrielle (voir ce que écrivait G. Le Bon). Quant à moi, j’appelle cela du cynisme. A ce propos, P. Bourdieu écrivait :

                  « Ceux qui déplorent le cynisme qui caractérise, selon eux, les hommes et les femmes de notre temps, ne devraient pas omettre de le rapporter aux conditions économiques et sociales qui le favorisent ou l’exigent et qui le récompensent. Ainsi, la précarité agit directement sur ceux qu’elle touche (et qu’elle met en fait hors d’état de se mobiliser) et indirectement sur tous les autres, par la crainte qu’elle suscite et qu’exploitent méthodologiquement les stratégies de précarisation, comme l’introduction de la fameuse « flexibilité » – dont on aura compris qu’elle s’inspire de raisons politiques autant qu’économiques. » Contre-feux 1.

                  Par ailleurs, je rajouterais que le peuple se comporte comme on le traite. Si on le traite comme un enfant, alors il fait l’enfant. Si on le traite d’adulte, alors il est adulte. P. Bourdieu l’exprime bien dans la citation. Par rapport aux élections, je partage tout à fait votre analyse. Cependant, en Suisse, nous sommes en train de lancer une initiative pour le tirage au sort :

                  http://www.genomi.ch

                  Je termine ce commentaire par une note un peu plus gaie
                  https://www.youtube.com/watch?v=V_SNDGwwGFM

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