Précisons d’emblée qu’ici à la Réunion, le choix des implants est limité. Pour tout dire, je n’ai pas eu d’autre choix que celui d’un implant simple, monofocal qui ne corrige pas mon astigmatie (mais je l’ai, depuis, perdue de vue...). En métropole, on peut envisager les implants bi ou multifocaux, les implants toriques qui corrigent l’astigmatie, etc.
Ceci dit, c’est parfois très bien de ne pas avoir le choix. Ça évite de se torturer pour éviter de faire le mauvais choix. Pour ma part, je ne suis pas certain que j’aurais pris le risque d’implants plus sophistiqués car la précision requise étant plus grande, il y a moins de marge de manœuvre pour le chirurgien. Il y a moins droit à l’erreur. Or les erreurs il y en a toujours. Si quelque chose ne va pas, l’opération à réaliser devient beaucoup plus lourde, avec le risque d’abîmer l’œil irrémédiablement.
Actuellement j’ai juste une paire de lunettes pour voir net au-delà de la longueur de mes bras, et ce, jusqu’à l’infini (pour le peu de science optique dont je dispose, une telle profondeur de champ m’est incompréhensible).
Il me manque juste des lunettes pour tout ce qui se passe en dessous de 50-60 cm, c’est-à-dire pour lire et pour voir ce que j’ai dans l’assiette. J’aurais cela bientôt et je serai complètement équipé.
La seule difficulté réelle que je rencontre actuellement, ce sont les situations où je dois passer constamment d’une vision lointaine (plus d’un mètre) qui nécessite des lunettes à une vision proche sans lunettes.
C’est par exemple le cas en entretien professionnel, puisque les personnes que je reçois se situent généralement à plus d’un mètre. J’ai besoin de mes lunettes pour bien voir leur visage, mais je dois les ôter si je veux regarder l’ordinateur qui me sert pour la prise de notes.
Lors des repas, passer de l’assiette au regard des convives plus ou moins lointains sera encore plus problématique car il me faudra passer d’une paire de lunettes (vision proximale) à une autre (vision distale).
Je ne suis pas sûr que les verres progressifs puissent répondre à une situation aussi particulière de manière satisfaisante pour moi qui tient tellement à la liberté d’orientation de mon regard. Vu par où je suis passé, je pense pouvoir m’accommoder de l’inconfort que représente le fait d’avoir plusieurs paires de lunettes.
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Passons maintenant à la question de l’origine de ma cataracte. Il n’y a probablement pas de facteur familial ou génétique qui m’y prédisposerait car mes parents ne sont pas concernés actuellement. Seule ma grand-mère s’est faite opérer il y a une trentaine d’année, lorsqu’elle était dans sa soixantaine, ce qui est normal, me semble-t-il.
Vous me pardonnerez de venir si vite à ce qui pourrait passer pour une conclusion bien trop hâtive, mais il s’agit de faire court, c’est pourquoi j’indique d’emblée que le facteur causal que je pense pouvoir retenir pour expliquer la précocité de ma cataracte, c’est le fait que depuis 1995 j’ai passé le plus clair mes journées devant l’écran LCD de mon ordinateur. Je ne me sers quasiment plus de papier pour rédiger et je reste donc à lire, écrire ou réfléchir en fixant un écran, principalement blanc, durant des heures d’affilée, alors qu’en raison du rétroéclairage fluorescent, il émet constamment un rayonnement ultraviolet.
En effet, dans ce type d’éclairage, la décharge électrique envoyée dans le mélange de gaz argon ionisé et de vapeur de mercure produit une lumière UV qui est absorbée par le dépôt de phosphore sur la paroi. Celui-ci transforme le rayonnement UV en la lumière visible mais il fait un peu passoire et une proportion significative d’UV n’est pas arrêtée par le dispositif.
Ainsi, la lumière d’une lampe fluorescente peut être un facteur causal non seulement de cataracte mais aussi d’atteinte rétinienne, en particulier dans les cas où le cristallin est simplement retiré ou lorsqu’il est remplacé par un cristallin qui ne filtre pas les UV — ce qui, heureusement, n’existe plus à présent. Car le cristallin, en vieillissant, en jaunissant, protège la rétine.
Je pense qu’en ce qui me concerne, l’exposition régulière à un éclairage fluorescent constitue la meilleure hypothèse explicative de ma cataracte précoce dès lors que je ne suis pas un baroudeur qui a passé sa vie en pleine nature, sous le soleil exactement.
Un très riche et intéressant document de l’association Next-Up intitulé « Lampe Fluo Compacte et Dégénérescence Maculaire LFC et Enfants : Comprendre l’Alerte Sanitaire » (01/06/2009) montre très clairement les dangers que constituent les éclairages fluorescents pour la rétine, notamment les ampoules à basses consommations qui, à la nocivité des UV, ajoutent celle des ondes électromagnétiques qu’elles émettent ainsi que celle de leurs composants. Des données plus techniques peuvent être obtenues dans l’excellent rapport de l’INRS « Eclairage et Vision » (1996) qui indique que :
« Avec l’âge, le cristallin présente certaines modifications morpho-physiologiques : coloration jaune, augmentation du taux de protéines insolubles, sclérose avec perte d'accommodation et formation de plaques de cataracte. De nombreuses preuves épidémiologiques impliquent le rayonnement UV dans ces modifications. » p. 121
L’idée couramment admise est que l’impact des agents pathogènes sur la vision se réalise sur un mode cumulatif, c’est-à-dire, même à faible dose. Dès lors il convient de commencer la prévention le plus tôt possible, en minimisant l’exposition, et ce dès l’enfance, surtout quand le cristallin tout frais, très faiblement opacifié, laisse la rétine très exposée.
Pour ma part, afin de protéger ma rétine, je me suis mis à travailler sur l’ordinateur avec la luminosité de l’écran au plus bas et un fond noir pour mes documents. C’est assez aisé pour le traitement de texte : Word permet dans les options d’adopter un jeu de couleurs noir et d’avoir (dans mise en page) une page entièrement noire qui rappelle les bons vieux traitements de texte sous DOS. En plus, je choisis une fonte de couleur gris clair plutôt que blanc afin de diminuer encore l’intensité lumineuse.
Sous OpenOffice je n’ai pas réussi à obtenir un écran entièrement sombre et serait intéressé par toute solution ; ainsi que pour Google Doc dont je ne peux plus me servir.
Pour ce qui est des navigateurs, c’est plus problématique, car le choix du fond noir avec fonte blanche écrase complètement les nuances de couleur et appauvrit drastiquement l’affichage.
De fait, les boutons à cliquer disparaissent souvent, de sorte qu’il faut parfois revenir à l’affichage normal pour utiliser la page. Ce n’est pas gênant du tout lorsqu’il s’agit seulement de lire du texte. C’est plus délicat dès qu’il faut interagir pour, par exemple, laisser un commentaire. Les info-bulles (présentes sur Agoravox) peuvent alors aider à situer les boutons.
Pour ma part, j’utilise comme navigateur l’excellent Firefox 8.0 qui offre des habillages (skin) très noirs comme FTDeepDark qu’on installe facilement en tant que module complémentaire. Pour mon programme de courrier, pareil, j’utilise Thunderbird 8.0 avec l’habillage TTDeepDark que je trouve très réussi. Le seul problème est qu’un bon nombre d’e-mails que je reçois imposent leurs couleurs mais ne le font qu’à moitié, de sorte que le fond redevient blanc mais la fonte reste elle aussi blanche, ce qui m’oblige à mettre en surligné pour lire !
Enfin, je précise que pour toutes les situations sortant de ma zone de confort, je n’hésite pas à regarder l’écran avec des lunettes de soleil. Idéalement, il faudrait les porter tout le temps puisqu’elles filtrent efficacement les UV.
Evidemment, les détenteurs d’écrans récents à LED, outre qu’ils jouissent d’un contraste merveilleux, ne sont pas concernés par cette exposition UV. Maintenant, cela ne veut pas dire que les LED n’aient pas d’effets pathogènes sur la rétine. Mais nous manquons encore de recul et en attendant, entre deux maux, il faut choisir le moindre.
Pour conclure, je voudrais juste dire que même si je continue d’entretenir bien des réserves à son égard, j’ai eu la chance de connaître la médecine moderne dans ce qu’elle réussit le mieux. Les opérations de la cataracte sont, en effet, les interventions chirurgicales les plus fréquement réalisées et même si elles ne sont pas exemptes de risques, il me semble que tout le monde pourra confirmer qu’elles sont « sans histoires » : on n’en entend pas parler, au contraire de bien d’autres opérations dont les erreurs font trop souvent la une des journaux.
Je crois que la sage et saine préférence pour les médecines parallèles, orientales et autres ne doit donc pas empêcher de reconnaître la supériorité sans appel de la médecine allopathique et de la chirurgie dans certains domaines où il n’y a tout simplement pas d’alternatives. A ma connaissance il n’existe aucun traitement de la cataracte autre que la chirurgie.
C’est peu de dire que je me réjouis d’avoir pu en bénéficier avec le résultat quasi-miraculeux précédemment évoqué. A tout ceux qui sont concernés je suggérerais donc, sans garantie d’aucune sorte, de ne pas hésiter ni attendre plus que nécessaire si la gêne est réelle : trouvez un bon spécialiste et faites vous opérer, le jeu en vaut la chandelle. D’ailleurs, vous le savez, la vision, ça n’a pas de prix.
Pour finir, une petite note psychologique, afin de signaler comment la force de l’habitude en nous joue ici. Elle est telle qu’alors que notre vision se dégrade lentement mais sûrement, nous pouvons n’en avoir aucune conscience, pensant que nous voyons exactement comme nous avons toujours vu.
De la même manière, la vision supérieure récupérée après une opération de la cataracte accède vite au statut notre nouvelle norme, de sorte que, devenue normale, nous n’y prêtons plus attention, nous ne la voyons plus.
C’est le processus de l’habituation qui, si on lui laisse libre cours, nous habitue à tout, au meilleur comme au pire.
Aussi étrange que cela puisse paraître, on pourrait donc conjecturer que le fait qu’une personne soit voyante ou aveugle ne permet pas de prédire son degré de bonheur puisque justement, on s’habitue à tout.
Ceci étant dit, je pense que la perspective de s’habituer à une excellente vision est sûrement préférable à celle de s’habituer à une cécité.
Mais vous n’êtes pas obligé de me croire :-)
* Légende de l’image : Le soleil vu dans les ultraviolets par le télescope EIT de SoHO.
En attente d’’une telle intervention, je souscris à la « fatigue » post-ordinateur, aux UV solaires, à l’âge, etc... Et au sentiment « d’habituation ». (J’ignorais la possibilité de cristallin « multi-focale »)
J’ai appris des choses, et je me sens moins c... que ce matin !
Je me réjouis de savoir que mes textes vous ont été utiles ! En tant qu’auteur, c’est la première satisfaction. J’ai ainsi le sentiment du devoir (témoigner) accompli
En principe oui au sens où comme je l’ai dit, entre deux maux...
Les lampes fluo et autres néons balancent des U.V. Pas les LED. Mais ceux-ci ont d’autres défauts, en particulier la longueur d’onde de la lumière émise plutôt bleue, qui suscite peu la fermeture de la pupille (si j’ai bien compris) et laisse donc la rétine davantage exposée.
Il conviendrait donc de choisir des LED colorées, « chaudes », mais sans garantie que cela soit inoffensif pour autant...
Bref, je n’ai pas fait le tour de la question, ni sur les LED, ni sur les fluos. Je sais juste que pour ces dernières, il y a un danger bien établi pour l’oeil à cause des U.V. !
En attendant que les LED se généralisent, n’existe-t-il pas des filtres à poser sur les écrans LCD ? Plutôt que porter des lunettes de soleil, autant que ce soit l’écran qui les porte.
Oui, c’est une bonne idée. Un filtre 100% UV posé sur l’écran ça serait top. Mais je ne connaissais des filtres fonctionnant sur ce principe que du temps des écrans cathodiques. Pour les écrans plats, jamais vu. Je chercherai ça... !