Procès Colonna : errances et incohérences autour d’un os
Dans quelques jours le verdict. Aujourd’hui, les choses ont-elles changé ? Après toutes ces années d’instruction et un procès de quatre semaines, a-t-on progressé ? Le sensationnel a fait place à l’humain.
A quelques jours du verdict, une rétrospective de ce procès s’est imposée à moi.
J’ai personnellement suivi ce procès de dedans comme de dehors. Avec
parti pris, soit. J’ai vu les médias chercher chaque jour ce qu’on ne
trouvait pas dans la salle d’audience. Le formidable, le caché, le coup
de théâtre, le retournement de situation, le témoin qui craque, le
prévenu qui perd ses moyens... Rien. Rien dans le procès pour nourrir
les besoins du sensationnel.
Après toutes ces années d’instruction, rien n’a changé. Tout au long du
procès, Yvan Colonna a confirmé son innocence. Il n’a pas choisi le
mutisme, contre les attentes de certains. Son dialogue a toujours été
clair, même lorsqu’il se refusait à répondre à des questions qu’il
considérait piégées.
Alors, que reste-t-il à juger ?
Les témoins
: aucun des témoins occulaires de l’assassinat n’a reconnu Yvan
Colonna. L’un des témoins qui a vu le visage du tireur à moins de deux
mètres a été formel. Ce n’était pas Yvan.
La DNAT : la DNAT n’a, en huit ans,
récolté aucune preuve permettant de désigner Yvan Colonna comme ayant
fait partie du commando, que ce soit dans l’affaire Erignac ou dans
l’affaire de l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella.
Qui plus est,
certaines errances des policiers ont été mises à jour au cours des
audiences. Tel ce policier qui après avoir soutenu mordicus qu’il
n’avait absolument pas montré la déclaration d’un des membres du
commando à son épouse avant de l’entendre, finit par avouer l’avoir
fait. Ou Roger Marion qui, après avoir écrit dans son livre qu’il avait
soutiré les aveux de Maranelli lui-même, déclare à la cour qu’il était
"parti se chercher un sandwich et une bière" au moment des aveux. Sur
quoi s’appuient-il les policiers de la DNAT, pour déclarer Yvan
coupable ? Leur intime conviction ? L’intime conviction, si elle est
l’affaire du juge, ne doit pas suffire aux policiers. Des preuves... Il
n’y en a pas.
Les membres du commando
: chacun des membres du commando qui avaient validé le nom d’Yvan
Colonna juste après leur arrestation s’est retracté, et a déclaré
à la cour avoir reçu une version pré-établie de la police contenant le
nom d’Yvan Colonna qu’ils auraient été obligés de valider. Certes,
cela peut sembler louche. Mais c’est peut-être ce qui semble le moins
louche. Parce que moi, ce qui me semble louche, c’est qu’ils se soient
rétractés pour d’autres raisons. Alors louche pour louche...
Bien-sûr, la presse relaye qu’ils n’ont pas été "convaincants". C’est
certainement vrai. Mais en ce qui me concerne, je ne m’attendais pas à
être convaincu, pas par eux. Au bout de huit ans, ces hommes,
condamnés et coupables, sont restés muets sur le déroulement des opérations. Ils ont
validé une version, se sont rétractés puis se sont toujours tus sur les
détails. Tous. Pourquoi voulez-vous qu’ils soient convaincants ?
Que penser d’Yvan Colonna, qui
fâché de les voir si peu loquaces, les invective pour leur demander
d’être clairs ? Certains journaux ont voulu y voir une sorte de
règlement de comptes comme il y en a chez Mérimée. Mais si vous étiez
derrière la barre, jouant votre vie, la condamnation à perpétuité, et
que vous étiez innocent, je pense que vous seriez préoccupé par ce que
disent les hommes qui peuvent faire la lumière sur ce qui s’est
vraiment passé. Quoi qu’il en soit, le fait est que chacun des membres
du commando a maintenu que Yvan n’en faisait pas partie.
A ceci s’ajoute un médecin-légiste qui déclare que le tireur mesurait
10 cm de plus qu’Yvan, un Bernard Bonnet qui doute de la culpabilité
d’Yvan Colonna puis finalement doute de ses doutes, des dépositions sur
la présence d’Yvan Colonna à divers endroits qui se contredisent et
montrent que l’accusé ne s’y trouvait pas, un accusé qui regarde la
famille Erignac droit dans les yeux pour leur dire qu’il regrette la
mort du préfet et qu’il n’y est pour rien, qui regarde son ancien ami
Pierre Alessandri droit dans les yeux pour lui demander des comptes, qui
regardait aussi ses juges d’intructions droit dans les yeux pour leur
dire son innocence (aux dires du juge Thiel lui-même)...
Alors pour moi, ça fait beaucoup ! Si la justice est une balance, elle
penche aujourd’hui bigrement du côté de l’innocence d’Yvan Colonna.
Bien sûr, je ne suis pas la justice. Je veux bien être le roi des
imbéciles dans cette affaire. Mais je ne comprends toujours pas ce qui
motive les journaux dans ce procès. Il n’y trouveront rien de ce qu’ils
sont venus y chercher.
Il n’y a à ce jour aucune
preuve. Peut-être le président Coujard en a-t-il gardé une pour la fin
? Je ne le crois pas si taquin. Je sais que cela ferait un bel os sur
lequel se jeter. Mais en ce qui me concerne, je préférerais un beau
dénouement. Simple.
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