Privatisation des retraites, Jean-Paul Delevoye persiste et signe
Devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale,
qui l'interrogeait le 14 novembre dernier sur l'avenir des pensions de réversion, le haut-commissaire en charge de la réforme des retraites avait évoqué le principe d’un nouveau mécanisme pour le calcul des pensions de réversion.
Selon ce nouveau mode de calcul, le conjoint dont la pension serait la plus élevée serait privé de toute réversion, et le conjoint dont la pension serait la moins élevée verrait sa pension relevée à la moitié de la somme des deux pensions. A priori ce mécanisme de privatisation des retraites ne tiendrait aucun compte de la fortune personnelle du bénéficiaire.
Un exemple :
- Si Jean perçoit 2000 Euros et que Marie perçoit 1000 Euros, au décès de Jean, Marie percevrait 1500 Euros même si elle était millionnaire par héritage par exemple. Mais si Marie décèdait, Jean ne percevrait rien.
- Si Jean perçoit 2000 Euros et que Christine perçoit 3000 Euros, au décès de Christine, Jean percevrait 2500 Euros même s’il était millionnaire par héritage par exemple. Mais si Jean décèdait, Christine ne percevrait rien.
Jean aurait donc intérêt à bien choisir sa conjointe. S'il épouse Marie, alors pas de réversion pour lui. S'il épouse Christine, alors il aura droit à une réversion.
Mais alors que Marie aurait intérêt à se marier avec Jean, Christine n'aurait pas intérêt à épouser Jean.
On imagine l'usine à gaz ... et les calculs sordides que d'aucuns pourraient faire : "montre moi tes 3 bulletins de salaire sinon je ne t'épouse pas" ...
Finalement ont aboutirait à l’équivalent d’un seuil pour l’attribution de la réversion qui serait différent selon les couples. Ce qui n'irait pas sans poser de sérieux.problèmes d'équité.
Monsieur Jean-Paul Delevoye qui trouvait trop compliqué notre système de retraites avec sa trentaine de régimes n'est pas à une contradiction près.
Car remarquons que dans le système actuel, l’attribution de la réversion de la retraite de base dite retraite Sécu est conditionnée à un seuil de revenu identique pour tout le monde mais tenant compte aussi de la fortune des bénéficiaires.
Heureusement que le ridicule ne tue pas.
Interrogé plus tard sur ces déclarations,
l'entourage de Jean-Paul Delevoye indiquait qu'absolument rien n'est décidé à ce jour et qu'en citant cet exemple, le haut-commissaire a simplement voulu informer son auditoire de ce qui se passe à l'étranger.
À supposer que ce mécanisme soit adopté, le seuil de réversion pourrait être porté à 60 % ou 70 % : « tout est à discuter », a-t-on fait savoir, en assurant que le gouvernement n'envisage ni de supprimer, ni même de raboter les pensions de réversion.
À supposer que … « tout est à discuter » … qui pourrait le croire alors même que
l'idée de déconnecter la retraite du travail au motif de couple est portée par des membres du secrétariat général du Conseil d’Orientation des Retraites cf Anne Lavigne mais aussi par d’autres personnes qui après s’être ostentatoirement manifestées par le passé sont probablement en train de déguster en coulisses et avec gourmandise le fruit des graines qu’elles ont semé.
Cependant, qu’on se le dise !
En ce 14 novembre jour d’audition devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, l'alerte Jean-Paul Delevoye prompt à aider sa voisine de table à se défaire de sa veste - oui Mesdames et Messieurs, Jean-Paul Delevoye peut le faire tout en parlant ! – persistait et signait en nous annonçant une étape supplémentaire dans la privatisation des retraites.
Plus fort que le Roquefort,
Jean-Paul Delevoye annonçait la possibilité d’un « contrat conjugal »
La première « piste de travail » est la création d’un « contrat conjugal » dans lequel on pourrait « concéder un certain nombre de points à la retraite » à son conjoint, a précisé Jean-Paul Delevoye.
Un expatrié ayant « une très belle carrière à l’étranger » et dont la femme « ne peut pas travailler » pourrait ainsi décider de façon contractuelle de lui « donner 30 % » de ses points pour qu’elle ne soit pas « pénalisée », a illustré le haut-commissaire.
S’il est actuellement possible de « se partager » quelques trimestres de MDA (majoration de durée d’assurance) accordée à la naissance des enfants, cette possibilité reste très encadrée et se limite à 4 trimestres, une fois par enfant et ne concerne que les avantages familiaux de retraite qui eux ne sont pas acquis par le travail.
Jean-Paul Delevoye, pourtant « haut-commissaire » des retraites oublie un des concepts essentiel d’un système de retraites par répartition financé par tous les actifs et à 25% par les contribuables :
les droits à la retraite acquis dans un système par répartition sont des droits extrapatrimoniaux, on ne peut les céder ni les vendre sans impacter le reste de la collectivité qui finance la jouissance de ces droits.
L’expatrié en question a fait une « belle » carrière ? Tant mieux pour lui. Mais alors il a de l’argent et peut prendre autant de contrats d’assurance vie dont il nommera son épouse bénéficiaire. Il peut aussi s’adresser à son notaire préféré pour aménager son régime matrimonial, y intégrer les clauses de préciput qu’il souhaite, établir les actes de donations qu’il souhaite. Bref, il dispose déjà d’un grand nombre d’instruments lui permettant d’aménager la succession au profit de son épouse.
Mais qu’il n’engage pas le reste de la collectivité en aliénant des droits dont il n'a que la jouissance mais pas la propriété. Car de même que l'on ne peut céder son droit de vote (hormis vote ponctuel par procuration), on ne peut céder des droits à la retraite car ils sont extrapatrimoniaux.
Alors à qui s'adresse en réalité Monsieur Delevoye ? Aux plus modestes, à ceux qui ne sont pas assez fortunés pour acummuler contrats d'assurances vie et donations.
Ce simple exemple suffit à nous montrer l'état d'esprit dans lequel Jean-Paul Delevoye et son entourage de "marcheurs" abordent la question des retraites : pour eux c'est un bien privé.
Méfions-nous, loin d'être anectodique, la réforme de la réversion n'est pas une réforme des retraites, c'est une réforme du sens que nous donnerons à la retraite. Elle ne concerne pas que "les vieux" mais aussi et surtout ceux qui ont encore tout un parcours professionnel devant eux.
Ne vous y méprenez pas, la réforme de la réversion est une réforme dans la réforme.
… la véritable réforme qui se cache derrière celle des retraites ne serait-elle pas qu'un projet de recours massif à la retraite par capitalisation qui elle seule procure des droits patrimoniaux ?
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