Présidentielle tunisienne : À peine donné vainqueur que Kaïs Saïed annonce déjà la couleur
Sur ce dernier point, « Robocop » n’a pas tout à fait tort : L’égalité en matière d’héritage outre qu’elle n’obsède que les officines qui rêvent de semer la discorde dans un pays fragile ne concerne en vérité que ceux qui ont quelque chose à léguer à leurs rejetons ; c’est-à-dire les riches qui plus est sont à l’islam ce que le Vatican est au bouddhisme…
Raide comme un manche à balai, droit dans ses bottes, les yeux fixes, pas le moindre mouvement de sourcils (il n’en a pas beaucoup), réagit à chaud à l’annonce par le cabinet de sondages Sigma conseil qu’il était crédité de près de 77 % des voix exprimées au second tour de l’élection présidentielle organisé ce dimanche. Une réaction avec toute la froideur et la solennité attendues d’un candidat conservateur alias « Robocop » en hommage à sa rigidité quasi mécanique qui séduit les Tunisiens qui abhorrent les grands gesticulateurs qui rarement joignent le geste à la parole... « Nous œuvrerons au soutien des causes justes, en premier lieu la cause palestinienne. Le peuple tunisien entame aujourd'hui une nouvelle étape historique qui inspirera les autres [les autres pays arabes, l’Algérie notamment : ndlr]. Nous œuvrerons à respecter la Constitution et son application dans notre pays. La continuité de l’État est assurée par ses lois et ses engagements internationaux ; finie l’ère de la mise sous tutelle et notre projet repose sur la liberté. J’entamerai ma première visite en Algérie et j’espère que je pourrais me rendre aussi en Libye. Nous espérons construire de nouvelles relations avec tous les peuples. » Question légitime après cette courte allocution après 24 heures de silence électoral. Que voici : Qui/que vise donc par ses paroles laconiques ce désormais successeur de Béji Caïd Essebsi, décédé le 25 juillet dernier, qui cache à peine son bonheur de communiquer en arabe classique comme son prédécesseur Moncef Marzouki élue premier président de la Tunisie post-Benali par l’assemblée constituante en décembre 2011 ? Premier élément de réponse : Le presque 3e locataire du Palais de Carthage la révolution de Jasmin semble s’adresser essentiellement à certains lobbys internationaux notamment français, aux voisins maghrébins de la Tunisie et certains pétromonarchies du Golfe, et à moindre mesure au Tunisiens. Mais pour des raisons culturelles c’est le lobbying français qui fait le plus froisser. Peut-être parce que certains médias publics parisiens notamment arabophones ont pris fait et cause pour Nabil Karoui (chef du parti Qalb Tounès), le rival de Saïed dans cette seconde manche et ce malgré le long chapelet de casseroles judiciaires que ce dernier traîne derrière lui et qui lui a valu 48 jours d’incarcération avant d’être libéré sur décision de la cour de cassation, quatre jours avant le 2e tour de cette élection présidentielle du 13 octobre. Il faut dire que cette partialité médiatique a été si criarde que des dizaines milliers de jeunes fans de Kaïs Saïed se sont révoltés et ont dit leur ras-le-bol par écrit aux médias concernés. Ce parti pris qui a d’ailleurs convaincu près de 80 % des jeunes inscrits à se ressaisir dans les dernières heures du scrutin en votant Saïed ; d’où ce score sortie des urnes de 77 %.
L’ÉGALITÉ EN MATIÈRE D’HÉRITAGE OUTRE QU’ELLE N’OBSÈDE QUE LES OFFICINES QUI RÊVENT DE SEMER LA DISCORDE DANS UN PAYS FRAGILE NE CONCERNE EN VÉRITÉ QUE CEUX QUI ONT QUELQUE CHOSE À LÉGUER À LEURS REJETONS
Connaissant la mentalité estudiantine pour avoir usé ses semelles dans les amphis des universités, le prof de droit constitutionnel sans aucune étiquette politique qui promet de veiller à l’application stricte de la constitution at home a, tout le long de ses bains de foule, tenu de répéter à tue-tête qu’il n’est le candidat de personne et qu’il entend le rester. Un message qui sonne bien dans les oreilles des jeunes étudiants dont le gros du bataillon est issu de milieux modestes… Et comme cette masse de jeunes sympathisants est islamisée il ajoute à ses promesses électorales le slogan qui fait mouche : Le niet catégorique à la dépénalisation de l’homosexualité et à l'égalité homme-femme devant l’héritage décidé sous le mandat du défunt Essebsi. Sur ce dernier point, « Robocop » n’a pas tout à fait tort : L’égalité en matière d’héritage outre qu’elle n’obsède que les officines qui rêvent de semer la discorde dans un pays fragile ne concerne en vérité que ceux qui ont quelque chose à léguer à leurs rejetons ; c’est-à-dire les riches qui plus est sont à l’islam ce que le Vatican est au bouddhisme… Cette posture qualifiée de rétrograde par les anti-Saïed a largement bénéficié à ce dernier. Et pour cause. Le parti islamiste Ennahda, arrivé premier aux Législatives d’il y a une semaine avec 52 sièges sur un parlement monocaméral qui en compte 217 et 3e lors du premier tour de la présidentielle, a appelé ses troupes à voter Saïed. CQFD. Les autres parties visés par le message de ce dernier sont évidemment l’Algérie dont la situation chaotique qui perdure depuis plusieurs semaines inquiète un Kaïss Saïed conservateur surtout que la Libye voisine donne un exemple parfait de ce que peut devenir une fronde populaire mal gérée… S’agissant pétromonarchies du Golfe, le message serait : « On est certes pauvre mais n’a rien à foutre de vos sous si c’est au prix de notre liberté et notre soutien naturel aux causes justes [la Palestine : ndlr]. Ça promet !
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