« Seulement voilà : avoir le souci de l’Autre, l’écouter vraiment, le regarder chaleureusement, l’accueillir sans le juger, s’intéresser à son point de vue, ne pas chercher à prendre le pouvoir sur lui... Bref traiter l’Autre avec bienveillance et respect ne fait pas partie des acquisitions scolaires ni des valeurs phares de notre société. C’est tout simplement l’essence même de la relation qui est tombée en désuétude ! Ce qui fonde notre HUMANITE, les sentiments qui nous élèvent... qu’on est prié de laisser à la porte de l’entreprise. »
On ne peut pas mieux dire.
Je suis aide soignant en gériatrie et vraiment votre article fait chaud au coeur.
Vous devriez le publier sur les forum du genre infirmiers.com, le sujet est malheureusement d’actualité.
La directrice de notre hôpital est malheureusement obligée de diffuser régulièrement des notes de services demandant aux agents de ne pas tutoyer les patients, entre autres. Les jeunes agents hôspitaliers ne voyant pas où est le problème de tutoyer et d’infantiliser une patiente agée, il y a à l’évidence un énorme problème d’éducation et de choix à l’embauche.
Nous voyons beaucoup trop les gens, que ce soit le personnel ou les familles, avoir une image de la personne agée remplie de clichés et idées préconçues absolument stupéfiantes. En pratique, cela donne par exemple une infantilisation et une débilitation de la patiente, la réduisant à enfiler des perles ou à lui parler comme à une enfant attardée.
Alors qu’en prennant une attitude tout à fait naturelle en communiquant avec la personne agée des plus normallement, on a quelqu’un avec qui on discutte de son métier, de ses enfants, des événement historiques, et bien souvent on se trouve des points communs et le dialogue de personne adulte normale à personne adulte normale est des plus naturel.
Il est insuportable de voir encore des aides soignantes se croire obligées de diffuser dans le lieu de vie du Edith Piaf bien déprimant. N’ayant pas conscience que la plupart des gens de 80 ans dansaient le Rock et inventaient les ordinateurs il n’y a pas si longtemps que ça !
J’ai connu une patiente qui était à Woodstock et une autre qui était pilote de chasse et d’essais en Russie, se faire appeler « Super Mamie » par des agents hôspitaliers aux neurones enfumées bien plus décérébrés par des substances bizarres que le cerveau d’une patiente Alzheimer !
Inculture crasse absolue de l’histoire récente chez les jeunes générations...
Au 21ème siècle, c’est grave, on en est encore à devoir éduquer des adultes soignants sur les bases du respect de la personne humaine. Bases qui devraient être innées, et non pas acquises, à devoir leur apprendre.
Mais les familles sont bien plus épouvantables en général. Le nombre de personnes agées que les enfants « placent » pour les vacances d’été en hôpital gériatrique est énorme.
La plupart des personnes agées n’ont pas la moindre visite en hiver, mais le mois de mai revenu, les visites dans les hopitaux gériatriques reprennent avec le beau temps...
« Tu viens Pépé on va faire un tour dans le parc il fait beau ! »
Et d’octobre à avril, quelques rares visites. Les beaux jours revenus, on vient faire un tour dans le parc de l’hôpital avec les enfants comme on va faire un tour au zoo.
D’ailleurs, dans mon hôpital gériatrique il y a un beau parc avec un zoo, des coqs exotiques, un paon, des chèvres, des lapins, un cerf. Qui reçoit bien plus de visites que les patients certains jours de beau temps, pour y promener le bébé et les gosses...
Régulièrement le week end, dans le poste de soin on reçoit des appels téléphoniques d’enfants demandant si leur parent n’est pas décédé, parce que vous comprenez, le médecin nous a dit 6 mois alors on a pris rendez vous avec le notaire et la banque vous comprenez.", et autres horreurs de ce genre. On a pris l’habitude, on raccroche sans répondre et on note l’événnement dans le dossier de soins, tout aussi cyniquement. Allors, lors de certaines affaires, lorsque le dossier de soins tombe sous les yeux d’une directrice d’hôpital ou d’un juge...
On voit souvent des patientes, très en forme, très dynamiques, lorsqu’elles voient leurs familles arriver par la fenêtre, foncer se vautrer dans un fauteuil, faire sous nos yeux ébahis la comédie de la personne totalement sénile et ayant perdu tout repère et tout contact avec la réalité, et dès les enfants et petits enfants repartis, se relèvent en rigolant et foncent repapoter avec les copines en rigolant en traitant leurs enfants de tous les noms d’oiseaux exotiques.
On voit souvent des petits enfants, des neveux, le genre jeune furieux agressif et stupide de 20 ans débarquer à pas d’heure dans le service pour faire un scandale, réveillant et traumatisant les autres patients par leurs cris, reprochant une mauvaise parole suposée à sa grand mère ou à sa tante. Jeune furieux qui n’a jamais rendu visite en 1 an, qui ignore tout de la pathologie Alzheimer et des circonstances de la scène reprochée, ignorant tout de la véritable personnalité de son aïeule (naïveté des jeunes de 20 ans oblige), mais qui traumatise par son cirque irresponsable les autres patients, que l’on retrouve le lendemain déprimés, angoissés, refusant de manger, de sortir, chutes de tensions, tachycardies etc...
Etat de choc de la plupart des patients, une fois hôspitalisés, ayant soudainement une image de leurs enfants pas si adorables que cela. Souvent les gens parlent ouvertement de leurs projets de partages des biens de la grand mère, devant elle, ces inconscients, persuadés que la pauvre mamie ne comprend plus rien de ce qu’il se passe autour d’elle, Alzheimer et traitements obligent ! Etats de chocs de la patiente, traumatisée, qui devient dépréssive, mutique, se laisse glisser comme on dit. Et quelques semaines ou mois après, les enfants monstrueux de nous dire en face sans la moindre honte « vous voyez bien qu’elle n’était pas si bien que ça ! »
Et ces patients dont l’hôspitalisation après chute, fracture du col du fémur et rééducation devaient rentrer chez eux au bout de deux mois, mais, conflits familiaux graves, empêchent toute possibilité d’organisation du retour de leur mère ou père au domicile.
Hôspitalisation qui s’éternise sur des années, le moral et la santé de la patiente qui s’éffondre au point que le retour à domicile devient inenvisageable, les enfants qui se querellent d’autant plus, les tuteurs, les curateurs et la justice qui doivent s’en mêler pour trancher, familles qui ne viennent plus rendre visite, qui se retrouvent endetés pour payer les frais d’hôspitalisation en gériatrie, la patiente qui finit par décéder, les problèmes de santé s’accumulant et s’enchaînant, à 80 ans c’est généralement fatal.
Ces familles insuportables qui rejettent leurs responsabilités et leur consciences sur les soignants (« on paie assez cher comme cela » se prend on dans les oreilles, totalement indifférents au fait qu’on se retrouve à 3 aides soignants pour deux salles de 25 patients plus ou moins grabataires, les collègues prenant les transports en commun n’ayant pas pu venir), cherchant le moindre prétexte à la moindre faute pour aller faire son scandale dans le bureau de la surveillante, portant plainte contre l’hôpital à tout bout de champs pour le moindre détail futile et ridicule, se retrouvant bien honteux et très surpris que leur plainte soit refusée par la directrice de l’hôpital, lorsqu’on leur démontre que s’ils avaient la moindre compétence en pratiques de soins ils n’auraient pas fait cette crise de colère stressante pour les autres patients et pour le personnel. Donnant ainsi à leur aïeule hôspitalisée une image épouvantable de leur propre famille. Il y en a (classique) qui débarquent dans la chambre pendant un soin d’hygienne ou technique pour nous demander de servire un verre d’eau à la patiente. S’imaginant qu’ils vont nous pousser à la faute grave de manipuler des aliments avec des gants souillés...
On a l’habitude, c’est la routine ça !
Ces familles qui, totalement irresponsables, ont décrété que le traitement médicamenteux de l’hôpital était inéficace. (C’est l’ambiance actuelle, c’est la mode, être systématiquement contre, contre n’importe quoi, mais être contre !) Alors pendant des semaines on se demande comment cela se fait il que le patient réagit très mal au traitement pourtant débuté à faible doses. Et de découvir un jour en jouant les espions qu’une des filles du patient présente à tous les repas donne en cachette un deuxième traitement prescrit par le médecin de famille habituel, provoquant bien sur surdoses et interractions médicamenteuses graves qui peuvent aller jusqu’au décès !
Très souvent, ça aussi c’est classique, une hôspitalisation s’éternise par le simple fait que par exemple une vingtaine de séances de rééducation sont prévues. La famille prévenue que c’est tel jour de la semaine à telle heure, mais, allez comprendre pourquoi, comme par hasard, lorsqu’on vient chercher le patient, il n’est plus là. On interroge les collègues et on apprend que la famille est venue le chercher pour faire un tour à la campagne pour l’après midi. Résultat, les séances de rééduc d’étant pas faites, on est obligés de rallonger la durée d’hospitalisation, la salle de kiné etant généralement surbookée pour décaller les rendez vous loupés, et la famille de piquer une crise et de porter plainte !
Et nous nous retrouvons à programmer 12 patients pour l’après midi, mais seulement 4 viennent, les autres embarqués par la famille se goinfrer de patisseries faites maison alors que le patient est gravement diabétique et nous fait un début de coma le soir, glycémie à exploser !
C’est très grave, non seulement les soignants doivent être régulièrements raffraichis dans leurs connaissances de la psychologie de la personne agée, mais les familles aussi doivent être formées aux patologies et à la psychologie du patient, histoire surtout de balayer les cervelles des idées fausses et préconçues totalement erronnées.
Nous avons tous observé qu’un patient qui passe ses journées en salle, dans le lieu de vie ou dans sa chambre au milieu des autres patients souvent en fin de vie, voit en les autres patients sa propre image très grabatairisée. Il tombe allors en dépression, se nourrit moins, les traitements devenenant de plus en plus lourds, la grabatisation s’installant etc...
Hors nous constatons tous que lorsque la plupart des patients se retrouvent en salle de kiné, à la chapelle, au forum, en sortie accompagnée dans Paris dans un musée, se réveillent d’un seule coup, se montrant taquins, éveillés, oubliant leurs maladie, se mettent à parler entre eux, à faire connaissance.
Ces familles qui, pour des raison connues de leur seule religion (on va dire ça comme ça, histoire de ne pas se mettre à dos les trois religions les plus présentes dans notre pays), n’adressent pas la parole aux patients d’autres religions, snobent et méprisent au plus au degré ces pauvres athées en blouses blanches impies promises pour l’enfer que nous sommes, ne nous donnant pas ces informations qui sont quelques fois vitales pour la patiente... Et qui portent plainte ensuite parce qu’on a mal pris la patiente en charge...
Cette grande et magnifique famille du spectacle, répétant chez Druker le dimanche, avec émotion et larmes son admiration pour tel acteur si merveilleux avec qui ils ont tourné des films si extraordinaires et passionnant. Mais cet acteur célèbre une fois en hôpital psychiatrique ne reçoit pas la moindre visite, sauf celles de sa femme courageuse qui, épuisée, déprimée, très vite n’en peux plus...
Ces écrivains internationnalement connus, parcourant la planète de colloques en colloques, de conférences en conférences, d’émissions culturelles en émissions culturelles, qu’on ne voit qu’une fois par an dans la chambre de leur épouse atteinte d’Alzheimer mais plusieurs fois par an sur Arte, et encore pour piquer une crise parce qu’elle ne répond pas au téléphone alors qu’il est parfaitment conscient qu’elle ne se rend même plus compte que le téléphone sonne ou même de ce qu’est un téléphone. Qui ne comprend pas (ou ne veux pas comprendre) que son état est tel qu’il faut être à deux pour lui faire ses soins et qu’elle est aussi bien au niveau moteur qu’au niveau cérébral, incapable de se servir d’un téléphone. Et l’écrivain célèbre et admiré de la planète de piquer sa crise.
Bref, par la maltraitance des patients, c’est aussi celle des soignants qui s’en trouve impliquée, quel que soit le niveau socio professionnel des familles, les pauvres comme les riches et célèbres.
Se demande t’on pourquoi il y a tant d’aides soignantes en gériatrie qui font des dépressions et des tentatives de suicide ?
Se demande t’on pourquoi même les ergothérapeutes et les kinés font des dépressions en milieu gériatrique ?
Pas un mois sans que j’aprenne que telle ou tel collègue que j’ai connu est en dépression grave ou a fait une tentative de suicide.
Même les médecins de contôle de la sécurité sociale dits « très durs » m’ont dit que j’étais fou d’avoir fait 15 ans de gériatrie lorsque j’ai fais ma grave dépression à cause des conditions de travail en hôpital gériatrique, que d’après eux 2 ans c’est un maximum et il faut changer de spécialité absolument !