Privatisation des radars embarqués : la nouvelle capitulation du gouvernement
Afin de lutter contre la mortalité routière, le gouvernement a décidé d’« externaliser » le pilotage des voitures équipées de radars embarqués. Des sociétés privées seront ainsi chargées de faire respecter la loi et protéger la vie des citoyens.
Le gouvernement continue de décevoir, y compris ses électeurs. La mesure numéro 2 du Comité interministériel de sécurité routière (CICR), réuni en avril, consiste à « augmenter, dans les meilleurs délais, l’utilisation des radars embarqués dans les véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l’Etat ». Concrètement, cela veut dire qu’après ses fourrières et ses autoroutes, la France va confier au privé les radars mobiles.
La mesure sera expérimentée dès la fin du mois d’août, avant une généralisation en janvier 2017. Selon Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, l’objectif est de multiplier les contrôles opérés par les voitures radars de policiers, qui actuellement « ne tournent qu’1h13 par jour en moyenne ». Conduites par des sociétés privées, elles pourraient tourner à un rythme plus soutenu, ce qui permettrait de multiplier le nombre de contrôles par trois.
Une mesure qui a de quoi irriter, tout particulièrement les électeurs de François Hollande, pour qui le gouvernement est une nouvelle fois en train d’agir selon des principes opposés aux valeurs de gauche qu’il est censé incarner. D’après un sondage Harris pour l’association 40 millions d’automobilistes, 83 % des Français ne sont pas favorables à cette mesure et trois sur quatre (76 %) estiment qu’elle ne vise qu’à faire rentrer davantage d’argent dans les caisses de l’Etat via les contraventions.
Les bénéfices au détriment de la sécurité routière
La méfiance à l’égard de cette nouvelle privatisation est généralisée. Pour Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, avec cette mesure, le gouvernement admet « que les radars, c’est pour l’argent ». Une conviction qui a poussé l’association à lancer un site web afin d’appeler les automobilistes et motards à s’opposer formellement à ce changement. « Les radars embarqués ne peuvent être gérés par des organismes privés dont le seul objectif serait la réalisation de bénéfices et non la sécurité routière », affirme l’association dans un communiqué de presse. Daniel Quero, président de l’association, ajoute : « Si l’Etat donne la gestion des radars embarqués aux sociétés privées, cela marquera le point de départ d’un système aux multiples dérives. Les automobilistes ne se sentiront pas plus en sécurité sur les routes, mais harcelés ».
Les Français estiment en effet que laisser des entreprises privées s’occuper des radars pourrait être la porte ouverte à tous les abus. « De toute façon, moi je vais contester juridiquement les PV émanant des sociétés privées. Je vais dire qu’ils ont traficoté le radar pour faire du chiffre », affirme un automobiliste en colère sur les réseaux sociaux. « Par ailleurs, un employé de cette société privée peut pister régulièrement un citoyen qu’il déteste pour lui faire sauter son permis de conduire. Vous vous rendez compte ? L’Etat va donner à une société le pouvoir de priver les gens de leurs permis de conduire et donc de leur travail, voire plus », ajoute-t-il alarmé.
Comme lui, de nombreux citoyens sont échaudés par les précédentes privatisations dans le domaine des transports. Le souvenir des mensonges du gouvernement lors de la privatisation des autoroutes est encore frais dans leur esprit. « Ne craignez rien », clamait le ministre des Finances de l’époque, Thierry Breton. « C’est l’Etat qui contrôlera et qui fixera les tarifs des péages », promettait-il. Dix ans plus tard, on ne peut que constater le mensonge. Ces dernières années, les tarifs ont augmenté de 2,2 % en moyenne, toujours au-dessus de l’inflation. Et le constat est similaire du côté des services de fourrière automobile, que de nombreuses municipalités et préfectures de police ont confiées à des prestataires privés.
Comment donc faire confiance au gouvernement de Manuel Valls lorsque celui-ci affirme que l’« externalisation » (euphémisme pour « privatisation ») du pilotage des voitures équipées de radars embarqués ne va en aucun cas encourager une « course aux flashs » ? « La rémunération des prestataires privés ne devra avoir aucun lien avec le nombre d’infractions constatées et ces sociétés devront respecter un cahier des charges strict », affirme-t-on dans l’entourage du gouvernement.
Mais la vérité est que celui-ci s’est à plusieurs reprises montré incapable d’obliger les sociétés privées à respecter leurs engagements. Les autoroutes et fourrières ne sont que deux exemples parmi d’autres. Or, dans le cas des radars embarqués, on peut craindre que la privatisation ne contribue à créer petit à petit une sorte de police privée chargée de missions jusqu’ici confiées à des agents publics. Une mesure dangereuse et décidemment loin d’être de gauche.
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