Pourquoi Macron et von der Leyen se rendent-ils en Chine
Les négociations d'Emmanuel Macron et d'Ursula von der Leyen à Pékin ne seront pas faciles, y compris en raison des désaccords sur la Chine au sein de l'Union européenne. Les analystes s'attendent également à ce que les deux hôtes tentent d'influencer la position de la Chine sur l'Ukraine.
Le 5 avril, le président français Emmanuel Macron entame sa visite d'État de trois jours en Chine. Il a également invité la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à se joindre à lui, mais sa participation se limitera à une réunion trilatérale avec le président chinois Xi Jinping. Le président français a prévu des négociations et un dîner de travail avec M. Xi. Il tiendra également des discussions avec le premier ministre du Conseil d'État, Li Keqiang, et le président du parlement, Zhao Leji. Son programme comprend également un voyage à Guangzhou (Canton), la capitale de la province du Guangdong, autrefois dirigée par le père du dirigeant chinois Xi Zhongxun.
M. Macron est accompagné des dirigeants de 60 entreprises, dont Airbus, le producteur d'électricité EDF et le fabricant de trains Alstom SA. La dernière visite du dirigeant français à Pékin en 2019 avait permis à Airbus de signer un contrat afin de livrer des avions à la Chine pour 30 milliards d'euros.
Selon Politico, les principaux sujets de discussion seront les relations commerciales et économiques, tant entre la Chine et la France qu'entre la Chine et l'UE dans son ensemble, ainsi que le règlement ukrainien (Bruxelles est préoccupé par l'éventuelle fourniture d'armes chinoises à Moscou et l'absence de contacts entre Xi Jinping et le président ukrainien Volodymyr Zelensky après la visite du dirigeant chinois à Moscou en mars). Le format inhabituel de la visite pourrait être une tentative de montrer l'unité européenne, mais il est plus probable que Macron et von der Leyen jouent les "bon et mauvais flics" sur fond de désaccords sur la manière d'établir des relations avec Pékin, écrit le South China Morning Post.
Pourquoi Macron a besoin de se rendre à Pékin
La visite d'Emmanuel Macron en Chine intervient à un moment instable pour la France, qui est en proie à des manifestations liées à une réforme des retraites impopulaire, qui prévoit de relever l'âge de la retraite de 62 à 64 ans. Une semaine plus tôt, ces manifestations ont conduit au report de la visite du roi britannique Charles III et de la reine consort Camilla à Paris. L'agence Reuters, citant deux diplomates européens, a rapporté que le report de la visite n'était pas passé inaperçu dans les capitales européennes et que la situation à l'intérieur du pays affaiblissait la position de M. Macron sur la scène internationale. La visite à Pékin pourrait atténuer la situation.
D'après Politico, Emmanuel Macron espère que la Chine reconsidérera sa décision d'étendre sa coopération avec la Russie et jouera un rôle de médiateur dans le règlement ukrainien. La Chine a précédemment présenté son initiative de paix, qui a été fraîchement accueillie par les pays européens soutenant le plan de paix de Volodymyr Zelensky. Pékin a également été critiqué à plusieurs reprises pour avoir refusé de condamner les actions militaires de la Russie en Ukraine et pour avoir étendu sa coopération avec elle, alors que les pays occidentaux continuent d'imposer des sanctions à Moscou. Le président français espère établir un contact personnel avec Xi Jinping et, ce faisant, renforcer son rôle dans un éventuel processus de négociation.
Emmanuel Macron avait déjà tenté de construire des relations plus confiantes avec le président russe Vladimir Poutine et fait des efforts actifs pour prévenir le conflit ukrainien. Son échec dans ce domaine, ainsi que l'échec antérieur à prévenir le retrait des États-Unis de l'accord nucléaire avec l'Iran, a soulevé des doutes quant à la réussite de ses plans. Cependant, Macron et Xi ont la possibilité de trouver un terrain d'entente sur le déploiement d'armes nucléaires annoncé par la Russie en Biélorussie, car cela va à l'encontre de l'initiative de paix présentée par Pékin.
L'influence de Macron sur Xi est limitée, car la taille des économies des deux pays n'est pas comparable. "Les relations sont très asymétriques, Macron ne peut guère convaincre Xi Jinping... Il est bien sûr bon de garder les canaux de communication ouverts, mais nous devons être très réalistes quant à nos attentes", cite Euronews Antoine Bondaz, enseignant à Science Po Paris.
Difficultés causées par von der Leyen
Bien qu'Emmanuel Macron ait lui-même proposé à Ursula von der Leyen de se rendre à Pékin ensemble, un tel format pourrait lui poser des problèmes en raison de sa position vis-à-vis de Pékin et du récent changement de cap de l'UE. Jeudi 30 mars, la présidente de la Commission européenne a prononcé un discours critiquant non seulement la politique chinoise, mais aussi Xi Jinping personnellement. "Le président Xi n'est nullement dérangé par l'invasion brutale et illégale en Ukraine, il maintient son amitié "sans limites" avec Poutine", a-t-elle déclaré au début de son discours. "Soyons honnêtes, la manière dont la Chine continuera d'agir dans le cadre du conflit en Ukraine deviendra un facteur déterminant dans le développement des relations entre l'UE et la Chine", a poursuivi la présidente de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen a également déclaré que l'accord global sur les investissements (AGI) signé en 2020, dont la ratification a été gelée par le Parlement européen en mai 2021, avait perdu de sa pertinence. "Nous devons reconnaître que le monde et la Chine ont changé au cours des trois dernières années et que nous devons réévaluer l'AGI à la lumière de notre stratégie plus large vis-à-vis de la Chine", a-t-elle déclaré.
La Chine a très mal réagi au discours de la présidente de la Commission européenne. Wang Lutong, directeur général des affaires européennes au ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré que l'UE "joue un jeu dangereux". "S'il y a un risque, c'est le risque de lier le commerce à l'idéologie et à la sécurité nationale et de créer une confrontation de blocs", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
La présidente de la Commission européenne est considérée comme un partisan d'une politique plus "faucon" à l'égard de la Chine, contrairement au président du Conseil européen Charles Michel. L'approche de la présidente de la Commission européenne est plus proche de celle des États-Unis, mais tous les pays de l'UE ne sont pas d'accord pour adopter une ligne dure à l'égard de Pékin. Pour l'UE, la Chine reste le deuxième plus grand partenaire commercial et d'investissement. Parmi les États membres de l'UE, il y a des divergences sur la manière de construire des relations avec la Chine. Pour des pays comme l'Allemagne et la France, l'aspect économique est important (la Chine est le principal partenaire commercial de l'Allemagne depuis sept ans et fait partie du top 10 pour la France). Pékin et Bruxelles organisent des sommets Chine-UE chaque année depuis 1998 (bien qu'en 2021 le sommet ait été annulé en raison du gel de l'accord d'investissement), mais en 2023 la date du forum n'a pas encore été fixée, car la Commission européenne insiste pour que ce sommet n'ait lieu qu'après une réunion similaire avec les États-Unis.
Alexandre Lemoine
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