Pourquoi risquer la prison pour la Palestine ?
Zoe Rogers est une activiste emprisonnée en Angleterre. Agée de 21 ans, elle est incarcérée avec 9 autres militants pour avoir participé à des actions contre le génocide à Gaza ciblant Elbit, une entreprise d'armement israélienne basée à Bristol. Son courage et son engagement font d'elle un symbole de soutien authentique à la Palestine, aux antipodes des soutiens de façade qui ne cessent de montrer patte blanche en condamnant le 7 octobre. Depuis sa cellule, elle explique son geste de manière particulièrement éloquente.
Depuis plus d’un an, Gaza est le théâtre d’un génocide systématique, diffusé en direct sur nos écrans et justifié par Israël et ses alliés sous le prétexte de la lutte contre le « terrorisme », qui aurait atteint le 7 octobre un niveau inégalé. Toute voix critique qui rejette ce récit s'expose à des accusations d'apologie du terrorisme, une arme redoutable utilisée pour museler les voix en faveur de la Palestine. Des militants, journalistes et citoyens sont inculpés pour avoir dénoncé trop clairement les crimes de guerre israéliens ou soutenu les droits des Palestiniens à résister par les armes à l'occupation, un droit inaliénable reconnu par l'ONU.
Cette criminalisation de la solidarité internationale vise à étouffer toute contestation du discours dominant, en s’appuyant sur la peur de représailles judiciaires. Bien des voix qui s'affirment en faveur des aspirations légitimes du peuple palestinien valident, par adhésion ou lâcheté, des éléments essentiels du récit israélien sur le 7 octobre, malgré tous les démentis publiés depuis. Certains vont jusqu'à conjurer des équations du second degré pour démontrer que non, une vie palestinienne ne vaut pas une vie israélienne. Pour beaucoup, les dizaines de milliers de morts de la bande de Gaza, affamés, torturés, terrorisés et assassinés dans un raffinement de cruauté inconcevable par l'armée d'occupation, ne sauraient éclipser les 1 200 Israéliens tués le 7 octobre (dont un tiers de soldats), et ce quand bien même l'armée israélienne, en application de la directive Hannibal, aurait massivement tué ses propres concitoyens (voir, entre autres, cet article).
Cet ancien vice-président du Groupe parlementaire d'amitié France-Israël se désolidarise au quart de tour d'une élue de son propre bord politique...
Soutenir Gaza n’est pas seulement un acte de résistance politique : c’est une lutte fondamentale pour la vérité et la justice face à une politique d'extermination assumée que seule une mobilisation massive peut stopper. Sous couvert de « défendre » le droit à l'existence de l'État israélien, cette politique consiste à annihiler ouvertement le peuple autochtone palestinien, accusé sans preuve de vouloir détruire Israël et sa population par « haine des Juifs », et soumis de manière préemptive à un nettoyage ethnique méthodique. En réalité, c'est l'existence même des Palestiniens, indépendamment de leur droit à la légitime défense (qui leur est d'ailleurs nié) qui est perçue comme une menace existentielle pour Israël, résolu à éradiquer ce danger une fois pour toutes. Le degré d'abjection et d'hypocrisie d'une telle inversion des droits, des faits et des liens de causalité et de responsabilité est stratosphérique, mais ce récit est validé sans réserve par l'ensemble du système politique, médiatique et culturel occidental.
« Quiconque est solidaire de nos cadavres mais pas de nos roquettes est un hypocrite et n'est pas des nôtres. » Photo prise à l'université de Columbia, à New York.
L'horreur du carnage perpétré chaque jour à Gaza, et qui s'étend maintenant au Liban, a réveillé bien des consciences (dont celle de la jeunesse étudiante, qui préfère hypothéquer son avenir que renier son humanité), et en a démasqué bien d'autres. Tant les gouvernements, peuples, organisations, associations, responsables, médias, personnalités et gens du commun ont dû faire un choix : complicité assumée ou tacite, parti pris revendiqué ou fausse neutralité, indignation sincère ou feinte, résignation ou léthargie, voire complète indifférence. Aaron Bushnell, le soldat de l'US Air Force qui s'est immolé par le feu devant l'ambassade israélienne à Washington pour dénoncer le génocide à Gaza, avait publié ceci peu avant de passer à l'acte :
« Beaucoup d'entre nous se demandent : “Qu'aurais-je fait si j'avais vécu au temps de l'esclavage ? Ou durant la ségrégation raciale aux États-Unis ? Ou durant l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays était en train de commettre un génocide ?” La réponse est ce que vous êtes en train de faire. En ce moment même. »
Si, pour notre part, nous avons choisi « l'activisme de clavier » pour soutenir le peuple palestinien, refusant toute compromission avec la propagande de l'armée israélienne et ses relents racistes, et ne payant pour le moment qu'un prix somme toute dérisoire (voir cette pétition), d'autres comme Zoe Rogers ont fait des choix autrement plus courageux, et en paient dès aujourd'hui le prix fort. En voici le récit par sa mère, Clare Rogers. Le poème qui le conclut constitue la réponse à la question posée par le titre de cet article.
***
[Le 19 octobre 2024]
J’ai été discrète ici, car ma vie a été bouleversée. Ma fille Zoe est en prison 💔.
Elle est traitée comme une terroriste pour avoir agi contre une entreprise d’armement israélienne.
Zoe fait partie des dix militants en détention provisoire pour avoir mené une action contre une installation d’Elbit Systems à Filton, à Bristol, en août.
Elle a passé son 21e anniversaire derrière les barreaux 💔.
Elle était horrifiée par le génocide et a participé à toutes les manifestations. Mais elle réalisait que rien ne fonctionnait. Face à l'augmentation du nombre de morts à Gaza, elle se sentait dépassée et impuissante.
C’est alors qu’elle a décidé d’opter pour l’action directe avec @Pal_action.
Pal Action cible Elbit, le plus grand fournisseur d’armes d’Israël, qui fabrique les drones mortels diffusant des bruits d’enfants qui pleurent pour attirer les gens dehors et les tuer.
À l’intérieur des installations d’Elbit à Bristol, les militants ont trouvé des drones similaires à ceux utilisés à Gaza et en ont démantelé certains.
L’utilisation [par les autorités britanniques] des pouvoirs de lutte contre le terrorisme à leur encontre est sans précédent. Les dix ont été détenus sans inculpation, à l’isolement, au secret, et interrogés pendant des heures chaque jour pendant sept jours en vertu de la loi sur le terrorisme.
Aujourd’hui inculpés d’infractions non terroristes, ils continuent d’être traités comme des terroristes présumés.
Cela pourrait-il avoir un rapport avec les réunions entre le ministère de l’Intérieur et Elbit Systems UK concernant les militants de @Pal_action ?
Ils ont tous vu leur liberté sous caution refusée, et comme le procès ne commencera qu’en novembre 2025, ils auront passé 17 mois en prison avant le début de celui-ci.
Elle me manque tellement 💔💔💔💔💔.
Mais je suis fière d’elle. Elle préfère perdre sa liberté et sa place à l’université plutôt que d’entendre parler de la mort d’un autre enfant à Gaza, alors qu’elle n’a rien fait pour l’empêcher.
Elle a écrit ce poème.
Conversations en prison
Lorsqu'ils me demandent pourquoi j'ai fait ça,
Je leur parle des enfants,
De leur enfance volée,
De leurs squelettes abandonnés, carbonisés et fumants,
De la facilité avec laquelle leurs corps sont écrasés par les bâtiments qui s'effondrent,
De leur peau qui fond lorsque leurs tentes en flammes s'écroulent autour d'eux.
Je leur parle du garçon
Retrouvé portant le corps de son frère dans son sac à dos ensanglanté,
Je leur parle de la fille
Dont le corps pendu se terminait aux genoux,
Je leur parle du père
Brandissant son enfant sans tête,
Je leur parle de la mère
Qui a reçu le « poids approximatif » de sa famille en morceaux de corps à enterrer,
Car ils avaient tous été déchiquetés au point d'être méconnaissables.
Puis je leur raconte l'histoire,
Comment cela s'est répété maintes fois.
Je leur parle du Gang Stern [groupe terroriste sioniste],
Des jeunes des collines [colons de Cisjordanie],
Des guerres de 1948 et de 1967,
Des opérations « Plomb durci » et « Bordure protectrice ».
Je leur explique comment ils appellent cela « tondre la pelouse »,
« Nettoyer » la terre de ces « animaux humains ».
Comment ils ont calculé le minimum de nutriments pour maintenir tout le monde en vie,
Rétrécissez les rations et ne laissez entrer que le strict nécessaire.
Depuis la guerre, ils ont interdit le chlore, la morphine et les jouets pour enfants,
Et tant d'autres choses nécessaires à la survie des gens.
Enfin je raconte
Que c'est nous qui avons commencé,
Avec notre déclaration Balfour
Et la censure des médias.
Je déclare que je ne peux pas tolérer cela,
Que cela ne peut plus durer.
J'ai donc pris des mesures contre Elbit,
Leurs fournisseurs d'armes.
Mais je n'oublie jamais de dire
Que c'est l'amour, et non la haine, qui m'a appelée,
En regardant leurs chants et leurs danses pour la liberté,
En lisant leurs livres pleins d'espoir,
En écoutant leurs rêves
D'être médecins, professeurs, journalistes,
Et de ne jamais abandonner.
Zoe Rogers
Prison HMP Bronzefield
***
Halte à l’utilisation des pouvoirs antiterroristes contre les militants pro-palestiniens
Pétition pour les 10 activistes incarcérés pour avoir agi contre Elbit
Pourquoi cette pétition est importante
Actuellement, dix militants sont détenus dans des prisons britanniques pour avoir saboté des armes destinées à Gaza. Ils subissent des traitements choquants, ce qui constitue un abus flagrant de pouvoirs antiterroristes draconiens. En tant que proches, nous vous demandons de signer et partager cette pétition.
Action contre les armes israéliennes au Royaume-Uni
Les dix militants de Filton sont accusés d’avoir mené une action directe en août dernier pour neutraliser des armes dans une installation appartenant au plus grand fabricant israélien, Elbit Systems, à Bristol. Ces armes incluent des drones utilisés à Gaza, qui émettent des cris d’enfants en détresse pour attirer des civils et les tuer.
Six militants ont été arrêtés sur place. Quatre autres ont été arrêtés lors de perquisitions domiciliaires par la police antiterroriste, l'un sous la menace d'une arme. Qui orchestre cette répression glaçante des activistes ? Des preuves montrent des échanges entre le ministère de l’Intérieur, le CPS [parquet], l’ambassade israélienne et Elbit Systems UK concernant l’arrestation des militants pro-palestiniens, ce qui est profondément inquiétant.
Traités comme des « terroristes »
Pourquoi nos proches sont-ils traités comme des terroristes ? Six d'entre eux ont entre 20 et 30 ans. Tous sont socialement engagés et, pour beaucoup de manière bénévole, en faveur des plus vulnérables. Ils n'ont pu supporter l’ampleur des souffrances à Gaza, notamment celles des enfants, et s’opposent fermement au génocide dont Elbit profite et auquel le gouvernement britannique est complice.
Pourtant, dans un abus manifeste des pouvoirs antiterroristes, les dix militants ont été détenus au secret et constamment interrogés durant une semaine sans inculpation.
Bien que finalement accusés de délits non terroristes (cambriolage aggravé et dommages criminels), ils restent en détention provisoire et subissent toujours de plus grandes restrictions de leurs droits et libertés que les autres prisonniers, motivées par des accusations fallacieuses liées au terrorisme.
Cela inclut l’interdiction de lire, de pratiquer leur religion, des examens médicaux intrusifs, ainsi que des restrictions sur leurs contacts avec d'autres prisonniers et sur leur communication avec l’extérieur.
L’un des dix a été désigné comme « à risque d’évasion » sans motif valable, subissant ainsi des mauvais traitements supplémentaires, dont des réveils toutes les heures, chaque nuit. Cette privation de sommeil est une forme de torture psychologique, manifestement politique.
Agissez maintenant SVP ! Signez la pétition
Ces abus sont infligés aux militants opposés au génocide à Gaza, mais si nous ne réagissons pas, ils toucheront bientôt d’autres. Si nous laissons faire, nos enfants seront les prochains.
Veuillez signer notre pétition adressée à Shabana Mahmood, secrétaire d’État à la justice, Lord Hermer KC, procureur général, et Stephen Parkinson, directeur du ministère public.
Nous leur demandons :
- L’arrêt immédiat de l’utilisation des procédures antiterroristes contre les 10 de Filton
- Leur libération sous caution
- La divulgation complète de toute ingérence politique ou étrangère dans la répression des activistes.
Signez la pétition ici : https://www.change.org/p/stop-the-use-of-counter-terrorism-powers-against-pro-palestine-activists-0c590edc-b1f7-4fb4-bef5-6f0f2a7dde7e
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