Prix des carburants : le gouvernement privilégie une approche budgétaire suicidaire
A défaut de bonnet rouge, c'est bien un carton de la même couleur que de nombreux Français adressent ces derniers jours au gouvernement. La colère qui a tendance à faire tache d'huile est largement compréhensible. La politique de l’État en matière de prix des carburants est ressentie comme insupportable et injuste par une partie de la France dite périphérique. Insupportable car elle répond à des dépenses contraintes. Injuste parce que tous les français ne sont pas dans la même situation selon qu'ils résident en zones rurales ou dans les métropoles.
A cet égard, Benjamin Griveaux a fait preuve d'une incroyable morgue en déclarant, « Wauquiez, c'est le candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel ». Mêmes dépourvus de sympathie pour le président de LR, beaucoup de ruraux se sont sentis insultés par la saillie à l'égard d'un homme politique dont le plus grand tort serait d'être un provincial. Le porte-parole du gouvernement devrait plutôt méditer le propos de Jérôme Fourquet de l'IFOP selon lequel, « Nos sociétés occidentales sont aujourd'hui aussi sensibles au prix du carburant que l'étaient celles de l'Ancien Régime à celui du blé. Cela peut flamber très vite ».
La politique, c'est un art qui consiste à trouver un difficile équilibre entre le rationnel et l'irrationnel. Certes l'actuelle hausse des prix des carburants n'est pas uniquement liée à la main de l’État mais le rôle de celui-ci est néanmoins déterminant avec un prix final constitué pour les deux tiers de taxes.
Or la colère des automobilistes-contribuables repose en grande partie sur le sentiment de n'être qu'une vache à lait, la transition écologique n'étant qu'un alibi pour remplir les caisses désespérément vides de l’État. Ils ont sur cet aspect raison. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) répond à une logique de rendement budgétaire. Le rapport spécial du Sénat sur la Transition Écologique du projet de loi de finance (PLF) 2018 était très clair : sur les 3,9 milliards de recettes, seuls 184 millions d'euros devaient être alloués au compte d'affectation spécial « Transition Écologique ». Certes, le droit budgétaire interdit d'affecter les recettes de l’État mais un fléchage était possible vers des actions en faveur d'une mobilité « propre » ou à minima vers l'entretien des réseaux routiers et ferrés. Que nenni.
C'est cette gestion technocratique, purement budgétaire qui est aujourd'hui condamnée. Car cette augmentation des prix, à part rogner sur un pouvoir d'achat largement entamé, n'apporte rien sur le plan environnemental. L'utilisation des véhicules particuliers sera peu affectée puisque ces déplacements sont contraints et que les alternatives sont quasi-inexistantes. Par ailleurs, les primes de conversion des véhicules les plus anciens restent trop faibles pour avoir un réel effet de levier. Et pourtant, c'est là qu'il faudrait agir. L'âge moyen du parc roulant a grimpé à 12 ans (pour 10 auparavant) c'est à dire qu'il compte un grand volume d'automobiles sorties à un moment où les normes euros, particulièrement efficaces dans la réduction des niveaux d'émissions de polluants, commençaient à être mise en place.
La stigmatisation généralisée des véhicules diesel responsables directement de seulement 17 % des émissions de particules est une autre aberration. La vérité scientifique est plus complexe. 40 % des émissions de particules d'une automobiles proviennent de l'abrasion des pneus et des freins. Le diesel reste performant pour les trajets long quand le véhicule électrique a tout son intérêt pour la circulation urbaine dont la vitesse et les ruptures fait chuter le rendement des véhicules thermiques. En outre, malgré tout ses défauts, le diesel reste moins émetteur de CO2 que l'essence, raison pour laquelle il a longtemps bénéficié d'une fiscalité privilégiée…
A situation complexe, réponse complexe. La principale faute du gouvernement est de ne pas esquisser un chemin de la transition écologique rendant celle-ci possible, acceptable et désirable. Au contraire, par sa brutalité il ne fait que braquer des pans entiers de la population contre des mesures faussement environnementales. Ce faisant non seulement il contribue au délitement du lien de confiance entre citoyens et gouvernants mais il ne crée pas les conditions de la mutation écologique pourtant nécessaire de notre pays.
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