Près de 6 millions de personnes n’ont plus les compétences nécessaires pour travailler
En 2013 l'OCDE avait publié une étude (enquête PIAAC 2013) sur le niveau de formation et de qualification des travailleurs dans 27 pays de l'OCDE (salariés et non salariés).
Pour la France (très mal classée) cette étude évaluait à 22 % la proportion d'adultes insuffisamment qualifiés pour occuper un travail ou simplement développer leur activité.
22 % sur une population de 30 millions d'actifs, ce sont donc 6 millions de personnes en grande difficulté sociale et éducative. Cette situation semble indifférer aussi bien les pouvoirs publics qui les partenaires sociaux, incapables d'inventer autre chose que des usines à gaz sans intérêt autre que nourrir un système paritaire et politique qui tourne à vide.
Six millions de travailleurs sont abandonnés dans notre pays, premières victimes des restructurations et de la modernisation éternels perdants du marché du travail
Si dans les discours les pouvoirs publics ne sont pas avares de déclarations généreuses, si la loi de 2014 prétendait réformer la formation et soutenir les moins qualifiés (en ne s'occupant que des seuls chômeurs indemnisés) nos résultats en matière éducative fleurtent désormais entre la catastrophe nationale et le déclin économique avéré.
Trois illustrations : le chômage en Région Bretagne, Centre et à la Réunion
Les récentes conventions signées entre quelques régions et l'Etat pour la formation des chômeurs le prouvent à l'envie : le chômage est d'abord en France le pendant d'un manque d'éducation et donc des carences conjuguées de l'Etat et des employeurs.
- A la fin de l'année 2015 la Bretagne comptait 250 000 DE de catégorie A,B ou C (+ 6,5 % sur 1 an). Fin décembre 2015, 50 % de ces DE de catégorie A,B et C avaient un niveau de formation égal ou inférieur au niveau V (Niveau BEP, CAP),
- A la Réunion sur 37 000 jeunes de 16 à 29 ans sans diplôme, il n’y en a que 7 000 qui travaillent,
- En région Centre 60,2 % des chômeurs ont un niveau V ou infra.
Les chômeurs (notamment de longue durée) sont donc en France d'abord des personnes non qualifiées (et des seniors) mais au lieu de se demander pourquoi et comment ces personnes sortent des entreprises ou de l'école sans bagage éducatif, pourquoi une quinzaine d'années d'enseignement ou le travail ne leur ont pas permis de se former et de développer leurs compétences on invente de nouvelles rustines, des dispositifs technocratiques, coûteux et indaptés qui ne prennent jamais le mal par la racine (la racine étant l'école défaillante de la République).
Les services du Premier ministre constatent eux aussi ce fiasco éducatif.
"France Stratégie" écrit ainsi en mars 2016 concernant la compétitivité de la France :
La compétitivité hors-prix des entreprises est insuffisante.Plusieurs problèmes freinent ses progrès :
- un déficit de compétences dans la population active,
- des déficiences du management des entreprises,
- la trop faible diffusion du numérique au sein du tissu productif,
- la complexité d’un cadre réglementaire insuffisamment propice au développement des jeunes entreprises innovantes.
L'apprentissage, la formation et l'emploi ont été caricaturés et sacrifiés depuis 2012
En 2012 le nouveau pouvoir élu n'a pas voulu entendre ni comprendre les raisons de notre crise sociale et économique (la crise de 2008 était mondiale, celle de 2012 fut franco-française) :
- une économie encadrée et un Etat dirigiste qui étouffent les entreprises et l'activité des Français
- une règlementation complexe et insécurisante (le code du travail n'en étant que la partie émergée) qui rend tout mouvement professionnel périlleux et couteux (une embauche comme un changement de poste ou d'employeur)
- un apprentissage faible et déstabilisé par les pouvoirs publics eux même (qui ont réduit les aides à l'embauche d'apprentis et les subventions aux CFA avant de les rétablir, le mal étant fait, un an plus tard)
- un fossé scolaire béant avec l'abandon désormais de 30 % d'une classe d'âge, perdue dans une vaste garderie sociale face à un million d'adultes désemparés et impuissants
- une formation professionnelle à la fois rigide (on le voit avec cette incapacité de mettre en oeuvre dans des délais raisonnables le plan 500 000 chômeurs en formation) et conformiste (singeant l'école depuis sa création en 1971)
- un abandon du concept de formation tout au long de la vie : si chacun se doit d'étudier, d'évoluer et de changer tout au long de la vie les modèles éducatifs qui prévalurent durant 100 ans auraient dû être remis en cause, il n'en fut rien et l'on consacre toujours 20 fois plus d'argent aux jeunes à l'école qu'en formation des adultes
Aujourd'hui les pouvoirs publics prétendent redonner le pouvoir aux Régions d'organiser la formation des chômeurs sauf que :
- les lycées professionnels continuent de dépendre de l'éducation nationale et de produire massivement des futurs chômeurs (ces établissements publics sont souvent éloignés des entreprises et pérennisent des formations sans lien avérés avec le marché du travail)
- le système contraint des appels d'offres publics biaisent toutes les commandes publiques de formation en privilégiant :
- le conformisme éducatif (la commande des prescripteurs est simpliste, pédagogiquement et économiquement pauvre, privilégiant le moins disant ou l'occupationnel)
- la lourdeur et l'inadaptation des procédures (les commandes publiques prennent des mois à être exécutés, sont passées pour des années (3 ans souvent) et jamais remises en cause quelque soit la qualité ou l'absence de qualité des prestations commandées.
- la pauvreté des moyens : avec un budget moyen de 9 euros par heure et par personne il est quasiment impossible de former de futurs professionnels (un lycéen professionnel coute 11 000 euros par an, les salariés disposent réellement de 500 euros par an pour se former -rémunération comprise).
La qualification des pauvres aujourd'hui n'est pas une priorité pour l'Etat
Pour se remettre au service des pauvres l'Etat doit désormais faire sa propre révolution, arrêter cette mystification des personnels à statut et se concentrer sur ses missions régaliennes.
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