Présidentielle : l’industrie doit redevenir une cause nationale
Désolante présidentielle ! Alors que la France devrait tenir ce rendez-vous avec elle-même sur l’essentiel, se disputer sur les défis majeurs que doit relever le pays et, finalement, s’accorder sur une proposition politique à la mesure de ces enjeux, voilà que le tintamarre médiatico-judiciaire occupe tout l’espace public et renforce le malaise collectif. Et, parmi tous ces enjeux oubliés, une grande absente : l’industrie.
L’industrie, pourtant, figurait parmi les principaux thèmes des deux précédentes présidentielles. Certains candidats, à commencer par l’actuel Chef de l’Etat, dénoncèrent les ravages de la désindustrialisation dont Florange était devenu le symbole. Le constat était sans appel : avec 3,1 millions de salariés en 2012, 2 millions d’emplois industriels avaient été perdus en trente ans. Et la cause industrielle française devait s’inscrire dans une volonté de la commission européenne d’une « industrie européenne plus forte au service de la croissance » affirmée dès l’automne 2012.
Pour certains, cet attachement à l’industrie ne serait que nostalgie, car la diminution de la part de ses emplois serait le reflet du processus de destruction créatrice menant à l’économie du XXIe siècle, une économie de services. Mais c’est oublier que les services les plus sophistiqués, non délocalisables, s’adossent à une industrie performante. Et c’est passer à côté de ce qui assoit la domination de l’Allemagne en Europe : la prospérité d’un secteur industriel deux fois plus puissant en valeur ajoutée qu’en France, facteur déterminant des performances de la balance commerciale outre Rhin.
Seules 5% des entreprises françaises exportent. Or, aujourd’hui encore, les échanges de biens manufacturés représentent les trois quarts du commerce international. Un pays développé comme la France qui en produit moins, exporte moins et, à terme, vit à crédit et se retrouve dans une situation de dépendance. Une proportion donne la mesure du défi : alors qu’un produit exporté sur trente vient de France, un sur douze vient d’Allemagne et un sur dix de Chine.
Peine perdue pour l’industrie française ? La stratégie de réindustrialisation lancée par François Hollande n’a pas portée tous ses fruits. Alors que la part de l’industrie dans la richesse nationale continue de reculer, le déficit de notre balance commerciale est devenu abyssal, ce qui signifie que la France s’endette. Dans ce contexte, le thème essentiel de la proposition économique porte sur la compétitivité et se résume à une simple ambition : la baisse du coût du travail, par la diminution des charges ou la énième fin des 35 heures.
Or, comment ne pas comprendre qu’une refonte profonde de notre politique industrielle s’impose ? Cela suppose d’élargir le regard par-delà le seul critère du coût du travail. Certes les 5% d’écart entre la France et l’Allemagne sont loin d’être négligeables, mais ils doivent être relativisés par la prise en compte de la productivité. A titre d’exemple, il est temps de poser d’autres questions comme celle, essentielle, du coût de l’énergie. L’électricité est un facteur décisif de compétitivité dans la chimie, industrie des industries, ou dans la production de matériaux stratégiques comme l’aluminium ou le silicium. Ces industriels ont besoin de contrats long terme, devenus impossibles à obtenir d’EDF, à des prix bien inférieurs à celui du marché de gros. En somme, c’est la coordination de long terme de la politique énergétique, de la politique environnementale et de la politique industrielle qui est un facteur majeur de compétitivité.
Le décrochage industriel et commercial de la France est récent : il intervient au tournant des années 2000. Plus que jamais, à l’heure de la révolution industrielle permanente, les chances pour la France de retrouver la voie de la prospérité suppose d’en faire une cause nationale.
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON