Présidentielles, écologie, Facebook, Google et vote blanc
2012, année de l'élection présidentielle : il convient de s'y préparer et pour ce faire établir une certaine forme de bilan.
Des années qu'on l'annonce et aujourd'hui on le constate : le permafrost fond, la toundra brûle, des quantités énormes de méthane, puissant gaz à effet de serre, seront libérées dans l'atmosphère d'une Terre qui voit fondre ses glace bien plus vite et plus intensément qu'on avait pu le supposer, cela dans un contexte où la ressource en pétrole est, et sera de plus en plus, l'objet de tensions extrêmement fortes.
Certains analyste du marché pétrolier envisagent qu'à relativement court terme l'Arabie Saoudite réduise très fortement ses exportations, afin de satisfaire son énorme consommation intérieure tandis que ses réserves s'amenuisent.
Cela ne laisse rien présager de bon quand à la conduite de ces grands travaux que nos sociétés auraient dû mettre en œuvre face aux menaces des évolutions climatiques, de l'augmentation du coût des énergies (qui donnera la recette pour éviter cela ?) que l'on voit déjà en marche, de l'acidification des océans et mille autres problèmes cruciaux.
Rien de bon car très bientôt nous serons, en vertu des entraves que poseront les sujets évoqués ci-dessus, plus « pauvres » qu'hier pour effectuer de gigantesques adaptations : nous ne nous mettrons probablement jamais à niveau à temps, vue la faible portion de route parcourue jusqu'à maintenant...
Pourquoi si peu d'un nécessaire chemin ?
Aurions-nous négligé de mettre en œuvre les mécanismes qui nous auraient vraiment orientés dans des voies plus salutaires ?
Mais quels mécanismes, basés sur quels ressorts, quelles analyses ?
Peut-être pouvons imaginer les choses sous d'autres angles ?
Se poser toutes les questions, les formuler différemment, sonder chaque réponse...
Essayons.
Nous voterons donc en 2012, un moment important car à ce qu'il paraît nos dirigeants nous orientent dans des directions favorables à notre avenir commun...
Je voterai « écologie » bien sûr, car tout le monde a toujours voté « écologie » si l'on y regarde bien... Car « le terme "écologie" désigne la science qui se donne pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes, etc. ) avec leur habitat et l’environnement, ainsi qu'avec les autres êtres vivants ».
Droit au point Godwin : Hitler faisait donc de l'écologie, Staline et d'autres aussi, chacun à sa façon, chacun ayant profondément modifié sa société, son territoire et même au delà de ses frontières...
Mais bien entendu ce que l'on entend le plus généralement sous ce terme n'a rien à voir avec ces sinistres personnes ou avec nos politiques les plus communs : être « écolo » a pris un sens particulier : « L'écologie politique est un ensemble de courants, largement diffusés depuis les années 1970, qui insistent sur la prise en compte des enjeux écologiques dans l'action politique et dans l'organisation sociale. »
Cette « écologie politique » préconise que nous vivions sans porter d'irrémédiables dommages au vaisseau dont nous sommes habitants et prisonniers, la Terre (pour donner une brève définition).
Vivre, c'est à dire ensemble, aussi bien que possible en prenant donc en compte toutes les dimensions de nos vies, matérielles, intellectuelles...
Vivre tous « libres », en démocraties aussi éclairées que possible et donc vigilantes envers tout ce qui serait susceptible de les assombrir.
En 2012 nous confierons une fois de plus nos destins à des personnes qui seront capables de nous tracer des chemins salutaires et de veiller à tous les grains qui nous en détourneraient : il faut donc que nous soyons dès maintenant certains, la date fatidique arrivant vite, que ces personnes auront les capacités et la vigilances requises.
Est-ce bien toujours le cas ?
J'en doute fort et je doute tout aussi fort que nos diverses tendances politiques aient procédé à un examen suffisamment attentif d'un certain nombre de points, du militant de base à la figure de proue, puis aient agi en fonction de cet examen.
Il se produit aujourd'hui un phénomène qui pourrait avoir un impact majeur sur nos libertés, nos démocraties, nos cultures et le développement de ces trois domaines essentiels, au travers du développement des réseaux sociaux, de l'emprise qu'ils établissent sur notre monde et des modalités selon lesquelles cette emprise s'exerce.
Un point particulier de ces modalités apparaît comme essentiel pour l'avenir du Net, si l'on envisage que le phénomène « réseau social » est amené à perdurer encore quelques jours.
Pour l'avenir du Net : par conséquent pour l'avenir du monde et des relations que nous, chacun de nous, pourrons avoir dans ce monde.
Une question majeure tient dans l'obligation que veulent nous faire les grandes sociétés Facebook et Google de nous inscrire sur les réseaux sociaux sous notre identité d'état civil au prétexte que le fait de se présenter ainsi garantirait des rapports « sains », éviterait les « trolls », autrement dit les trublions et garantirait d'une certaine façon la sécurité de chacun.
Si effectivement certains « trolls » seraient empêchés de sévir (et l'on sait qu'ils peuvent être coriaces, déplacés, néfastes...) dans le même mouvement un très grand nombre de personnes seraient privées de l'usage de ces réseaux dont le qualificatif « social » nous laisse supposer qu'ils pourraient nous aider tous, sans exception, à « faire société ».
A bien y regarder cette politique du « nom véritable » n'éliminerait pas les trolls de ces réseaux : ils y seraient acceptés et pourraient s'y manifester sous leur identité dument vérifiée en des propos considérés comme « acceptables » : le « troll » n'est en fait pas nécessairement une personne mais une facette d'une personne.
Mais qui finalement jugerait que des propos seraient ou non acceptables, et en fin de compte classerait telle personne comme « troll », l'éliminerait probablement du réseau, et pour combien de temps ?
Ne sommes-nous pas tous potentiellement le « troll » de quelqu'un ?
Quelle fiabilité ?
Quelle fiabilité aussi dans cette certification d'identité, en vérité, puisqu'il peut aujourd'hui suffire d'envoyer une photocopie de pièce « officielle », véritable ou non, pour faire admettre à Google que le nom sous lequel on a tenté de s'affilier est bien le nom réel d'état civil (Facebook se montrant éventuellement moins pointilleux) ?
On sait qu'il existe des artistes des logiciels de retouche : la politique des « noms véritables » risque fort de ne rien garantir pour un temps, peut-être le temps que nous soyons obligés de disposer d'une carte d'identité biométrique d'un très haut niveau de sécurité et que nous allions faire patte blanche à quelque bureau local du réseau pour une « certification » réputée rigoureuse ?
A l'occasion on nous tatouerait le sigle de ce réseau social sur le front, et nous n'adresserions plus la parole qu'à des personnes « certifiées »...
Le marquage des personnes, quelle qu'en soit la forme, a de mauvais relents...
En fin de compte il sera extrêmement difficile de mettre au point une politique de « noms véritables » offrant vraiment la garantie que les noms seront véritables : l'affaire se présente donc sous un jour où les garanties escomptées ne seront pas au rendez-vous.
Faut-il vraiment mettre en œuvre un principe à ce point bancal ?
Mais cette politique ne présente pas ce seul inconvénient.
Qui sait si dans ma vie très privée je ne suis pas l'auteur d'écrits théologiques sur telle ou telle religion, ou si je n'appartiens pas à un club de personnes fascinées par les cafards, ces insectes si largement adulés, et si je ne tiens pas absolument, pour des raisons qui m'appartiendraient, à ce que cette activité demeure inconnue des miens, de mes voisins, de mon employeur... ?
Qui sait si cette activité culturelle ne s'enrichirait pas énormément d'une présence sous pseudonyme sur quelque réseau social, afin de partager des connaissances de façon aisée avec des partenaires du monde entier ?
Avoir une véritable vie sociale au sein de ma passion secrète en somme.
Il y a de par le monde un très grand nombre de personnes qui, pour mille raisons, ont un besoin parfois vital (jusqu'à protéger leur intégrité physique) de pouvoir se présenter ici ou là sous pseudonyme : ces personnes ont autant de droit que quiconque à exercer pleinement toutes les activités que l'on exercerait en déclarant son nom d'état civil, à avoir une vie complète, sociale, politique, affective...
Il est d'ailleurs fort surprenant que Google et Facebook, entreprises US, puissent annoncer de telles politiques de "noms véritables" dans un pays où l'on peut exercer toute activité, à ma connaissance sans aucune restriction, en utilisant le pseudonyme sous lequel on s'est fait connaître et qui n'a bien souvent aucun rapport avec son état civil "d'origine".
Le premier amendement de la constitution US garantit la liberté de parole mais ne spécifie nullement qu'elle doit se prendre en prouvant son état civil.
Par ailleurs dans des pays où la liberté d'expression est fortement contrôlée il pourra être vital de ne pas tenir certains propos sous son nom d'état civil mais tout aussi vital de pouvoir s'exprimer d'une façon qui serait jugée trop subversive sous pseudonyme avec un plus grand niveau de sécurité.
Venons en à la question clef de cette politique : celle de l'impact extrêmement fort qu'ont ces deux réseaux aujourd'hui sur le monde.
600 millions d'affiliés à Facebook probablement au minimum, 20 millions à Google+ en moins de temps qu'il n'en faut pour penser à éternuer...
Combien de divisions sur ces deux réseaux, ou sur celui qui survivra à la féroce bataille qu'ils se livrent, dans 2 ans, dans 4 ans ?
Un quart de la population mondiale « connectée » ?
Il y aurait entre 1,5 et 2 milliards de personnes connectées à Internet : le quart est atteint ou dépassé par Fb.
La moitié de la population mondiale sera présente sur ces réseaux ?
Plus ?
Il suffit déjà de la puissance de ces sociétés et de leurs grand nombre d'affiliés pour que leurs préconisations, leurs règles internes en fait, puissent être reconnues comme des normes.
Est-il acceptable que chacun dans le monde demain soit contraint, pour pouvoir bénéficier des principaux services disponibles sur la planète, de s'y inscrire sous son nom véritable alors que l'on sait que cette obligation serait une clause très nette d'exclusion, un motif à ne pas pouvoir publier des œuvres de l'esprit qui participeraient de notre culture en mouvement, un frein à l'évolution de l'ensemble de nos libertés et de nos démocraties ?
Eliminer du Net tout ce qui se ferait sous couvert de pseudonyme serait un véritable autodafé, un massacre des idées, détruirait des sommes de productions de l'esprit (ou bloquerait leur diffusion) et finalement d'une certaine façon leurs auteurs.
Mais qui de nos politiques, qui de nos écologistes aurait élevé la voix sur cette question ?
Certes, le commerce...
On sait que les motivations fondamentales de ces deux compagnies sont de favoriser leur commerce, en disposant de très riches bases de données sur le moindre de nos faits et gestes d'individus uniques, bien désignés par un véritable nom et géolocalisés, afin de mieux cibler la publicité qu'ils nous retourneront de façon directe ou par la commercialisation des données que nous avons fournies.
On sait depuis le début que les courriers électroniques de la plateforme Gmail sont analysés afin de pouvoir mieux nous « cibler ».
Objectif : publicité, vente, encore plus de vente au travers d'une publicité encore mieux conçue en fonction des « goûts » de chacun et tout cela pour quoi ?
Pour enrichir encore plus ce colosse, bien sûr, avec l'effet collatéral que, si le système fonctionne vraiment et donne grande satisfaction à ses initiateurs, nous « épuiserons » encore plus vite cette planète que nos fameux « écologistes » voudront préserver.
En conséquence livrer de nos données, éventuellement beaucoup de nos données, et même parfois toutes nos données à ces entreprises lorsque l'on se prétend « écolo » c'est leur permettre de faire avec plus d'efficacité ce contre quoi l'on souhaiterait, paraît-il, lutter.
Comme s'il n'existait aucune solution de courrier électronique que Gmail...
J'avoue certes, j'ai un compte Fb, mais auquel je ne livre que très peu de considérations personnelles pouvant être liées à mes « habitudes de consommation » : il a pour vocation essentielle de partager des lectures et je n'y ajoute maintenant presque exclusivement que des lectures concernant les réseaux sociaux, le reste étant sur ma page de cet autre réseau social (sur lequel j'invite chacun à se documenter : « Diaspora* : Le guide du parfait débutant »).
Pour conclure je pense qu'il existe une menace réelle due à ces deux grands opérateurs qui, d'une certaine façon, voudraient « purifier le monde ».
Retour dans les parages du point Godwin : souvenez vous du nombre de dictateurs qui ont voulu « purifier » le monde...
L'histoire nous apprend que ce genre d'initiative n'a jamais conduit à des situations heureuses et maintenant si l'arme utilisée n'est pas le canon mais le commerce, le commerce effréné, implacable, envisagé dans une sorte de démesure, exacerbé, vorace... je ne pense pas que le résultat global de cette mécanique pourra nous être véritablement bénéfique : il nous sera donc nuisible.
La philosophie également peut nous inciter à penser que ce qui se trame n'a rien de bénéfique.
Que font donc des personnes démocrates, attachées à nos libertés fondamentales, à notre développement culturel, des politiques chargés de défendre de telles « valeurs », en utilisant assidument ces services de Google aux nombreux substituts (courrier électronique) ou aux quelques substituts (réseaux sociaux) inoffensifs ?
Ils renforcent Google, ses appétits, accroissent la possibilité qu'une norme néfaste, la politique des « noms véritables », soit appliquée au monde : n'y aurait-il pas comme un paradoxe ?
Je ferais même le pari qu'on y trouve de « véritables écolos » ou des « décroissants »...
Alors en 2012 il faudra voter.
Et je commence à penser que je n'aurai pas grand plaisir à voter pour un candidat qui n'aurait pas montré un certain activisme sur cette question, qui aurait un compte Gmail et serait présent sur Google+ : cohérence entre la parole et les actes, entre autres nombreux critères....
Voter, peut-être blanc, malheureusement, surtout s'il règne un tel silence, dans les médias et dans l'arène politique, sur la question abordée ci-dessus, parce-que j'ai besoin de logique et de cohérence.
Pas vous ?
Pourquoi mettre particulièrement Google sur la sellette alors que Facebook prône cette même politique des « noms véritables » ?
Trois faits m'y incitent : le premier est que Facebook ne présente pas une offre de services couvrant autant de domaines que ceux que Google traite, ce qui revient à dire que « l'utilité globale » des deux compagnies ne se compare pas.
L'offre de Google est vaste et de haute qualité : comme à l'étal du marché il ne faut y prendre que les meilleurs fruits, ceux qui nous apporteront les vitamines et non les mycotoxines.
Second fait : quelques sondages semblent indiquer qu'un grand nombre d'affiliés à Facebook pourraient migrer vers ce Google+ qui apparaît aujourd'hui comme la grande superstar du Web, qui offre de si grandes facilités, qui affiche un taux de croissance ahurissant, qui semble si largement plébiscité qu'on peut imaginer qu'il mettra un jour, ou bientôt, son concurrent au tapis.
Troisième fait : la conséquence de la très vaste offre de service de Google est que chacun peut être amené à utiliser un grand nombre de ces services et cette convergence donne à cette société des moyens techniques supplémentaires pour nous traquer, pour surveiller notre activité et convertir les résultats de cette collecte en données commercialisables.
La « puissance » technique de Google semble donc largement supérieure à celle de Facebook : l'acteur le plus dangereux dans la tentative de « purifier le Net » par une politique des « noms véritables » est donc probablement Google.
A moins d'une réaction mondiale des instances politiques contre cette « purification », mais je ne la vois pas venir, seuls les internautes peuvent contraindre Google à l'abandon de sa mauvaise idée.
Auront-ils la clairvoyance de le faire ?
Sauront-ils nous éviter à tous des mesures capables de brider de façon sévère d'indispensables actions politiques et sociales dans un monde devenu peut-être beaucoup plus conflictuel, pour les raisons évoquées au début de cet article ?
Qui, sur ce Net « purifié », pourra lancer d'indispensables alertes dans ce monde plus trouble, car les lanceurs d'alertes sont des sortes de « trolls » aux yeux de certains, nous le savons bien...
Y a-t-il quelque part une trace « d'intelligence collective » ?
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