Primaires de gauche : pour une dynamique Montebourg

La victoire de Fillon place toute la gauche dans la désespérance. Deux sondages (1) réalisés coup sur coup semblent montrer l’inéluctabilité d’une victoire du conservatisme et du libéralisme pur et dur représentés par l’ancien premier ministre de Sarkozy. Un appauvrissement inquiétant de la fonction publique, un durcissement à tous les niveaux de la condition des travailleurs, une véritable insécurité sociale, un état de guerre encore accru, un conservatisme sociétal accentué comme jamais, voilà la perspective qui s’ouvre à ce qu’on a coutume d’appeler le peuple de gauche.
Ce peuple-là, allié à ceux du centre qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs de droite anti-égalitaires et proprement réactionnaires, ce peuple-là pourtant peut et doit gagner. Il ne le fera pas avec Jean-Luc Mélenchon. Le représentant de la « France insoumise » apparaît un personnage brillant certes, mais trop clivant. Pour avoir voulu trop jouer au cavalier solitaire, il indispose une gauche soucieuse de rassemblement jusque dans sa partie la plus extrême. Son anti-européisme affirmé, ses éclats anti-système effarouchent le centre. Certes, en 2012, il avait pu paraître insufler un dynamisme de gauche hors de la primaire mais cette dynamique est retombée comme un soufflé. Rien de décisif ne permet de croire qu’il n’en sera pas de même en 2017.
La dynamique de Fillon est venue de la primaire de droite. La dynamique du champion de la gauche ne pourra venir que de la primaire de gauche. Comment pourrait-elle venir de Hollande ou de Valls ? Comment le chef de l’État ou son premier ministre qui ont vu leur cote régresser de façon spectaculaire tout au long du quinquennat pourraient-ils -et en plus s’ils se combattent- recréer à gauche une dynamique apte à dépasser celle de Fillon ? A la gauche pacifiste qui avait voté pour lui en mai 2012, Hollande a dû faire supporter, dès janvier 2013, une guerre meurtrière, néocolonialiste, dont les conséquences sur notre sol n’ont cessé de faire régresser le droit. Valls à l’intérieur puis à Matignon a accompagné cette régression avec un état d’urgence sans cesse prolongé. Il a voulu, même après le renoncement de Hollande, faire adopter la déchéance de nationalité pour les français auteurs de crimes djihadistes. Alors que les inégalités ont continué de s’accroître, la régression des droits civiques s’est accompagnée d’une régression des droits sociaux imposée à coups de 49-3 et faisant sortir dans les rues et sur les places des centaines de milliers d’étudiants et de travailleurs. Valls et Hollande, pionniers de la politique régressive dont Fillon a fait un cheval de bataille, seraient qualifiés pour entraîner la gauche et la faire triompher du champion de la droite conservatrice ? On veut rire !
Alors Arnaud Montebourg. Troisième homme de la primaire de 2011, il peut être le premier de celle de 2017. Je voudrais recopier ici quelques phrases de cet « appel du mont Beuvray » par lequel le déjà ancien ministre se plaçait en futur candidat à la présidentielle : « Etre de gauche, c’est considérer qu’entre le fort et le faible, l’État doit être fort pour peser dans la balance afin que jamais la condition du faible ne soit écrasée par la liberté du fort. C’est donc être pour la justice de la société… Etre de gauche c’est avoir à coeur de défendre sans relâche nos libertés. C’est refuser toujours qu’elles puissent être bafouées, voire abolies, même au nom de des nécessités de l’ordre public, de l’impérieuse lutte contre le terrorisme ou de la sécurité des personnes et des biens… Etre de gauche, c’est s’intéresser, connaître, aimer, considérer les hommes et le femmes qui vivent durement, qui n’ont que leur force de travail ou leur petit capital pour survivre. C’est être bienveillant à la condition ouvrière et soutenir ceux qui semblent abandonnés par la société, par la puissance publique, dans des territoires délaissés et appauvris... »
On pourra dire sans doute que ces propos aussi généreux que généraux n’indiquent pas assez concrètement les axes d’une politique mais les actes du ministre de l’économie et du rendement productif, le caractère volontariste de son action, les raisons nettes de sa démission d’un gouvernement qu’il jugeait s’écarter de la gauche, son opposition à la loi travail dont il souhaitait l’abrogation, tout cela témoigne au contraire de la fermeté claire et précise de son engagement.
Celui de Benoit Hamon, Gérard Filoche ou Marie-Noëlle Lienemann, candidats comme lui à la primaire, est-il moins ferme dans l’ancrage à gauche ? Certainement pas. Mais il faut choisir. Montebourg au charisme incontestable joint à l’expérience de la bataille des primaires celle de la gestion d’un ministère central. Les sondages qui lui donnent une avance appréciable et répétée sur ses concurrents, font de lui le seul capable de battre Hollande au second tour. S’ils ne veulent pas entraver la seule chance d’une dynamique de gauche victorieuse, Hamon, Filoche et Lienemann ne devraient-ils pas dès aujourd’hui songer à s’effacer ?
« Dynamique victorieuse », disais-je. Eh oui, pourquoi pas ? Montebourg peut prendre au premier tour la première place des primaires même si Hollande et Valls ont la mauvaise idée de s’y présenter ensemble. Il peut triompher aussi fortement de la primaire de gauche à gauche que Fillon a triomphé de la primaire de droite à droite. Les électeurs sympathisants de la gauche et du centre, conscients de la gravité de la situation politique après la désignation de Fillon, pourront se déplacer bien plus que les électeurs des Républicains. Plébiscité cet hiver par un socle d’électeurs de primaires plus large que jamais, Montebourg ne pourra-t-il pas convaincre au printemps qu’il est le mieux en mesure de rassembler les français et de faire progresser la France ?
1-Harris-interactive et Odoxa du 27 novembre
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