« Procès Onana » : le verdict, le jour d’après, suite et pas fin ?... Mais pas que ! [1]
« Méthode d’investigation : dès qu’on a pensé quelque chose, chercher en quel sens le contraire est vrai ».
Simone Weil (1909 – 1943). In « La Pesanteur et la Grâce » (Agora Pocket – P 132)
Cet aphorisme me semble particulièrement opportun d’être rappelé ici tant il colle à la situation actuelle, bien entendu, à la petite échelle du procès intenté contre Charles Onana[2] mais aussi, à l’échelle mondiale, aux tumultes de l’actualité dramatique d’Ukraine à Gaza, de Séoul à Damas, de Kigali à Kinshasa, La vérité ne semble toujours pas bonne à dire, ici ou là !! Le mensonge prend l’ascenseur et la vérité emprunte l’escalier….
Et donc le verdict du procès d’Onana le condamne en première instance : Point/Barre !
Dans quelle mesure cette condamnation rend-elle l’hommage dû aux victimes du génocide de 1994 des Tutsi du R4wanda, dans quelle mesure participe-t-elle à la cicatrisation des blessures des cœurs et des esprits des survivants, en quoi participe-t-elle à la confortation du « plus jamais ça » ? Peut-on « se poser ces questions » sans être traîné en justice pour « complicité de contestation »[3] ?
Pour ce qui est du verdict, le libellé du jugement serait assez différent suivant les divers titres des médias, de « … reconnu coupable de complicité de contestation (publique) de crime contre l’humanité » (Le Monde, La Croix, Le Figaro) à « ..…complicité de contestation du Génocide des Tutsis » (Jeune Afrique) et à « condamné à une amende pour négationnisme »[4] (Libération), etc.
Quels sont les termes exacts du libellé de la décision de la Cour ? Sachant que « … le libellé d'un jugement est la façon dont le tribunal a rédigé sa décision, tandis que sa teneur est tout à la fois l'exposé du contexte de l'affaire, l'historique de la contestation, l'analyse et la motivation, puis la conclusion et le dispositif »[5]. On peut se poser la question de savoir qui aura, à part les avocats, accès à la teneur exacte de la décision et les capacités nécessaires à la compréhension « de l’exposé du contexte », de l’« historique de la contestation », de l’« analyse et de la conclusion » du jugement. Il nous reste, pour nous tous, citoyens lambdas, à choisir, dès lors, pour une des formules « sentencieuses » de la presse mainstream : « complicité de contestation » ou « négationnisme ». Donc pour faire court, il n’y a pas photo, le verdict est qu’Onana est négationniste : Point/Barre ! ….
Le jour d’après, ce sera l’inévitable appel que les conseils Onana se proposent d’interjeter du jugement de ce 09/12. Donc un très gros travail de préparation pour ses avocats compte-tenu qu’à la moindre « erreur » de forme, l’appel sera rejeté …. Car, quand une affaire est « mauvaise, sur le fond », l’accusation cherche, invoque et trouve souvent la « forme » : « vices de procédures … : « Attendu que….. etc., etc. …. » (On connait la chanson).
Pour ce qui est des voix qui se sont élevées en faveur de Charles Onana on retiendra évidemment, la docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018 et d’Adolfo Perez Esquivel, Prix Nobel de la Paix 1980, et aussi Joan Carrero Saralegui[6] (Fondation S'Olivar, nominé pour le Nobel de la paix 2000). Judi Rever , Michela Wrong et Patrick Mbeko se sont aussi exprimés.[7]
Quant à Jérôme Bossan (« Cette affaire….est l’occasion de revenir sur ce qu’est cette infraction très originale ») il a conclu son avis[8] de la manière suivante : « Il revient à la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris de savoir si le délit de négationnisme est bien constitué dans l’affaire qui lui est soumise ».
Par contre, il est peut-être intéressant de constater les silences[9] de gens comme Emma Bonino, Alexandre Penasse, Bernard Lugan, Robin Philpot, Phillip Reyntjens, Bernard Desgagné, Michel Collon, Jean Bricmont, Rony Brauman[10], et celles des Jacques Baud, Thierry Messan, Bernard Dénécé, Pierre Conesa[11], Xavier Moreau, Magda Aelvoet, Régis Lesommier et al. Leur retenue s’explique, peut-être, par une attitude de prudence à adopter en la matière. Ils savent « qu’une accusation et une plainte portées par des « associations » valent condamnation médiatique » 8.
Cependant les prises de positions, du jour d’après, de ces « experts », sur le cas Onana, serait intéressante à analyser. En effet, de plus en plus, l’ensemble des questions qui « posent problèmes » (Russie-Ukraine, Israël-Gaza, Rwanda-RDC) sont replacées, par ces spécialistes, dans leur contexte. Le manichéisme et la bipolarité sont renvoyés aux pratiques de propagande désuètes d’antan. Déjà Natacha Polony[12] (de Marianne) a été relaxée de l’accusation de négationnisme pour avoir dit que « dans la tragédie rwandaise il n’y avait pas que des bons d’un côté et des salauds de l’autre mais des salauds des deux côtés ». C’est cette même 17ième Chambre du Tribunal de Première Instance de Paris qui en aurait jugé « comme ci » pour Polony et qui en jugerait « comme ça » pour Onana …. ?
Alors : suite et pas fin ? Est-ce qu’il faudra, maintenant, prendre certains guillemets oratoires, précautionneusement supplémentaires, en fonction du génocide dont on veut parler ? Sans doute. Mais si tous sont horribles, condamnables et incontestables tous ne sont pas semblables ou comparables ne fut-ce que chronologiquement, typologiquement, méthodologiquement, et suivant le contexte régional[13], etc. Que dire pour chacun : celui des Hereros (Namibie- 1904), celui des Arméniens (Empire Ottoman- 1914-1915), celui des Juifs et des Tziganes (Allemagne Nazie - 40-45), celui des Hutus (1972) et des Tutsis (1993) du Burundi, celui des Tutsis du Rwanda (1994), celui des Palestiniens de Gaza (2024)[14]. Le « Mapping Report »[15] parle de « possible génocide »de Hutus en 96-97 dans la forêt zaïroise.
S’il est sans doute vrai que l’histoire de tous ces génocides est encore mal connue sur beaucoup d’aspects et pour certains faits de leur genèse et de leur déroulement, qu’en est-il précisément des acteurs, des moyens, des circonstances dans le temps et l’espace en ce qui concerne le génocide des Tutsis du Rwanda ?. On sait que la carte n’est pas le territoire et que l’exactitude de l’analyse du territoire peut dépendre de l’échelle de la carte dont on se sert pour cette analyse surtout si elle est effectuée « hors sol ». Pour approcher la vérité de ce génocide je pense que nous avons tous besoin des réflexions des politologues, des ethnologues, des sociologues, des psychologues, des linguistes, des psychiatres et d’autres théoriciens et historiens et pas seulement de celles des historiographes pas celles des censeurs, des gardiens du temple, des défendeurs du dogme …Or malheureusement la Commission Européenne « Van der Leyen 2.0 » plancherait sur la création d’un « Bouclier de la Démocratie . Ce "projet » ne laisse rien présager de bon de la part d’oligarques corrompus de la pensée conforme, qui briguent une carrière et semblent vouloir brider la liberté d’expression sous couvert de défendre la liberté (tout court). Selon Pierre-Yves Rougeyon du Cercle Arisrote[16] : « … la France dispose aujourd’hui de 5 lois encadrant la liberté d’expression ».
Faut-il rappeler qu’il a fallu plus de 70 ans pour qu’il soit reconnu que les véritables coupables du massacre de Katyn (les soviétiques) n’étaient pas les Nazis. Alors que ce fait était connu dès la découverte du charnier ? N’y aurait-il pas du négationnisme là-dessous ? Mais que dire alors de l’enfouissement dans les tiroirs de l’ONU du Mapping Report de Navi Pillay.
Dès lors qu’en est-il du « mais pas que »[17] de mon titre ? (En effet dire « mais pas que » ou « oui, mais », n’aurait-il pas déjà un relent de négationnisme ?). D’ores et déjà je voudrais faire remarquer que :
- L’Ambassade du Rwanda à Maputo Mozambique a été fermée … et pourtant Total est toujours sous bonne garde rwandaise (Cabo Delgado), suite au rapport Duclert-Macron ….. (n’en déplaise …. )
- Un certain Dr Eugène Rwamucyo a été condamné par la cour d’Assises de Paris à 27 ans de prison, le 30/10/2024. (850 témoins et 30 avocats pour l’accusation versus 20 témoins et 2 avocats pour la défense. Vrai ?)
- L’Europe de Mme Von der Leyen a fait voter le budget d’aide militaire au Rwanda de 20 millionsd’ €[18] (et 40 millions pour le Mozambique). Il semblerait que certains états se seraient abstenus dans le vote sur ces articles du FEP[19][20]. Ce FEDP serait-il un des premiers éléments du « Bouclier » ?
- Le Belgique et le Rwanda n’ont plus d’ambassadeurs depuis un peu plus d’un an, mais les relations ne sont pas rompues (?) et l’ambassade du Rwanda à Bruxelles a été « transférée » à Berlin (retour à la case départ ?)
- Les USA « sanctionnent » le Rwanda pour la question des enfants soldats…. https://www.youtube.com/watch?v=vrmKSp-DN5U Mais l’Administration démocrate de Biden est, évidemment, sauvée par le gong républicain de Trump …
- Le témoignage en défense du Colonel Luc Marchal ne pourrait-il faire l’objet d’une plainte, compte tenu qu’il y aurait repris en fait les termes de la préface qu’il a rédigée de l’ouvrage contesté. De ce fait, il se retrouve plus impliqué dans la « complicité de contestation » que l’éditeur de l’ouvrage, lui-même condamné avec Onana !…... Cette procédure ne devrait-il se tenir en Belgique, la « complicité de contestation » n’étant pas du ressort des compétences universelles des tribunaux (français en particulier).……… !
- Il en est de même du témoignage en défense de l’ex-Ambassadeur de Belgique au Rwanda qui, s’il a employé les termes qu’il a utilisé dans sa préface du livre de Patrick Mbeko[21], aurait pris des risques de se voir accusé, dans son pays, non pas de complicité mais bien de connivence ou même de collaboration active dans la mise en doute de la réalité du Génocide. Les expressions « … imprimatur de Kagame », « Doxa de l’histoire officielle », « catéchisme de la repentance », « origine de la mort de Fred Rwigema », « … un des aspects d’une parodie de système judiciaire propre à garantir la prévalence de la justice des vainqueurs… », ne risquent-elles pas de mériter une action en justice ?
A suivre ?
[1] Suite de « Onana ; J’accuse ? (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/onana-j-accuse-257480) et « Onana : et al. » (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/onana-et-al-257945)
[2] Auteur de « Rwanda La vérité sur l’opération Turquoise » L‘Artilleur 2019.
[3] Notez les guillemets !
[4] Notez les italiques et les guillemets !
[5] https://www.btb.termiumplus.gc.ca/juridi-srch?lang=eng&srchtxt=tomber&cur=19&nmbr=25&lettr=indx_catlog_l&page=9a2FzLUkMGBU.html – Va-t’en comprendre !
[6] https://repositories.lib.utexas.edu/server/api/core/bitstreams/e00b81f8-3116-4f8b-b8e3-51b0f27a9b27/content
[8] https://www.leclubdesjuristes.com/justice/genocide-au-rwanda-un-proces-pour-negationnisme-a-paris-7265/
[9] Sauf erreur de ma part.
[10] Témoins de la défense dans l’affaire Natacha Polony
[11] Sauf que sur https://www.youtube.com/watch?v=WvG9pCTXQyk&t=24s – 15’42’’ à 15’48’’
« …Bon voilà, on ne va pas intervenir au Congo. C’est là qu’il y a le plus de morts ! Qui est-ce qui va s’occuper du Congo ? Franchement il n’y a pas un BHL pour s’occuper du Congo !. 20 millions de morts depuis 2.000… ! »
[12] La https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/rwanda-relaxe-en-appel-de-natacha-polony « ...Cour d’appel a confirmé en tout point la décision de la 17ème chambre, qui avait débouté l’Association Ibuka France et le MRAP…… »
[13] Mapping Rapport - Navi Pillay - 2009 – in https://en.wikipedia.org/wiki/DRC_Mapping_Exercise_Report
[14] « En continuant de soutenir militairement et financièrement leur allié israélien ……… la France, se déroberait à ses responsabilités et mettent à mal le droit international… » (Béligh Nabli, juriste israélien)
[17] J’espère que les guillemets ne seront pas pris comme une insinuation de « ……de Génocide des Tutsis du Rwanda qui a fait entre 1.200.000 et 800.000 morts selon l’ONU, en moins de 100 jours, principalement des Tutsis et de Hutus modérés »
[18] « La facilité européenne pour la paix (FEP) qui est un instrument pour accroître la capacité à prévenir les conflits, à consolider et préserver la paix et à renforcer la sécurité et la stabilité internationales…. !!
[19] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/20/l-union-europeenne-debloque-20-millions-d-euros-pour-les-forces-rwandaises-au-mozambique_6405081_3212.html
[20] https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-la-grogne-de-la-belgique-qui-ne-veut-pas-financer-la-mission-rwandaise-au-mozambique_224812
[21] « Malheur aux vaincus »
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