• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Printemps français et prières de rue

Printemps français et prières de rue

Il sera intéressant, dans quelques années, de voir comment les historiens rendront compte des événements de l’hiver et du printemps autour de la question du « mariage pour tous » ; comment les anthropologues décriront les comportements curieux de la « droite, décomplexée » par l’arrivée aux affaires d’un « petit gros usurpateur ».

 En effet, dans un premier temps, cette droite s’est trouvée une égérie en la personne de Madame Virginie Tellenne, qui avait tenu à garder son nom de scène parisienne : Frigide Barjot. Membre du Groupe Jalons avec son mari et son beau frère, elle avait été initiée à la pratique du détournement et a donc donné à son mouvement ce nom évocateur : « la manif pour tous » . Puis elle a été débordée sur sa droite par une Béatrice au nom prédestiné (Bourges) qui a lancé une campagne qu’on a pu qualifier de plus radicale : « le printemps français ».

Certes, Madame Tellenne, après une vie un peu olé olé, avait fait son retour dans la religion où elle était née, mais le nom qu’elle avait choisi avait un côté soixante-huitard : « la manif pour tous » . En revanche, ce n’était pas à « l’esprit de soixante-huit » que se référait Madame Bourges en lançant son « printemps français ». Elle qui défend un traditionnalisme catholique se référait plutôt aux « printemps arabes » qui avaient émaillé l’année 2011.

On peut être surpris de cette référence qui passerait presque pour une révérence. Mais de la part d’une catholique traditionnaliste, on peut se demander si ses faveurs vont « aux laïcs et aux modernistes » qui ont chassé les rois d’Egypte et de Tunisie (ils risquent de proposer un jour le « mariage pour tous ») ou aux religieux qui ont (provisoirement, peut-être) récupéré ces « révolutions ». Et on peut sourire de voir ce « printemps français » se terminer dans des prières de rue.

Quand j’étais jeune et que je suivais l’enseignement des Révérends Pères, la mode était à l’œcuménisme. Certes ce mouvement se limitait aux chrétientés de diverses obédiences, mais, face à une modernité troublante, ce qui réunit les croyants, chrétiens et musulmans, est plus fort que ce qui les sépare et les oppose (dogmes, rituels, susceptibilités, préséances, etc…). Et quand je vois à la télévision le théologien Tarik Ramadan, je me dis que l’enseignement des Frères Musulmans n’a rien à envier à celui des Pères Jésuites.

Ces considérations ont un regain d’actualité aujourd’hui en raison de deux événements. Le premier, c’est le retour en Egypte du printemps ou du bâton, selon le point de vue où l’on se place. Le président Morsi, le premier président élu démocratiquement en Egypte, a été écarté de pouvoir par le général Abdel Fattah al-Sissi. Certes, cet officieux est connu pour sa piété, mais il a promis des élections libres. Il n’est pas certain que les laïcs triomphent, mais on ne sait jamais. Au train où vont les choses, ce n’est pas demain qu’un pouvoir issu des urnes en Egypte envisagera le « mariage pour tous ». Mais si une telle chose devait advenir, on ne sait pas ce que diraient Mesdames Tellenne et Bourges.

Depuis quelques jours, je lis le quatrième volume de l’Histoire de France publié par François Furet en 1988. Il raconte comment le « printemps français de 1789 » fut plombé par la question religieuse quand l’Assemblée Constituante voulut étendre sa compétence à la Constitution Civile du clergé[1]. Cette posture réfractaire est depuis constitutive de la droite française. Mais au printemps 2013, une partie de cette droite est allée jusqu’à prétendre imposer à l’Etat laïc ses convictions religieuses.

L’autre événement qui a fait l’actualité est en réalité un pseudo-événement : c’est la levée de l’immunité parlementaire de Madame Le Pen, qui ne s’était pas beaucoup engagée sur le « mariage pour tous », mais qui avait comparé précédemment les prières de rue (musulmanes, s’entend) à une « nouvelle occupation ».

Elle pourra dire au tribunal, avec l’humour qu’on lui connaît, qu’elle a une grande admiration pour l’auteur de Triporteur.

A la question « Quelle est votre occupation préféré, René Fallet répondait généralement : « l'occupation allemande. »



[1] 12 juillet 1790 : vote de la Constitution Civile du clergé ; 10 mars et 13 avril 1791 : brefs pontificaux la condamnant.

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.95/5   (19 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • HELIOS HELIOS 5 juillet 2013 12:41

    Quand les historiens se pencheront sur notre present....

    — nos historiens parleront d’une epoque de conquetes et de difficultés qui ont fait triompher l’islam, la charia... on aura abrogé le mariage pour tous, evidement, et les prieres de rue, sauf grande occasion, auront disparu avec l’interet d’un proselytisme devenu inutile, les français etant tous ou presque, musulmans... et souligneront l’immense tolerance de cette religion tolérant que des minorités chretiennes puissent garder leurs habitudes tant qu’elle ne debordent pas dans l’espace commun.

    — ailleurs d’autres historiens parleront probablement de suicide culturel d’une europe submergée par un pression migratoire venue du sud, certain mettant en cause la decolonisation, d’autre la demographie blanche, peu importe, l’ONU sera la pour expliquer que l’espace economique europeen est d’une richesse sans pareil,.... et que la beauté des mosquées est au moins aussi interressante que les cathedrales millenaires... et que ce qui compte, finalement c’est la paix !

    Les peuples historiques europeens, morts pour la paix. C’est quand même grandiose, non ??? pendant que l’asie, l’amerique


    • Cro Magnon Cro Magnon 5 juillet 2013 14:53

      Croyez-vous que les historiens auront alors le droit de prononcer le mot de « génocide français » ou que le « Nouvel Ordre Mondial » le fera rayer manu militari du dictionnaire ?


    • Gandhi 5 juillet 2013 14:31

      tout ce qui est fabriqué, ainsi que la survie est affaire collective..si le mères étaient des élites mentalement parlant elles jetteraient leur bébé : pas rentable..

      voila ou on en est..le reste est broutille pour occuper le cerveau analytique, cerveau humain qui se rétrécit au cas ou vous ne le sauriez pas....

      l’argent n’a jamais rien du tout fabriqué,en fait il n’existe pas.

      les religions, la politique, le business , l’ histoire , les intellectuels, etc etc tout ceci est vide , au mieux de l’habillage....la seule motivation superficielle d’un humain est " donne moi ton travail, ton blé, ta récolte, ton pognon etc etc il n’y en a aucune autre...la trouille de vivre est à l’origine de cela..car vivre c’est .....................MOURIR !
      Ça c’est pour le superficiel ,quand à aller au delà dans les vraies raisons, l’occidental en est tout simplement devenu incapable..il va devoir tomber de très haut d’abord et puis peut être se mettre à faire le bon choix du seul chemin ou nous aurions du nous aventurer, le chemin dit interieur ,qui correspond en fait à la compréhension de la souffrance dont nous souffrons tous..pseudo élites incluses..avec de la chance le Grand Tout peut alors vous toucher..là est le sens ,pas ailleurs, ni dans les livres aucun, ni dans les gurus, les prêtres, les politiques, le business et tout le reste ,mais comme j’ai peur , je délègue ma vie pour le chef...alors pourquoi se plaindre ??

      je souffre = je fais souffrir................ça fait des milliers d’années déjà.....


      • claude bonhomme claude bonhomme 5 juillet 2013 14:36

        Je constate qu’il faut trouver un titre tapageur pour être publié (pour être lu, c’est autre chose).

        Je suis donc contraint de forcer ma nature.

        Et je viens de soumettre pour la seconde fois un petit article culturel sous un nouveau titre : LA LECTURE PEU CONVENABLE ET DANGEREUSE DU FIGARO


        • Arnaud Dubreuil 5 juillet 2013 15:41

          De prières de rue ? Du printemps français ?

          Parleriez-vous des Veilleurs ?

          • epicure 6 juillet 2013 00:32

            C’est vrai que c’est comique de voir la droite conservatrice faire référence à des mouvements qui ont toujours été à l’opposé de leurs valeurs, qu’il soit européen, de pragues ou arabe. Les divers printemps se sont faits sur des valeurs de gauche et non conservatrices.


            • Brice Bartneski bartneski 6 juillet 2013 15:46

              Ou peut être que les historiens nous expliqueront que tout cela n’était qu’une des conséquences du changement climatique... mais pour comprendre ça, il y a encore beaucoup de Chemin pour certains...


              • claude bonhomme claude bonhomme 8 juillet 2013 12:29

                Je ne me suis pas connecté depuis vendredi. Je trouve aujourd’hui les réactions que mon petit article a provoquées. La plupart sont rationnelles, mesurées et dépourvues de ce caractère hystérique que je déplore souvent. J’en remercie les auteurs.

                Scheizer veut rebonbir sur la théorie du genre. Ce n’était pas mon sujet ici.

                Mon petit article LA LECTURE PEU CONVENABLE ET DANGEREUSE DU FIGARO, lui, n’est toujours pas publié. Censuré par des lecteurs du Figaro ?

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès